DECOUVERTE. Le Minervois : rugueux et généreux à la fois entre Aude et Hérault

Destination le Minervois. A cheval entre l’Aude et l’Hérault, le Minervois vaut le détour. Au programme : sites naturels remarquables, patrimoine méconnu et lieux secrets. Entre Minerve et La Livinière, découvrez un territoire riche de son histoire, de sa situation et de ses habitants.

Nous sommes ici sur les contreforts de la Montagne Noire, dans un environnement de garrigue, pinède et roche calcaire. Le paysage typique du Minervois. Et pour nous y guider nous avons d’abord fait appel à Yann Gilant, guide et accompagnateur en montagne. En guise d’introduction nature au lieu, il nous mène un peu à l’écart de Minerve, au belvédère de la Pujade, pour profiter d’un point de vue grandiose sur la cité, classée parmi les plus beaux villages de France. « Je commence toujours mes visites par cette vue sur Minerve, pour moi c’est la plus belle de la région. D’ici on voit tout : la Montagne Noire qui domine, le Causse du Minervois, les gorges de la Cesse et du Brian, les deux rivières qui ont creusé la roche et à la confluence des deux canyons, cette presqu’île au milieu, sorte de place forte naturelle où se sont installés les hommes créant la cité de Minerve. »  

Entrée du Parc naturel régional du Haut Languedoc

Cet îlot rocheux habité par les hommes est une des portes d’entrée du Parc Naturel Régional du Haut Languedoc. Minerve est entourée de sites naturels remarquables et de curiosités géologiques. A commencer par les ponts naturels, des passages souterrains que l’on peut traverser à pied lors de la saison sèche. On y accède par le bas de Minerve, dans le lit de la rivière. Se succèdent le petit et le grand pont. En trouver deux d’affilée est assez unique d’ailleurs, ce qui en fait la richesse du lieu.

Ce sont donc deux gigantesques cavernes où l’on trouve une fraicheur bienvenue en plein été et où les galets servent de matière pour la construction de cairn par les randonneurs et visiteurs de passage. « Ce site, il est magique. Les oiseaux et les chauves souris y nichent, les arbres y poussent la tête à l’envers. Et puis, les couleurs changent tout le temps, en été et en hiver, la lumière se reflète sur la roche avec une couleur différente chaque jour. On a l’impression d’être sur une île déserte, une autre planète, » explique Yann Gilant qui ne se lasse jamais de cette nature. Et à la sortie du grand pont, c’est Minerve qui se dévoile.  

Les couleurs changent tout le temps, en été et en hiver, la lumière se reflète sur la roche avec une couleur différente chaque jour. On a l’impression d’être sur une île déserte, une autre planète

Yann Gilant

La capitale historique du Minervois et cité cathare est fièrement perchée sur son piton rocheux, à l’abri de ses fortifications. Des remparts que le vicomte Guilhem de Minerve pensait imprenables. Mais en 1210, la puissante Minerve est prise dans les tourments de la croisade des Albigeois contre les Cathares. Marie Vallée-Roche, native de Minerve et historienne médiéviste raconte : «  Quand la croisade a déferlé sur Béziers puis sur Carcassonne en 1209, toute la région a été choquée de ces sacs et de ces massacres. Beaucoup de Cathares sont alors venus se mettre ici sous la protection de Guilhem de Minerve, très favorable au catharisme. » Mais les troupes de Croisés ont fini par arriver sur Minerve en 1210.

Les Cathares

« Simon de Montfort avait disposé des hommes tout autour de la ville, sur tout le Causse et a fait construire des pierriers, des machines de guerre qui ont pilonné la ville pendant 4 semaines. Détruisant des habitations et des citernes de réserve avant d’anéantir le passage couvert qui menait au seul puits de Minerve. C’est donc la soif qui a provoqué la reddition de la ville. » Un trébuchet (surnommé la Malvoisine) a depuis été reconstitué en face des remparts de la ville, la toisant et rappelant la tragique fin de ce siège. Parce qu’avec la capitulation viennent les conditions : les Croisés ne laissent pas d’autre choix aux Cathares réfugiés que de se convertir au catholicisme. Ce qu’ils refusèrent.

Selon les sources, entre 140 et 180 Cathares ont péri dans les flammes du bucher

Marie Vallée-Roche, historienne

Et c’est donc en remontant depuis les remparts vers l’église Saint Etienne que Marie Vallée Roche explique : « Cette rue s’appelle la rue des martyrs. La tradition orale raconte que c’est par cet axe que les Cathares sont montés au bucher situé auprès de l’église, en haut du village. Selon les sources, entre 140 et 180 Cathares ont péri dans les flammes du bucher. »  

Une stèle rappelle ce souvenir depuis 1982 sur le parvis de l’église Saint-Etienne, intitulée la Colombe de Lumière, elle est l’œuvre de Jean-Luc Séverac.  

Le plus vieil autel de France

Après avoir récupéré la lourde clé de la porte d’entrée, l’historienne nous ouvre les portes de l’église romane Saint-Etienne qui abrite un autre trésor de l’histoire méconnue de Minerve : l’autel Saint Rustique, un massif autel en marbre blanc de Carrare, sur lequel on célèbre toujours la messe. « Il date de 456. On a pu le déduire grâce à une inscription en latin sur sa tranche. Ce qui en fait le plus vieil autel de France. Et on y célèbre toujours la messe et ce depuis 1565 ans, ça c’est déjà extraordinaire. » Son autre particularité, ce sont les inscriptions qui parsèment l’autel, comme des graffitis, mais de l’époque carolingienne.

« Ce sont des décisions juridiques ou des témoignages lors de procès publics. C’était une pratique répandue dans la tradition wisigothique et qui s’est perpétuée lorsque la région est repassée sous domination des Francs. Ces derniers se sont appuyés sur l’élite wisigothique pour continuer à administrer la région, » explique l’historienne qui a consacré une partie de son travail de recherche à cet autel. Ce pan méconnu de l’histoire de la cité est à découvrir lors de visites guidées organisées par le Musée d’archéologie et de paléontologie du village. 

Minerve, qui compte moins d’une centaine d’habitants, est très prisée des touristes puisque 200 000 visiteurs s’y pressent en moyenne tous les ans, surtout en plein été. Pour proposer d’autres destinations dans le secteur, Minerve et six communes alentours se sont lancées dans une démarche d’Opération Grand Site. Objectif : concilier tourisme, préservation des sites et qualité de vie pour les habitants.  

C’est ainsi que notre visite continue à quelques kilomètres de Minerve. Non loin des gorges de la Cesse, nous arrivons sur le territoire de la Livinière, petit village réputé pour sa vigne et ses oliviers mais pas seulement.  

Julien Delaumone, guide de l’Office de tourisme Minervoix Caroux, nous a donné rendez-vous non loin du village, sur le hameau de Saint Julien-la-Livinière pour une découverte étonnante : le sentier des Meulières. Un chemin d’un kilomètre, aménagé et ouvert à la visite libre depuis 2013 qui retrace l’histoire d’un filon. Un filon de calcaire gréseux chargé en cristaux de quartz et de silex. Une pierre très tranchante réputée dans tout le Sud de la France et qui a été utilisée depuis le Moyen-Age jusqu’au XIXème siècle pour la confection des meules en pierre. Le visiteur arpente donc une ancienne carrière d’extraction et de fabrication de meules.

Paysage lunaire

Un paysage lunaire de débris de roche, de trous d’extraction et de restes de meules brisées s’offre à la vue. Le guide explique que les techniques d’extraction ont évolué avec le temps : « Du Moyen-Age jusqu’au XVIème siècle, on taillait la meule à même le sol. Les meuliers creusaient une tranchée en forme de meule, puis glissaient des coins de bois dessous, qu’ils imbibaient d’eau. Ça faisait alors casser la roche, la meule passait ensuite dans les mains des maîtres meuliers pour les finitions avant le transport, tout aussi périlleux. Chaque meule pèse entre 1 et 3 tonnes. A partir du XVIème siècle, les techniques se modernisent. La pierre est extraite puis taillée un peu plus loin pour pouvoir dégager une nouvelle meule. »

On estime que 40 à 50 000 meules ont été extraites de ce site depuis le Moyen-âge. Faisant vivre des familles entières dans le secteur. Elles ont équipé de nombreux moulins dans tout le grand Sud de la France et font partie de l’histoire méconnue de ce territoire.  

Plus réputé en revanche, son vignoble et son appellation AOC Minervois la Livinière qui comporte 280 ha sur 6 communes et produit en moyenne 9000 hectolitres par an. Un vin rouge réalisé à partir d’un assemblage de syrah, grenache et carignan essentiellement. La quarantaine de vignerons particuliers ainsi que ceux qui fournissent les deux caves coopératives de l’appellation le savent bien : produire du vin ici n’est pas chose aisée.  

Ici, c’est plus difficile à travailler que la moyenne. Nos vignes, on est obligés de les aimer et de les soigner

Henri Devyer, vigneron

Henri Devyer et son fils nous emmènent sur l’une de leurs parcelles, sur le petit Causse, emblématique de ce terroir. Une vigne en pente, entourée de murets en pierre sèche, dont les rangées sont semées de gros cailloux rendant la plantation bien compliquée. Le père explique : « Pour implanter une vigne ici, il faut souvent commencer par débroussailler puis passer le bulldozer pour terrasser, casser les gros cailloux au tracteur et attendre patiemment que les pieds de vigne s’enracinent et commence à produire. Ici, c’est plus difficile à travailler que la moyenne. Nos vignes, on est obligés de les aimer et de les soigner. »

Et quand on lui demande de quoi son fils aura-t-il besoin pour lui succéder, il répond du tac au tac : « Du courage et de l’idée. » Mais il aime son terroir. « J’aime ce type de vins et j’aime les paysages dans lesquels on les produit. La nature est belle, le sol caillouteux reflète la grande lumière du Causse. » 

Le plus bel endroit du monde 

Cécile Domergue, vigneronne

On retrouve ce même amour pour sa terre à quelques kilomètres de la Livinière, sur la commune de Siran, chez Cécile Domergue, au clos de Centeilles qui produit aussi de l’AOC Minervois la Livinière. La jeune femme de 28 ans travaille avec sa mère « dans le plus bel endroit du monde », dit-elle. Et c’est vrai que la vue de sa terrasse lui donne raison. D’un côté, la chapelle de Centeilles qui date du XVIIIème siècle, de l’autre la montagne et tout autour de la vigne. « Avant même la vigne, c’est le lieu lui-même qui m’a fait me décider à m’installer. On a tout ici. On bénéficie des coteaux plein sud et aussi des contreforts de la Montagne Noire qui apporte une fraicheur à travers son riche réseau souterrain hydrique. On a le vent qui nous protège plus qu’ailleurs des maladies et du gel. Autant d’éléments qui donnent ses spécificités à ce vin. Doux et rustique à la fois, comme ces paysages. »

Et Cécile Domergue nous emmène ensuite découvrir son trésor. Sa cave souterraine. Ici, depuis 30 ans, sa mère y a conservé 500 à 1000 bouteilles de chacune des cuvées produites sur le domaine, 130 références. Elle les fait vieillir. « Ma mère a toujours été persuadée que pour faire un grand vin, ça passe par être en capacité de produire des vins de garde. Et c’est ce que l’on fait, et on le prouve avec cette cave. C’est un trésor. Mon trésor, mon héritage à moi, mais pas seulement, c’est aussi une mémoire pour tous les vignerons de l’appellation et du Languedoc, la preuve que notre terroir est un terroir de garde. Avec cette cave, on voyage dans le temps. »   

La Livinière, un territoire d’exception où l’histoire, la terre et le climat donnent le ton. Généreux et rugueux à la fois, comme les hommes et les femmes qui y vivent.  

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