Depuis le 30 juin dernier, l'unique fabriquant de pompes à insuline a cessé toute production. Le «collectif des implantés», créé dans l’Aude, se bat pour obtenir des solutions alternatives pour les 250 malades équipés en France.
Au téléphone, Sabine Guérin ne décolère pas : "L’Etat est quand même responsable des 250 implantés de France. Il doit accélérer les choses pour nous sauver. Il n’y a pas encore de mort, mais il va y en avoir…. Là, ils nous condamnent" Sabine Guérin a 50 ans. Diagnostiquée dès ses 4 ans d’un diabète de type 1 instable, c’est la pose d’une des premières pompes à insuline en 1995 qui lui permet de stabiliser sa maladie et les complications associées. "Grâce à cette pompe, on peut vivre quasi-normalement" explique-t-elle.
On ne nous propose aucune alternative réelle, c'est une situation sanitaire scandaleuse.
L'arrêt annoncée de la production mondiale
Les pompes à insuline en question, la Minimed Implantable Pump (MIP), sont fabriquées depuis le milieu des années 1990 par une entreprise américaine : Medtronic. Elles coûtent 35.000 euros chacune et sont intégralement remboursées par la sécurité sociale. Mais en juin 2017, Medtronic, inventeur et seul fabricant de la pompe à insuline, prend la décision d’arrêter la production.Une menace qui se fait plus précise courant 2019 : l’entreprise annonce l’arrêt pour le mois de juin de cette année-là. Une date finalement repoussé au 30 juin 2020, sous la pression des autorités sanitaires françaises et des associations.
Car l’équipement est unique : la pompe est implantée directement dans l'abdomen des diabétiques. Elle distribue régulièrement l’insuline par voie «intra-péritonéale», c’est à dire directement dans l’abdomen. "L’insuline injectée par voie sous-cutanée, avec une seringue ou une pompe externe, est adaptée à une partie des diabétiques, mais pas à tous. La peau agit comme une barrière", explique Sabine Guérin. Celle-ci en est à sa huitième pompe.
L'arrêt de la production signifie que les 350 malades implantés dans le monde, dont 250 en France, ne pourront pas remplacer leurs pompes, une fois les piles de celles-ci épuisées.Au début, la durée de vie des piles n'excédait pas 3 ans, alors il fallait les changer tous les deux ans et demi par précaution. Depuis le début des années 2000, on ne me la change que tous les sept ans car les piles tiennent plus longtemps.
2 candidats pour la reprise de la production... mais pas avant 2023
Depuis un an, Sabine Guérin tente d'alerter l'opinion publique sur la situation. Elle a créé un "collectif des implantés" pour discuter avec la société fabriquante et les autorités sanitaires. Elle a déjà pu obtenir quelques avancées. Medtronic a notamment accepté de céder ses brevets et ses droits sur les pompes à insuline.Deux sociétés, la Néerlandaise Ipadic et l'Américaine Physiologic Devices Inc., sont sur les rangs pour reprendre la fabrication, mais ne pourront commercialiser leurs modèles qu'à partir de 2023, au mieux. De son côté, Medtronic s'est engagé à fabriquer 45 pompes avant l'arrêt définitif de la production. Mais 30 sont déjà réservées par des patients, il n'en resterait donc que 15 jusqu'en 2023.
La greffe de pancréas comme solution ?
Une réunion téléphonique organisée le 29 juin dernier, à l'initiative de la Direction Générale de la Santé a permis aux assocations de discuter avec les fabriquants et les autorités sanitaires. Mais l'issue de celle-ci laisse Sabine Guérin pessimiste : "La Direction Générale de la santé nous a parlé de greffe du pancréas comme traitement alternatif. Mais ça n'est pas adapté à tout le monde et les immuno-suppresseurs que l'on doit prendre pour supporter la greffe sont des facteurs de risques...". Le pancréas est en effet l'organe qui régule la production et la distribution d'insuline dans le corps.Autre problème soulevé lors de cette réunion : la mise à disposition de pièces et le respect de la garantie constructeurs. Medtronic s'est engagé à fournir des consommables (notamment des cathéters, des aiguilles et de l'insuline) jusqu'à la fin de vie de la dernière pompe. En revanche, Medtronic a aussi annoncé qu'ils n'entendaient pas honorer la garantie des pompes au-delà de 2 ans, alors que la garantie de la sécurité sociale est habituellement de 6 ans sur ces produits. De quoi inquiéter les 350 patients équipés dans le monde...
La Direction Générale de la Santé s'est engagée à organiser une nouvelle réunion d'information mi-septembre avec tous les acteurs du dossier.