Témoignages. Violences conjugales. Il faut arrêter de se taire

Depuis le début du confinement, les services d’urgence à travers l’Europe ont enregistré une augmentation de près de 60 % des appels de femmes victimes de violences conjugales. En première ligne, les associations restent mobilisées.
 

Nous avons recueilli plusieurs témoignages que nous partageons avec vous.

- Déborah, 32 ans, mère de trois enfants
"En douze ans de vie sentimentale j'ai connu ce que je ne souhaite à aucune femme, les violences conjugales. A la fois physique, avec des coups portés lors de mes grossesses ou à cause d’un refus d’obéir ou bien même sans raison.
Très souvent morale, cette violence ne se détecte pas mais détruit une femme dans son intégralité. J’ai été dénigrée physiquement, je me cachais dans des tenues quelconques pour ne pas subir de réflexions.

Je n'avais pas le droit d'avoir un cercle amical et je devais uniquement m’occuper de la maison et des enfants. Je n'avais le droit à aucun plaisir.

L'argent servait bien sûr aux dépenses du foyer mais ce qu'il en restait servait aux plaisirs de Monsieur.Le plus dur dans ces situations, c'est que les enfants sont pris à partie et sont utilisés. J'en paye encore les frais aujourd'hui. Et puis on perd confiance en nous et en chaque chose que l'on fait au quotidien. Nous ne sommes pas écoutées comme on le devrait par les autorités".

 

- Sarah*
"Depuis 2012, date où je suis devenue propriétaire de la maison par donation, je ne cesse de recevoir insultes, moqueries, propos sexistes de la part de mon voisin que je nommerai Mario. Ce voisin est arrivé en 2008 et depuis cette date c’est un quotidien invivable que nous subissons. Auparavant, ce monsieur s’est engagé par voie de médiation et de conciliation auprès de ma mère sur des mesures à prendre permettant de meilleurs rapports de voisinage. Aucun de ses engagements n’a été respectés ma mère affaiblie par un veuvage récent, une lourde opération et son âge n’en pouvait plus d’être maltraitée et a fait une tentative de suicide. Chaque fois, que je m’adresse à lui pour des soucis, j’ai droit à une insulte, ou alors il répète bêtement ma phrase en se moquant. Il n’y a jamais eu d’échanges constructifs, de dialogue. Un refus total de sa part.

Je porte plainte parce que la barrière a été détruite, le procureur ne le condamne pas. Comme il tient le bar du village, un jour, un client est sorti en hurlant : "Alors c’est elle la mal b… ?" Que répondre à une phrase aussi stupide ? Il me menace de mort si je vais dans le passage. Il me bouscule (vidéo) en disant même pas en rêve lorsque je lui explique que je veux passer. Il me dit "Ton c… il est si gros que tu peux pas passer ailleurs ?" (enregistré). Il met une échelle derrière ma haie, grimpe, apparaît. Je le prends en photo. Il porte plainte. Je lui demande s’il n’est pas gêné de faire ça, il me répond : "pour ce qu’il y a à mater"

Rien ne l’arrête. Tout lui est permis ! Les actions, les paroles. Et ceci, uniquement lorsque je suis seule à l’abri des regards et sans témoin.

Lorsque je reçois des amis, il est inexistant. Mais je sais qu’il va réapparaître par la suite. Je vis terrée lorsque je suis seule. J’ai pris conscience, lors du confinement, que je fuyais en participant à beaucoup d’activités pour ne pas être chez moi. J’ai peur d’être à la maison et j’ai peur de ce que je vais trouver en rentrant. Je sais qu’il se cache derrière la haie, parce que mes chats sont inquiets. J’ai une photo de son ombre.

Je fais des photos par passion. Un jour, j’entends ce voisin, en bas de ma maison en train de hurler "salope" parce que je prenais une photo. J’étais plongée dans mes réglages, je ne l’ai pas vu. Depuis, je n’ose plus me mettre à ma fenêtre. Les volets restent fermés le plus souvent. Lorsque je lui demande de fermer le portail du passage que l’on avait installé, il refuse malgré un courrier d’une avocate.

Il me répond soit : "Tu n’as qu’à le faire c… sse ! Tu n’es bonne qu’à ça" Soit : "De toute manière, je n’ai pas besoin de te dire ce que tu es, tu le sais déjà".

Comme je l’ai dit, tout est hors de la vue de témoins potentiels. C’est ce qui fait sa force.
Toutes ces agressions verbales sont destructrices à force. Je n’y prêtais aucune attention au début pensant qu’il se lasserait, mais à force, je finissais par me dire que j’étais une mauvaise personne.
 
- Marie*
"J’ai été victime d'abus sexuels et de menaces. Enfant, pendant plusieurs années, je ne me souviens pas de l'âge auquel ça a commencé, et ce jusqu'à mes 11 ans j’ai été victime d'attouchements sexuels et de menaces de la part d’un des membres de ma famille. 
Ceci a généré des comportements assez destructeurs de ma part envers moi-même pendant longtemps. J’ai été victime d'agressions verbales et psychologiques à maintes reprises.
A 23 ans, je rentrais de discothèque vers 7h du matin, à Madrid, dans le métro, je portais une jupe et un dos nus. J'avais passé une nuit à rire et danser avec mes amis, je rentrais en plein jour joyeuse et sereine, il faisait beau comme bien souvent là bas.

Dans l'escalator derrière moi il y a avait un homme, assez près, et il a dit à voix basse sur un ton méprisant "si tu te fais violer, tu l'auras mérité". Cette phrase est tombée comme une enclume.

J'étais en état de choc. La gorge me serrait comme si je venais de prendre un coup de couteau dans le ventre. J'avais du mal à respirer. J'étais terrorisée. Je suis restée figée comme si je n'avais rien entendu jusqu'à ce que l'escalator arrive en haut.

Je ne suis pas une femme qui cherche à être attirante, je juste suis un être humain. Bien sûr je sais que ce que cet homme a dit ne concerne que lui, sa haine, sa frustration, c'est sur moi qu'il l'a déversée. Cette phrase porteuse de bien des clichés et de sous-entendus a été d'une grande violence.

Il y a une autre forme de violence subie, elle est plutôt grossière et maladroite, elle est plutôt inconsciente. Ce sont les interpellations machistes d'ordre sexuel et les regards qui scrutent mon corps. Cette situation est assez fréquente et peut paraître anodine, mais c'est en fait extrêmement gênant voire même humiliant. On se sent comme un objet ou une proie.

Je ne suis pas un objet sur lequel on peut transposer ses fantasmes, ni un objet de moqueries.

Le malaise provoqué par ce genre de situations est lourd à vivre au quotidien et il est pénible d’y répondre.
J’ai développé plusieurs stratégies pour pallier à ces situations. Je porte des vêtements couvrants pour ne pas être embêtée, me privant ainsi de la simple liberté de me vêtir comme je le souhaite.
J’ignore. Je marche, feignant d'être trop prise par mon téléphone pour avoir remarqué la présence d'autres personnes dans la rue."

Une association pour "pallier les aides presque inexistantes"

L’association Sourires de Femmes 86 a été créée en décembre 2019 par Isabelle Devaux et Jean-Frédéric Fraudeau pour "pallier aux aides presque inexistantes". "En décembre 2018, j’ai tellement eu peur de mourir avec ma fille aînée à cause de mon compagnon que dès que ça s’est passé j’ai demandé de l’aide. Le Centre d’information sur le droit des femmes et des familles (CIDDFF) n’a rien fait, et je n’avais pas d’argent pour me payer une psychothérapie, alors ça a été le déclic pour créer une association". L’association a été déclarée en sous-préfecture en mars 2020 au journal officiel afin "d’avoir plus de poids".

Créée avec une avocate en droit des affaires de Châtellerault, l’association dispose d’une psychologue bénévole (consultation confidentielle) qui intervient gratuitement, d’un avocat (information juridique gratuite et confidentielle) et d’un local où sont organisés des groupes de paroles qui reprendront peut être en juin. Des ateliers sont mis en place, comme des shootings photo sur les violences, le cancer du sein, qu’on peut retrouver sur la page Facebook de l’association, l’association fait des collectes de protection hygiéniques dans les magasins...
 

"Beaucoup de femmes nous contactent, se confient, et elles viennent de toute la France". Le rôle d’Isabelle Devaux est l’accompagnement de ces femmes, souvent seules et démunies. "Je fais preuve de détachement par rapport à ce que j’ai vécu, j’écoute ce qu’elles ont à me dire et je les redirige, selon leurs besoins. Je suis un intermédiaire entre elles et l’avocat, la psychologue...". Garder contact est primordial pour la présidente.

Ce sont souvent des personnes en difficultés, je maintiens un lien mais si elles ne le souhaitent pas, je ne les force pas.
Isabelle Devaux, présidente de Sourires de femmes 86

"Depuis que je suis accompagnée par l'association je me sens enfin écoutée, accompagnée. Je pose des mots sur ce que j'ai subi. Cela m'aide beaucoup dans mon développement personnel", explique l’une des personnes qui a témoigné.

Le premier contact se fait principalement par sms ou via messenger. Isabelle Devaux en reçoit beaucoup mais répond à tous. S’ensuit généralement un rendez-vous téléphonique où Isabelle tente de dresser un bilan avec ces femmes pour les rediriger. "Quand elles se plaignent de leur compagnon, certaines veulent rester avec lui. Le processus ne sera pas le même en fonction de leur réponse", affirme-t-elle.
Ayant le statut de présidente, Isabelle Devaux dispose d’un droit. Si elle sent qu’une femme est un danger pour elle même ou que l’homme est un danger, elle a le droit de prévenir le procureur. "Il faut arrêter de se taire, la honte doit changer de camp, libérons la parole !"

*Certains prénoms ont été modifiées pour préserver l'anonymat
 
Associations de violences faites aux femmes
► Niort
Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles des Deux-Sèvres - CIDFF
7B, rue Max Linder 79000 NIORT
05 49 06 95 95
cidff79@orange.fr

Planning Familial 79 13, E rue Louis Braille - 79000 Niort
05 49 26 95 08
mfpf.ad79@wanadoo.fr

► La Rochelle
Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles de la CharenteMaritime - CIDFF
Maison de l'Emploi 88, Rue du Bel Air 17000 LA ROCHELLE
05 46 41 18 86
cidff17@orange.fr

Le Planning Familial 17
21, av des Cordeliers 17000 La ROCHELLE
05 46 27 11 59
pascawila@yahoo.fr

► Poitiers
Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles de la Vienne - CIDFF
47, rue des Deux Communes 86160 BUXEROLLES
05 49 88 04 41
cidf86@wanadoo.fr

Le Planning Familial 86
20, rue du Fief des Hausses 86000 POITIERS
05 49 47 76 49
planning.familial-ad86@wanadoo.fr

► Angoulême
Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles de Charente - CIDFF
22 bd auvergne bat les bleuets appart 1 16000 ANGOULEME
05 45 92 34 02
cidff.charente@cidff16.org

Femmes solidaires
Maison du Peuple et de la Paix, 50 rue Hergé 16000 Angoulème
06 43 83 24 65

► Au niveau national
Collectif Féministe Contre le Viol
0800 05 95 95
collectiffeministe.contreleviol@orange.fr
https://www.cfcv.asso.fr

Fédération nationale GAMS
51 avenue Gambetta, 75020 PARIS
01 43 48 10 87
contact@federationgams.org
http://federationgams.org

Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir
2 rue Aristide Maillol, 75015 PARIS
01 40 47 06 06
ecoute@fdfa.fr
http://fdfa.fr

SOS mariage forcé
01 30 31 05 05
contact@sos-mariageforce.org
http://www.association-voixdefemmes.fr

VIA FEMINA FAMA
Maison des Professions Libérales et de Santé, Parc Georges Besse NIMES
09 51 10 87 28 
viafeminafama@gmail.com
http://viafeminafama.com
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