Harcèlement scolaire ou cyberharcèlement, les jeunes générations sont de plus en plus confrontées à ces menaces dans leur quotidien. Dans ce contexte, comment les protéger et comment prévenir ce phénomène qui semble échapper au monde adulte ? En Nouvelle-Aquitaine, les spécialistes agissent et font bouger les lignes.
Le cyberharcèlement est défini comme " un acte agressif et répété par les moyens de communications digitaux à l'encontre d'une victime qui ne peut facilement se défendre seule". Les enfants et les adolescents sont les plus vulnérables face à ce phénomène. Pour ces derniers, il peut être quotidien, se produire à l’école, en cours, à la récréation, mais aussi à la maison sur les écrans.
Selon les derniers chiffres de l’Éducation nationale, 12% des écoliers souffriraient de ce harcèlement scolaire.
Un récent rapport du Sénat détaille les chiffres des différents types de harcèlement, mais précise que les outils à disposition ne "mesurent pas la réalité du phénomène, mais seulement la manière dont il est reporté".
Conscient du phénomène, Nicolas Mazurier, Directeur de cabinet de la rectrice de l’académie de Poitiers, précise d’ailleurs : " La question du harcèlement est fortement impactée par les réseaux sociaux et l’absence d’étanchéité entre le temps scolaire et le temps de loisir fait que des élèves vivent le harcèlement au quotidien d’où la nécessité de s’en préoccuper, de le repérer et de le traiter ".
Le traitement proposé par l’Éducation nationale tient en un mot –programme : PHARE. Ce dispositif est un plan de prévention du harcèlement à destination des écoles et des collèges/lycées depuis la rentrée 2021. Il a été construit autour de 8 piliers :
- Mesurer le climat scolaire.
- Prévenir les phénomènes de harcèlement.
- Former une communauté protectrice de professionnels et de personnels pour les élèves.
- Intervenir efficacement sur les situations de harcèlement.
- Associer les parents et les partenaires et communiquer sur le programme.
- Mobiliser les instances de démocratie scolaire et le comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement.
- Suivre l’impact de ces actions.
- Mettre à disposition une plateforme dédiée aux ressources.
"L’ambition avec ce programme, explique de Directeur de cabinet, est de former une communauté protectrice autour des élèves". Des actions à forts enjeux qui deviennent indispensables face à un phénomène aux conséquences souvent désastreuses.
Des effets psychiques désastreux
Le harcèlement scolaire s’accompagne désormais presque systématique de cyberharcèlement. Avec l’utilisation permanente des smartphones et des réseaux sociaux, le harcèlement entre élèves se poursuit de nos jours en dehors de l’enceinte des établissements scolaires.
Concrètement, le cyberharcèlement se manifeste dans des groupes de discussion créés par des élèves comme sur Whatsapp, par exemple. L’utilisation de photomontage (fake), de photos dénudées (nudes) ou de moqueries vont raisonner de manière particulièrement brutale dans la psyché des adolescents. "La logique du numérique amène des enfants harceleurs à fédérer autour d’eux d’autres enfants sans toujours se rendre compte qu’en relayant simplement un avis négatif simplement pour rire, ça va faire énormément de mal à la victime. Être moqué trois fois dans une cour de récréation, ça va, quand elle est relayée par 50 personnes qu’on ne connait pas sur internet, ça devient une catastrophe", explique Serge Tisseron, psychiatre et membre de Conseil national du numérique.
Des effets psychiques désastreux pour les enfants ou les adolescents qui ne sont pas toujours repérés ou compris par les parents ou les personnels des établissements. Ainsi, le monde adulte peut se sentir dépassés par le cyberharcèlement. " Le phénomène de harcèlement est souvent caché des yeux des adultes qui voient souvent les choses tardivement ou dès lors que le comportement de l’enfant se modifie (…). Chez les victimes de harcèlement, il peut y avoir de l’isolement, du retrait, des modifications de comportement au niveau du sommeil, de l’alimentation, des changements d’humeur, mais chez les adolescents, ces manifestations peuvent apparaitre pour d’autres raisons. C’est donc délicat en tant qu’adulte de pouvoir identifier le problème », explique la psychologue clinicienne, Elodie Benamghar qui exerce à Poitiers.
Des ateliers et des supports
En complément des actions développées par l’Éducation nationale, des associations et des intervenants se mobilisent en Nouvelle-Aquitaine pour former et prévenir le cyberharcèlement.
Les intervenants développent notamment des outils d'éducation populaire, des contenus ludiques ou émotionnels, afin de favoriser des espaces de liberté de parole. C’est ce que propose Maxime Jouet, auteur du film Je te faisais confiance, diffusé dans des cinémas en présence d’enfants, de parents et de la psychologue Elodie Benamghar.
Maxime Jouet souligne l’importance de l’accompagnement après le visionnage de ce film coup de poing destiné à réveiller les consciences. "Dans le tour de France que j’ai fait avec le film, beaucoup parents m’ont expliqué qu’ils n’avaient rien vraiment rien vu du harcèlement de leur enfant (…). Pour les jeunes, dès lors qu’on leur parle et qu’on leur montre ce que peut provoquer le harcèlement, ils se disent qu’ils peuvent aider quelqu’un et faire plus attention à leurs copains".
Alors que faire ?
Toute personne qui subit ou constate une situation de harcèlement peut joindre le 30 20 ; pour le cyberharcèlement, composez le 30 18. Ces numéros permettent une écoute et surtout une prise en charge rapide des personnes concernées. Au sein des classes, des jeunes peuvent aussi devenir des "sentinelles", des référents avertis de ces mécaniques.
Cyberharcèlement, revenge porn, chantage à la webcam, usurpation d’identité, violences à caractère sexiste ou sexuel ou encore exposition à des contenus violents, pour mettre fin à la boucle infernale du cyberharcèlement, il existe aussi plus applications pour smartphones. Autant de moyens pour que cesse la mécanique, cette boucle infernale.
Disputandum sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, une émission-débat animée par Jeanne Baron.
Les invités :
- Nicolas Mazurier: Directeur de cabinet de la Rectrice de l’académie de Poitiers
- Elodie Benamghar : Psychologue clinicienne
- Maxime Jouet : Réalisateur
- Serge Tisseron : Psychiatre et membre de Conseil national du numérique
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