François Fillon est monté au front, jeudi soir, contre Nicolas Sarkozy en lui déniant le rôle d'"homme providentiel" et de "recours" pour l'UMP dans la perspective de la présidentielle de 2017. C'était lors de son premier meeting à La Grande-Motte, en présence de militants UMP de la région.
Lors d'une réunion publique à la Grande Motte, trois jours après la venue de Nicolas Sarkozy lundi devant le bureau politique de l'UMP, l'ex-Premier ministre n'a pas mâché ses mots contre l'ancien chef de l'Etat.
"Je ne lie pas l'avenir de l'UMP à un homme", "l'UMP ne peut vivre congelée, au garde à vous, dans l'attente d'"un homme providentiel", "chacun a le droit de vouloir servir son pays et chacun aura le droit d'être candidat aux primaires, mais personne ne peut dire +circulez! il n 'y a rien à voir, le recours c'est moi!"....
La charge violente de François Fillon a démontré, s'il en fallait, le niveau d'exaspération qu'il a ressenti lundi soir, quand il a dû écouter sans broncher, Nicolas Sarkozy, accueilli en star par le bureau de l'UMP et des partisans, venus se masser devant le parti, en criant "Nicolas président". Lui, a contrario, a essuyé quelques sifflets.
La volonté de s'affirmer après cette séquence était d'autant plus forte que l'ex Premier ministre a franchi un pas en annonçant, début mai depuis Tokyo où il était en déplacement qu'il serait candidat en 2016 à la primaire UMP pour la présidentielle de 2017, et cela "quoi qu'il arrive".
Son entourage avait prévenu jeudi, par la voix du député Jérôme Chartier, qu'il aurait une grande liberté de ton à La Grande Motte. Tant il est ressorti de la prestation lundi de Nicolas Sarkozy à l'UMP avec "le sentiment d'un affranchissement total" vis-à-vis de l'ex-président qui, a dit M. Chartier, "a précipité la préparation de la primaire pour 2017". "La page vient maintenant de se tourner", avait ajouté le député, qui était son porte-parole durant la guerre
Fillon-Copé de l'automne dernier pour la présidence du parti.
"Comment un animal politique comme Nicolas Sarkozy, s'il veut revenir en politique, peut, pour sa seule occasion de discours devant une assemblée politique depuis sa défaite, se présenter en distributeur de leçons et de claques?", s'était interrogé M. Chartier.
"Agitation post-mortem"
François Fillon a joué le registre du modeste jeudi soir: "Nous devons tous faire nos preuves, moi le premier. Depuis plusieurs mois, je multiplie les déplacements, comme un militant parmi les militants".
"Rester sur son piedestal en attendant que la gauche s'effondre et en espérant être plébiscité par les Français: ça, c'est l'assurance d'échouer", a-t-il ajouté.
Lundi, Nicolas Sarkozy avait pris date pour un retour politique et lancé: "Ce n'est pas le moment de ma rentrée politique. Parce que le jour où je voudrai, je vous préviendrai".
Geoffroy Didier, un des co fondateurs du courant UMP "La droite forte" qui s'est mis au service de l'ex président, a répliqué via Twitter à François Fillon. "Par respect pour tous ceux qui défendent nos idées et nos valeurs, l'unité doit être notre seul discours. Le rassemblement est une exigence", a-t-il écrit. Manière de signifier que François Fillon était un diviseur.
"Fillon à la Grande Motte: de l'agitation post-mortem", a ironisé, également sur Twitter, Eduardo Ryan-Cipel, un des porte-parole du PS.
François Fillon a appuyé en outre sur un point sensible en affirmant jeudi soir que "la multiplication des affaires pourrit l'atmosphère". Nicolas Sarkozy était venu devant le bureau politique de son parti, dans une situation financière délicate,
après l'invalidation de ses comptes de campagne présidentielle pour insincérité et dépassement des frais de campagne autorisés. Son nom est évoqué également dans plusieurs affaires.
La gauche le soupçonne en outre d'avoir oeuvré dans l'affaire de l'arbitrage controversé en faveur de Bernard Tapie dans la revente d'Adidas.
Hortefeux à Fillon : la présidentielle n'est "pas la préoccupation des Français"
L'eurodéputé UMP Brice Hortefeux, proche de Nicolas Sarkozy, a souligné vendredi que la "préoccupation des Français" ce n'était pas la présidentielle, évoquant les propos de François Fillon, qui la veille, avait dénié à l'ancien chef de l'Etat le rôle de "recours" pour la présidentielle de 2017.
"François Fillon est bien évidemment libre de s'exprimer comme il l'entend, avec ses mots, ses centres d'intérêt et ses préoccupations - essentiellement une préocupation sur une élection présidentielle qui se déroulera dans plus de 45 mois", a relevé sur Europe 1 l'ancien ministre de l'Intérieur.
"C'est son choix, c'est sa responsabilité", a ajouté M. Hortefeux.
"Je ne crois pas à la providence, ni à la confusion des calendriers (...) la préoccupation des Français, ce n'est pas une élection qui va se tenir dans très longtemps", a répliqué M. Hortefeux.
Le président de l'association des "Amis de Nicolas Sarkozy" a insisté à plusieurs reprises sur le fait que François Fillon avait "travaillé, sous l'autorité de Nicolas Sarkozy pendant 5 ans".
Quant à l'ébauche d'inventaire entamée par l'ex Premier ministre jeudi soir, M. Hortefeux a fait valoir que MM. Sarkozy et Fillon avaient été "totalement liés" pendant 5 ans. "S'il y a critique, ça commence par l'autocritique", a-t-il dit, en conseillant aux uns et aux autres de "ne pas être obnubilés par le calendrier de 2017" et de "travailler pour s'unir".