Élection aux États-Unis : les vignerons du Languedoc espèrent la fin de la "taxe Trump" sur les exportations

Avec l'élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis, les viticulteurs et négociants de vin du Languedoc espèrent une reprise des exportations de vin français vers les USA. Celles-ci ont été mises à mal par la "taxe Trump", effective depuis octobre 2019.

Élu 46e président des États-Unis ce 7 novembre, Joe Biden suscite l'espoir dans les vignes françaises. La filière viticole, éprouvée par la politique protectionniste de son prédécesseur Donald Trump, incarnée par la fameuse "taxe Trump" sur les exportations de vin, compte sur une éclaircie dans les relations commerciales entre l'Europe et les USA.

Une taxe "illogique"

"Biden est plutôt pro-européen. Il y a des chances qu'il opère un rétropédalage sur cette taxe qui n'est pas très juste, glisse Vianney Fabre, gérant du château d'Anglès à Saint-Pierre-sur-Mer (Aude). À l'origine, c'est l'aéronautique qui est en cause, elle n'est pas vraiment logique." Gérard Bertrand reste très prudent. "On attend l'investiture en janvier et on verra ce qu'il se passera alors," glisse le PDG de la maison Bertrand, propriétaire de seize châteaux dans l'Aude et l'Hérault.

 

On ne connaît pas vraiment l'avis de la nouvelle administration sur la question. On doit juste espérer que cette taxe disparaisse le plus rapidement possible et que 2021 soit une année positive pour la filière.

Gérard Bertrand, PDG de la maison Bertrand

"Cette taxe a joué sur la fin du dernier semestre 2019, c'est certain, assure Olivier Legrand, délégué général du Conseil interprofessionnel des vins de Languedoc (CIVL). Mais l'épidémie de Covid-19 est arrivée juste après et a ralenti le marché mondial." Mêlé avec la crise sanitaire, l'impact de la taxe sur la filière viticole du Languedoc-Roussillon est donc difficile à chiffrer.

"Ce qui est sûr cependant, c'est que nous avons enregistrons une baisse des ventes vers les États-Unis de 17 % pour le premier semestre 2021 par rapport à l'année précédente," ajoute-t-il. Premier pays client des vins de Languedoc (16 % des exportations en volume, 27 % en valeur), les États-Unis sont alors passés en deuxième position des importateurs de vins de Languedoc, derrière le Royaume-Uni.
 

Les rosés en première ligne

La taxe a été imposée par Donald Trump le 18 octobre 2019 en réaction au conflit entre les avionneurs européen Airbus et américain Boeing au sujet des subventions accordées par l'Union européenne. Elle instaure une imposition de 25% sur les importations de 150 catégories de produits. Les vins français sont concernés par cette taxe si :

  • ils sont non-effervescants,
  • présentent un degré d'alcool inférieur ou égal à 14° d'alcool
  • ils sont contenus dans des formats inférieurs à 2 litres
La taxe pose un problème de compétitivité aux vins français, dont le prix augmente dans les boutiques aux États-Unis : d'autres pays producteurs de vin comme l'Australie et l'Italie, dont le vin est moins victime des taxes que son voisin français, tirent leur épingle du jeu auprès clientèle américaine par leurs prix qui, eux, restent stables. "Heureusement, les vins de Languedoc disposent d'une bonne image de marque que nous devons continuer à renforcer," confie Olivier Legrand.

Friands de rosé, et notamment celui de Provence très à la mode aux États-Unis, les Américains jettent à présent leur dévolu sur ceux produits en Languedoc, grâce à un travail de communication réalisé depuis plusieurs années.

"Contrairement à nos rouges, les rosés exportés sont directement touchés par la taxe Trump car ils sont systématiquement en dessous de 14°," explique Vianney Fabre. Afin d'amortir la taxe à 25 %, le vigneron a négocié avec son importateur et ses ditributeurs locaux. "On a chacun consenti à faire un effort financier pour que le prix des bouteilles reste abordable pour les clients," raconte le vigneron de la Clape, qui expédie 15% de sa production outre-Atlantique.

Trump, trop imprévisible pour la filière

Pour Gérard Bertrand, la taxe est "néfaste sur toute la chaîne, du viticulteur au consommateur, en passant sur l'importateur et les distributeurs aux États-Unis". Car si la taxe Trump contrarie les viticulteurs français, Vianney Fabre estime qu'elle "a tendance, paradoxalement, à davantage affecter les USA. Car les gens qui travaillent dans l'importation et la distribution là-bas se voient confrontés à la fois à un effort de prix et à une baisse des volumes importés," assure le vigneron.
 

Concernant Donald Trump, c'est l'imprévisibilité du personnage qui est mauvaise pour les affaires. La viticulture est une industrie très "lourde", qui ne fonctionne qu'avec de la stabilité, du long terme. Notre importateur national nous prend des stocks importants - 2 000 à 3 000 caisses, soit 30 000 bouteilles environ - et c'est un engagement financier important.

Vianney Fabre, vigneron et gérant du château d'Anglès (Aude)

 



Le CIVL craint que l'administration Biden ne garde la même politique protectionniste. "Mais ce qu'on espère, c'est qu'on aura affaire à des négociations à l'avenir. Et pas à des mesures prises unilatéralement," estime son délégué général.

 

On se retrouve pris en étau dans une affaire qui ne relève pas de nous mais de l'aéronautique [l'affaire Airbus-Boeing, NDLR]. On espère qu'avec Biden, les négociations se dérouleront de façon sectorielle.

Olivier Legrand, délégué général du Conseil interprofessionnel des vins de Languedoc (CIVL)

Un marché en bonne forme

Les exportations de vins de Languedoc, davantage connus aux yeux des Américains, connaissent une croissance constante (5 à 6 %) depuis une dizaine d'années. Dans la période 2015-2019, les exportations languedociennes vers les États-Unis sont passées
  • en volume, de 5,5 millions de bouteilles à 9,5 millions de bouteilles, soit 73% de croissance (avec un léger ralentissement sur 2018-2019 (+5%)) 
  • en valeur, de 22 à 58 millions d'euros, soit 2,5 fois plus
"Nous connaissons une croissance en valeur davantage qu'en volumes exportés, note Olivier Legrand. Cela signifie qu'aujourd'hui les bouteilles sont vendues plus chères aux États-Unis, "notamment parce que la clientèle devient de plus en plus pointue, ajoute le délégué général du CIVL. Le marché américain reste un très bon marché, avec un nombre de consommateurs de vin français qui augmente constamment."
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