Les familles de Thierry Dol, Marc Féret, Daniel Larribe et Pierre Legrand, capturés à Arlit au Niger le 16 septembre 2010 et détenus depuis au Sahel par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) s'apprêtent à franchir, jeudi, le cap des mille jours de détention de leur proches, entre douleur et colère.
"Pendant deux ans, on nous a demandé de respecter une certaine discrétion", explique Christine Cauhapé, soeur de Marc Féret originaire d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). "Mais quand on a vu que ni l'Etat, ni les entreprises n'arrivaient à les sortir de là, on s'est dit qu'ils risquaient de mourir dans l'anonymat". "Je pense que d'autres personnes à notre place, au bout d'un an, se seraient peut-être déjà manifestées", ajoute-t-elle.
Les familles n'ont repris leur liberté de parole qu'en septembre 2012, contactant les médias, organisant des manifestations, la mise en place de banderoles, avec l'espoir d'accélérer les choses.
"Nous sommes exaspérés par cette situation et les familles, toutes, connaissent une profonde lassitude", souligne René Robert, grand-père du plus jeune des otages, Pierre Legrand, originaire de Loire-Atlantique.
Chez sa fille, Pascale Robert, la mère de Pierre Legrand, c'est la douleur qui domine. Cette frêle et discrète femme aux cheveux grisonnants est profondément meurtrie par l'image de son fils, affaibli, apparue dans la dernière preuve de vie donnée par les ravisseurs le 8 septembre 2012 et qui demandait, dans cette vidéo: "Est-ce que vous m'avez oublié?"
"C'est très difficile, indescriptible, on s'y fait pas; plus le temps passe et plus c'est pénible, c'est insupportable, insupportable!", martèle-t-elle.
Seule compensation, avec les proches des autres otages, en dépit de l'éloignement géographique, "on est devenus une famille", explique Mme Robert, qui est en contact régulier avec Françoise Larribe, épouse de Daniel Larribe, elle-même prise en otage avant d'être libérée après cinq mois et demi de captivité, et Marie-Jo Dol, la mère de Thierry Dol, originaire de Martinique.
"Solidarité"
"Ce que je retiens c'est le formidable élan de solidarité" que suscite ce drame, souligne également Françoise Larribe qui vit dans les Cévennes gardoises.
Pour tenir, certaines familles s'appuient sur la religion. C'est le cas, selon le sénateur-maire du François en Martinique, Maurice Antiste, des parents de Thierry Dol qui semblent portés par "une grande force spirituelle". A Nantes, l'église protestante organise une veillée de prière oecuménique le 17 juin.
Mais les familles sont "très inquiètes sur la capacité physique" de leur proches à résister, explique Jean-Louis Normandin, ancien otage au Liban et président d'Otages du monde: "il fait 50 degrés en ce moment là-bas, c'est très dur". "Mille jours, c'est énorme; dans l'histoire des prises d'otage c'est arrivé rarement".
"Je pense que le temps des otages est compté; je pense que leur vie est sacrément mise en danger après l'intervention au Mali, avec la chaleur, les conditions dans lesquelles ils doivent être détenus...", soupire Christine Cauhapé.
Reproche récurrent, le manque d'information. Si les familles ont bien un interlocuteur dédié au Quai d'Orsay, il n'a, selon elles, rien à dire. "On est en droit d'avoir quand même un minimum d'information parce que là, on n'en a aucune et ça fait très peur...", soupire Mme Robert.
Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a réaffirmé mercredi sur France 2 que "toutes les forces de l'Etat sont mobilisées". "Mais je reste très, très discret car tout ce qui peut être dit, malheureusement, peut être aussi utilisé contre les otages", a-t-il ajouté.
Chez Areva, exploitant de la mine d'uranium d'Arlit, on réaffirme "préoccupation" et "mobilisation", aux côtés des autorités françaises comme des familles.
En Martinique où vit la famille de Thierry Dol, dès mercredi soir et jeudi, une série de manifestations, en blanc, marqueront "1.000 jours, 1.000 personnes, 1.000 bougies".
En métropole, le 22 juin à 11H00, des manifestations simultanées auront lieu à Paris, Aix-en-Provence, Saint-Céré (Lot), Valence (Drôme), Nantes, Nîmes (Gard) et Orléans (Loiret).
Ces actions sont répertoriées sur le site http://www.otagesniger.fr/, où figure aussi le manifeste que les comités entendent faire signer pour faire pression sur les pouvoirs publics.