Coronavirus : entre augmentation du nombre d'étudiants et manque de moyens, la rentrée impossible des universités

Le gouvernement avait annoncé que les établissements de l'enseignement supérieur "étaient prêts à recevoir les étudiants" malgré le coronavirus. En Occitanie, les amphithéâtres de nombreuses universités à Toulouse et Montpellier saturent et ne permettent pas de respecter la distanciation.

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Les photos font le tour des réseaux sociaux depuis 48 heures. Sur l’une d’elles, une centaine d’étudiants sont agglutinés les uns contre les autres, masque sur le visage, attendant l’ouverture des portes de plusieurs amphithéâtres de l’université Toulouse I - Le Capitole. Sur une autre, partagée par un maître de conférence de l’université Paul Valéry Montpellier 3, des étudiants sont installés sur des marches afin d’assister à un cours dans un amphi bondé. 
 

Le président de la faculté de Montpellier, Patrick Gilli, relativise cette image concernant sa fac "Elle est fallacieuse. C’était l’amphithéâtre de psychologie où il y avait plus de 800 étudiants. Mais il faut savoir que dès cette semaine, il n’y aura que 200 étudiants dans ce même amphithéâtre. Cela ne veut pas dire que les étudiants ne seront jamais côte à côte. Mais nous n’aurons plus ces images avec des étudiants assis sur les marches."

Des amphis saturés, sans distanciation

Cette situation est pourtant loin d’être isolée en Occitanie. L’université Toulouse III Paul Sabatier est elle aussi concernée : "Les salles sont pleines, il n'y a pas du tout de distanciation entre les étudiants et certains n'ont même pas de places, sont installé-e-s au fond ou sur les côtés de la salle, sur des chaises mais sans appui possible sur des tables" témoigne une étudiante en Master. "J’ai pu faire que 3 ou 4 amphis qui ont une capacité normale on va dire, et tous étaient bien remplis. On fait ce que l’on peut mais c’est compliqué, explique à France 3 Occitanie un autre étudiant de l’UT3. Après on a tous le masque et du gel est à disposition comme partout en général." 

Mais beaucoup d’entre-eux portent le masque sous le nez voir sous le menton rendant son utilisation inutile. 
 

Une communication ministérielle qui ne passe pas

Un enseignant de l’université Paul Sabatier ne cache pas son agacement : "L’an dernier en raison du Covid, il nous a été demandé d’être bienveillant dans nos notations. Il y a eu un taux anormalement élevé de réussite aux examens, notamment en L2 et L3, là où il y a habituellement une véritable sélection. Je me retrouve actuellement confronté à une augmentation de 30% de mes effectifs, avec par exemple 230 étudiants pour un cours dans un amphi de 180 places."
Un sentiment partagé par de nombreux étudiants qui ont décidé de créer un hashtag #BalanceTaFac afin de dénoncer les conditions de cette rentrée universitaire. 
 

Une colère d’autant plus vive que la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui assurait depuis la rentrée que "les établissement étaient prêts à recevoir les étudiants",  a publié un communiqué "appelant à la responsabilité de chacun afin de limiter la propagation du virus." 

"En appeler à la responsabilité des uns et des autres, c’est scandaleux. Cette communication ministérielle est insupportable, déplore l’enseignant toulousain. Soit elle est déconnectée de la réalité, soit elle est dans une campagne d’infox." 

La circulaire ministérielle sur les mesures à prendre a été publiée très tardivement et les universités n’ont obtenu aucun moyen supplémentaire afin de les mettre en place. Ce sont des conditions inacceptables. Il y a un manque de respect pour les étudiants mais aussi pour les enseignants.

Enseignant de l'université Toulouse III - Paul Sabatier

Des étudiants pris au piège

Jean est étudiant à l’université Toulouse I - Le Capitole. C’est la présidence de sa fac qu’il tient pour essentiellement responsable de ces conditions de rentrée : "Je suis en colère vis-à-vis des dispositions et des décisions qui n’ont pas été prises par mon université. UT1 avait envisagé un enseignement à distance dès la période de confinement mais cela a été avorté en mai car certains professeurs ont eu peur de gérer des questions informatiques. Alors certes, 50 bornes de gel hydroalcoolique ont été installées mais c’est insuffisant. Les sens de circulation ne sont pas respectés. L’amélioration de l’aération est aussi insuffisante voir impossible, notamment dans des amphithéâtres sans fenêtres. Quatre personnes ont été désignées référentes Covid afin notamment de faire respecter le port du masque mais elles n’ont finalement aucun pouvoir."
 

D’autant plus difficile à accepter pour le Toulousain que ses deux parents sont à risque.

J’ai pris la décision de ne plus aller en cours, excepté aux travaux dirigés pour conserver ma bourse.  Je compte sur la bienveillance de mes camarades pour récupérer les cours. Je n’ai pas envie de perdre mon année. Tout cela crée une véritable tension à l’université.

Jean, étudiant à l'université Toulouse I - Le Capitole

Défi sanitaire et pédagogique

A l’université Paul Valéry de Montpellier, le dispositif est similaire mais plus conséquent : 400 distributeurs de gel hydroalcoolique sont installés sur le campus et selon l’université, deux masques réutilisables ont été "distribués à chaque étudiant lors de son inscription administrative". Son président Patrick Gilli, rappelle que les élèves doivent respecter la distanciation sociale "à chaque fois que c’est possible".  "C’est un défi sanitaire et pédagogique d’autant plus que nous accueillons encore plus d’étudiants cette année" rajoute-t-il.

En effet, cette année 400 étudiants supplémentaires font leur rentrée. Plus de 21 000 au total.  La rentrée se fait pour le moment en présentiel. Mais si la situation venait à s’aggraver, ce schéma basculerait vers du semi-distanciel "afin de réguler les flux" selon le président de l’université.

Ce qui n’empêche pas les enseignants d’être inquiets. Ils voient "se profiler une fermeture partielle ou totale de l’université" comme l’exprime Patrice Séébold, professeur d’informatique et candidat à la présidence. 
 

L'enseignement à distance en cas de foyer

Selon le gouvernement, une dizaine de clusters au sein d’établissements d’enseignement supérieur ont été pourtant recensés dans toute la France, dont plusieurs en Occitanie. L’école d’ingénieurs toulousaine, l’ICAM a décidé de confiner 206 de ses élèves après la découverte d’une vingtaine de cas infectés par le coronavirus.

Ce lundi 14 septembre, c’est l’école des Mines d’Albi (Tarn) qui a décidé de passer l’ensemble de ses cours en "distanciel" après l’apparition d’un foyer au sein de l’établissement. "Nous avons moins de dix cas positifs, précise le service presse de l’IMT Mines d’Albi, sachant que nous avons 1000 élèves au total. Tous les cas ne sont pas présents. Un seul se trouve dans notre résidence. Avec l’accord de la préfecture et de l’Agence Régionale de Santé nous avons préféré prendre cette mesure préventive."

L’objectif est de refaire le point jeudi prochain afin de savoir si d’autres personnes infectées sont à déplorer ou si les étudiants peuvent revenir sur le site tarnais. Les prochains jours diront si les autres établissements de l’enseignement supérieur d’Occitanie devront prendre la même décision radicale. Contactées, les présidences des universités Toulouse I et Toulouse III n’ont toujours pas répondu à notre sollicitation au moment de la publication de cet article.
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