C’était l’histoire d’un vaisseau spatial qui sortirait d’un pic et sauverait de l’apocalypse quelques "élus", le 21 décembre 2012 dans l’Aude à Bugarach. Un village "sacré" épargné comme le Machu Pichu en Amérique du Sud ou Lhassa au Tibet. Ce "fantasme", deux journalistes nous le relatent.
Il y a des histoires qu’on n’oublie pas. Des histoires qui semblent autant sorties de la tête de fous que de légendes façonnées par l’histoire et les croyances ancestrales. Celle de Bugarach en fait partie. Une fin du monde programmée le 21 décembre 2012. Une apocalypse dont ne sortiraient vivant que quelques élus ayant embarqué dans un OVNI caché dans le cœur du Pic dominant le village.
Romain Lescurieux et Antonin Vabre étaient sur ce pic le 21 décembre 2012. A part les gendarmes, ils n’y ont rien vu. Ils y sont retournés dix ans plus tard pour comprendre. Ferveur millénariste, travail de sape de groupes sectaires ou emballement médiatique ? Peut-être tout cela à la fois.
On disait qu’une soucoupe volante stationnée dans les sous-sols de ce pic mettrait les voiles dans la galaxie avec une poignée d’êtres humains à son bord
Si l’on en reste à l’emballement médiatique, tout démarre d’une conversation par téléphone entre le maire et le correspondant local du quotidien régional, « l’Indépendant ». L’édile y raconte que son village et le pic qui le dominent sont de plus en plus ascultés par des mouvances ésotériques voire sectaires. Selon eux, Bugarach sera sauvé de la fin du monde. Les deux hommes en sourient sur le moment mais l’article fera finalement la Une du lendemain et le coup sera parti.
Agence France Presse, télévisions, radio et presse nationales puis internationales, illuminés ou curieux venus du monde entier, Bugarach 200 habitants devient le centre du monde comme la gare de Perpignan le fut pour Dali. Le trésor caché des Wisigoths, de Blanche de Castille ou des Cathares, Rennes Le Château, les écrits de l’ufologue Jean d’Argoun et d’Elisabeth Van Buren... La matière première est riche et le terreau fertile pour les imaginations.
Un territoire considéré par ses habitants comme « sauvage », de « résistance », de « liberté » et d’«hérésie ».
Evidemment, les légendes profitent aussi un peu au tourisme ésotérique mais pas tant que cela à l’économie locale. Les clubs de spéléologies locaux, eux, n’apprécient pas forcément qu’on vienne fouiller les galleries qu’ils ont mis au jour dans le pic. Les deux auteurs s’y rendront d’ailleurs eux-mêmes et le lecteur suivra l’ensemble de leur parcours tout au long de l’ouvrage. « La montagne a aimanté des personnes en recherches de réponses, de rêves ou d’inspiration » écriront-ils en témoins avisés.
Mais au fait pourquoi ce titre de « montagne inversée » ? C’est un enseignant qui en donne la réponse dans l’ouvrage. « Cette montagne a cette particularité d’être formée par un pli anticlinal inversé. Concrètement, la roche la plus ancienne se situe au sommet. Ce qui est dessus devrait être dessous. D’où ce surnom ».
Fake news et théorie du complot ?
Alors « Fake news » ou « théorie complotiste » avant l’heure que cette histoire d’apocalypse ? Serait-ce injuste de dire ça ? Est-ce aussi simple ? Romain Lescurieux et Antonin Vabre ne moquent ou n’incriminent personne dans cette affaire même s’ils ne sont pas tendres avec l’emballement de leurs confrères et encore moins avec les dérives de certains groupuscules sectaires.
Qu’est-ce que gardent aujourd’hui les habitants de Bugarach de cette histoire de fin du monde ? Un sourire, de la honte ou une fierté au contraire ? Parce que c’est aussi d’eux qu’on a parlé partout dans le monde avec cette affaire… Serait-ce aussi la revanche des « invisibles du monde rural » contre les appellent le toujours maire de Bugarach Jean-Pierre Delord ?
Dans une interview accordée au quotidien Libération pour la sortie du livre, Romain Lescurieux a eu cette phrase : « nous sommes restés marqués par ce non-évènement et ce qu’il disait de notre société : l’immédiateté, la notoriété éphémère, la fascination pour notre mort collective ». Des notions plus que jamais d’actualité. Et pourtant, la fin du monde n’a toujours pas eu lieu.
« La montagne inversée » de Romain Lescurieux et Antonin Vabre, éditions Marchialy.
Romain Lescurieux sera l’invité du 18.30 vendredi 10 mars.