Le gouvernement catalan a renoncé lundi à organiser un référendum sur l'indépendance le 9 novembre après avoir tenté par tous les moyens de surmonter l'opposition de Madrid qui le juge inconstitutionnel.
L'annonce est tombée après une réunion houleuse du président Artur Mas avec les quatre partis qui soutenaient cette consultation en préparation depuis deux ans. Au sortir des pourparlers, cette coalition malaisée semblait plus mal en point que jamais.
"Le gouvernement a constaté que la consultation ne peut pas se tenir", a déclaré à la presse Joan Herrera, dirigeant de Iniciativa per Catalunya-Verts.
Contrairement à la Grande-Bretagne qui avait accepté que l'Ecosse se prononce sur son indépendance --elle l'a rejetée le 18 septembre-- le gouvernement conservateur espagnol a invoqué la Constitution pour l'interdire.
Il a saisi le Tribunal constitutionnel qui a aussitôt suspendu les textes de loi adoptés par la Catalogne pour organiser cette consultation populaire. Dès lors toutes les démarches entreprises par la Catalogne risquaient de tomber sous le coup de la loi. Il devenait difficile d'obliger les fonctionnaires et les policiers à participer à un référendum illégal.
Une voie légale et pacifique
Un membre de l'exécutif catalan avait ouvert la porte plus tôt dans la journée à un report du référendum. "La Catalogne est déterminée à manifester ses souhaits par la voie légale et pacifique (...) Nous y arriverons le 9 novembre, ou à une date ultérieure", avait déclaré à des journalistes à Barcelone Felip Puig, chargé notamment des entreprises au sein de l'exécutif régional.
"Le gouvernement fera une proposition alternative demain (mardi) ", a déclaré Joan Herrera, précisant que son parti se prononcerait à ce moment-là. M. Mas s'est apparement résigné à organiser un succédané de référendum, désigné sous le terme vague de "processus participatif", dont il sait qu'il ne sera pas représentatif.
L'ECR (Gauche républicaine catalane), le second parti de cette riche région du nord-est de l'Espagne, a annoncé qu'elle soutiendrait cette initiative mais que la Catalogne n'avait plus d'autre choix que de déclarer unilatéralement l'indépendance après de nouvelles élections.
"Il ne reste qu'une voie: un Parlement qui fasse une déclaration unilatérale d'indépendance et l'ouverture d'une assemblée constituante", a proclamé dans un communiqué ce parti qui aux élections européennes de mai dernier a dépassé la CIU d'Artur Mas.
Le président catalan, craignant de perdre sa majorité en cas d'élections anticipées, a tenté pendant des mois de convaincre ses partenaires de l'ERC de former une liste unique pour tenter d'obtenir un mandat clair pour l'indépendance. Mais l'ERC s'y est jusqu'ici refusée.
La fièvre indépendantiste
La Catalogne, jalouse de sa langue et de sa culture, fière de produire un cinquième de la richesse de l'Espagne, est soulevée depuis des années par une fièvre indépendantiste attisée par la crise économique et l'intransigeance du Parti conservateur, qui a une majorité absolue au Parlement espagnol. Parti traditionnel, longtemps partenaire des gouvernements successifs à Madrid auxquels il pouvait imposer ses conditions, la CiU d'Artur Mas avait une majorité
absolue quand il est arrivé au pouvoir en 2010.
Il a convoqué des élections anticipées en 2012 en promettant ce référendum mais n'avait plus qu'une majorité relative au soir du scrutin et était dès lors obligé de s'appuyer sur les autres partis indépendantistes pour tenir sa promesse. Le gouvernement de Mariano Rajoy l'avait averti dès le début qu'il ne permettrait pas ce référendum.
Selon lui, la Constitution ne permet pas aux régions de se prononcer seules sur une éventuelle sécession, les questions de souveraineté nationale relèvent de l'ensemble de la population espagnole. La fermeté de M. Rajoy, qui a repoussé toutes les tentatives de M. Mas pour obtenir de Madrid ce que l'Ecosse avait obtenu de Londres, a braqué contre lui de nombreux Catalans, au-delà des indépendantistes, qui réclamaient le droit de voter.
Le 9 septembre dernier, jour de la Catalogne, ils étaient 1,8 millions, selon la mairie de Barcelone, à réclamer le droit de voter dans une gigantesque manifestation. Mariano Rajoy a cependant renouvelé récemment un appel à un dialogue "dans le respect de la loi", y compris dans un éditorial en Catalan.