C'est une info France 3 : des taux records de TFA, un polluant éternel, ont été détectés à l'automne 2023 dans les eaux de Salindres, une ville industrielle du Gard. Générations futures, l'ONG à l'origine de ces prélèvements, revient sur l'ampleur et les risques d'une telle pollution.
Des polluants éternels, en quantité extraordinaire, dont les taux de concentration restent pourtant autorisés en France, et les effets sur la santé méconnus. C'est le paradoxe lié aux révélations de France 3 sur la pollution des rivières de Salindres, dans le Gard.
Menée en collaboration avec Le Monde et la chaîne belge RTBF, notre enquête révèle des taux records d’acide trifluoroacétique (TFA) dans les eaux de cette zone industrielle. Générations futures, l'ONG à l'origine de ces prélèvements, annonce d'ailleurs porter plainte pour délit de pollution aggravé.
Toxicologue et docteur en pharmacie, Pauline Cervan est l'une de ses représentantes. En trois questions-réponses, elle alerte : le manque de données et de réglementation sur les polluants éternels en France ne doit pas détourner notre regard de la situation à Salindres, "très inquiétante" selon elle.
À quel point les taux de concentration en TFA sont-ils inhabituels dans les rivières autour de Salindres ?
On a mesuré des taux de concentrations exceptionnellement élevés, de l’ordre du milligramme par litre. Ça va jusqu'à 7 milligrammes par litre concernant l'Arias, la rivière dans laquelle la plateforme industrielle rejette directement les polluants. D’après nos recherches, de tels taux n'ont encore jamais été mesurés dans des rivières.
À titre de comparaison, l’agence de l'environnement allemande UBA a installé un programme de surveillance après avoir détecté 0,14 milligramme de TFA par litre dans la rivière du Neckar, en 2015. À cette époque, les autorités fédérales ont jugé cette concentration en polluant “extrêmement élevée”.
Comment expliquer, alors, la légalité de ces rejets en France ?
Effectivement, la plateforme industrielle de Salindres respecte les limites données par la préfecture, qui autorise jusqu'à 29 milligrammes de rejet en TFA par litre d'eau. Mais la question, c'est plutôt comment a été conçue cette norme ? Sur la base de quelles données scientifiques ? À notre avis, elle est beaucoup trop élevée et il faut absolument la revoir.
L'Union européenne recommande de ne pas dépasser une concentration de 0,5 microgramme par litre d'eau pour l'ensemble des polluants éternels. C'est 38 fois moins que ce qu'on a relevé dans le Gard pour les TFA. Seulement la France n'a pas adopté cette norme. À ce jour, dans notre pays, il n'y a aucune réglementation sur la question, ce qui est assez étonnant et préoccupant.
Connaît-on l'impact des TFA sur les écosystèmes et la santé humaine ?
D’après les données existantes, les concentrations mesurées ne sont pas toxiques pour les écosystèmes. Mais les études sur les espèces animales ont été réalisées par les industriels eux-mêmes. Tandis qu'on ne connaît pas leurs effets sur la santé humaine. Le lien entre polluants éternels et certains cancers a été prouvé mais aucune étude épidémiologique ne concerne les TFA en particulier.
On ne sait pas où on va, il n’y a pas assez de données. Mais L'UBA recommande un principe de précaution avec ces substances qui ne se dégradent absolument pas. Car le problème avec les TFA, c'est qu'ils sont persistants. Ils vont s’accumuler et les concentrations ne feront qu’augmenter si on n’arrête pas les rejets.