Deux arrêtés du maire Front National de Beaucaire ont conduit six commerçants de la ville à assigner la municipalité en justice. Obligés de fermer plus tôt que le reste de la ville, ils jugent les mesures discriminatoires et demandent des dommages et intérêts.
Six commerçants musulmans de Beaucaire, dans le Gard, ont demandé mardi devant le tribunal administratif de Nîmes 3.000 euros de dédommagements pour deux arrêtés - abrogés depuis - du maire FN Julien Sanchez, qu'ils estimaient "discriminatoires". Le jugement a été mis en délibéré à mercredi.
L'histoire remonte au mois de juin. Deux arrêtés municipaux, datés du 16 et 17 juin 2015, sont pris par Julien Sanchez, le maire Front National de Beaucaire. Ils visent à réglementer la vente d'alcool et à interdire à tous les commerces de travailler entre 23 h et 05 h dans deux rues de la ville.
Une mesure "spécifique pour les commerçants musulmans"
Selon les épiciers et restaurateurs de ces rues, ces arrêtés sont "discriminatoires", car "visant spécifiquement des commerçants musulmans, en plein ramadan, au moment où l'activité économique bat son plein". Ils ont donc saisi la justice, épaulés par l'Observatoire national contre l'islamophobie, organisme du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Notre reportage ►► Des commerçants musulmans portent plainte contre le maire FN de Beaucaire
Les deux mesures ont entretemps été abrogées et remplacées le 19 août par deux nouveaux arrêtés, qui interdisent aussi l'ouverture des commerces de 23 h à 05 h. "C'est une manoeuvre pour éviter une condamnation devant le tribunal administratif", a commenté Abdallah Zekri, le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie.
Par conséquent, l'avocat des six commerçants plaignants, Me Raphaël Belaïche, a indiqué en audience ne plus "pouvoir plaider pour la suspension des arrêtés puisqu'ils ont déjà été abrogés". Mais il a réclamé 3.000 euros de dédommagements à la ville de Beaucaire pour leur aspect "discriminatoire".
Plaintes des riverains pour nuisances selon le maire
De son côté, Me Sylvie Josserand, l'avocate du maire, a demandé que les commerçants soient déboutés de leur requête et a justifié les arrêtés par "des plaintes de riverains, exténués des moteurs qui vrombissent la nuit et des rixes à proximité des épiceries ouvertes à des heures où, en principe, l'on dort".
Une défense derrière laquelle le maire Julien Sanchez s'est lui aussi retranché, expliquant que "les Beaucairois en ont marre". Pour preuve, assure-t-il, une pétition lancée début août "en soutien à (sa) politique" et pour laquelle l'élu affirme avoir recueilli "2.000 signatures".
Les commerçants ont quant à eux annoncé devant le tribunal, qu'ils porteront plainte contre les deux nouveaux arrêtés "car ils indiquent les mêmes interdictions envers les commerçants français de confession musulmane". Ils sont également partie civile dans la même affaire, portée le 1er septembre devant le tribunal correctionnel de Nîmes.