TEMOIGNAGE . Burn-out chez les médecins, certains nous disent "je vais plus mal que mes patients"

L'association "mots" accompagne les soignants en difficulté, victimes d'épuisement professionnel dans sept régions de France. En Occitanie, Loïc Solvignon, est le médecin coordinateur de l'association. Il nous explique comment il gère cet accompagnement de confrères, souvent à bout de souffle. 

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Ils sont sur le devant de la scène depuis le début de la crise sanitaire. Applaudis pendant de longs mois par des citoyens reconnaissants de leur travail. Et pourtant certains ont souhaité plus d'une fois troquer leur blouse blanche pour retrouver une vie "normale". Une vie où surcharge professionnelle ne rime pas avec détresse émotionnelle. 

Soutien confraternel

En France, quatre médecins sur dix présenteraient des signes d’épuisement professionnel, selon une étude dilligentée pour le compte du journal du médecin. Des chiffres alarmants qui témoignent d'une réalité à laquelle Loïc Solvignon est confronté quotidiennement.

Médecin coordinateur de l'association "mots" (Médecin Organisation Travail Santé), il écoute, accompagne ses confrères en difficulté, bien souvent à bout de souffle. 

On se doit de s’entraider entre médecins, de se porter assistance à chaque fois que nécessaire. Dans 90% des cas, nous ne sommes pas dans une situation d'urgence. L'enjeu est d’amener à une réflexion, une prise de conscience.

Loïc Solvignon, médecin coordinateur de l'association "mots"

Pour trouver l'association, pas de locaux, mais un site internet et un numéro disponible 24/24, 7/7. "C'est un choix de ne pas avoir de lieu de consultation dédié, cela permet de conserver la confidentialité des soignants qui se tournent vers nous", explique le docteur Solvignon.

Alors il s'adapte en fonction des demandes de chacun,"on fait beaucoup d’entretiens téléphoniques, ça nous permet de nous concentrer sur de l’écoute active, noter beaucoup de verbatim, c’est une grande richesse en termes de contenu. On peut aussi être amenés à recevoir des médecins dans notre cabinet, se déplacer à leur domicile ou leur cabinet médical. On peut aussi tout simplement se retrouver dans un café".

L'épuisement professionnel : un mal récurrent

Loïc, spécialisé en médecine du travail, a rejoint l'association en 2011, un an après sa création. Au sein de "mots", différents spécialistes accompagnent les soignants en détresse, avec un point commun, des connaissances sur les problématiques de santé mentale au travail.

On travaille avec ce que l’on appelle une grille des facteurs de risque de l’épuisement professionnel. On va inciter le médecin à se poser ces questions : comment je soigne ? Comment je m’organise sur le plan professionnel ? Comment je gère une problématique d’épuisement ?

Loïc Solvignon, médecin coordinateur de l'association "mots"

Avec un rythme quotidien de 60/70h de travail par semaine, parfois les soignants mettent leur vie en péril pour sauver celle de leurs patients. Bien souvent, les conséquences sont inévitables. 

Sentiment de culpabilité de ne pas être au front pendant la crise sanitaire

Le mal le plus fréquent : l'épuisement professionnel, il se présenterait dans 50% des cas. "Il peut aussi avoir des conflits ou encore la crainte de l’erreur médicale", ajoute Loïc Solvignon.

Avec la crise sanitaire de nouvelles problématiques sont apparues. "Les médecins libéraux par exemple se sont retrouvés parfois en sous-activités et certains ont pu développer un sentiment de culpabilité. Une culpabilité de ne pas être au front et se sentir donc moins utile", confie le docteur Solvignon.

Certains ont aussi ressenti une peur très importante de contaminer leur entourage. Il y a eu cette notion de mise en péril de la vie de ses proches qui est très souvent revenue.

Loïc Solvignon, médecin coordinateur de l'association "mots"

 

Pour autant, l'association n'a pas constaté de hausse notable de ses appels, comme l'explique Loïc Solvignon, "lorsqu'au début de l'année 2020 on a senti le tsunami arriver dans les hôpitaux, il y a énormément de dispositifs qui se sont déployés pour accompagner les soignants (numéro vert, associations, lignes téléphoniques…), donc on n’a pas eu finalement de surcharge de travail au sein de l’association. Il y a eu une dilution des besoins entre les différentes structures".

"Demander de l’aide c’est fort"

Selon les chiffres de l'association, les médecins seraient d'avantage touchés par le suicide. 2,5 fois plus que le reste de la population. Alors comment lutter contre ce fléau ? 

Il y a une forme de déni très importante de la part des médecins, accepter d’être vulnérable c’est très compliqué. C’est difficile de s’accepter faillible et humain et surtout de savoir demander de l’aide. Beaucoup nous disent, j’ai votre plaquette depuis des mois, je n’osais pas appeler.

Loïc Solvignon, médecin coordinateur de l'association "mots"

"Qui s'occupe de moi ?"

S'accepter "malade" et trouver la force de se soigner, une étape délicate pour ceux qui prennent en charge quotidiennement  les maux des autres. "Je vois défiler mes patients et régulièrement je me dis, je vais plus mal qu’eux. Qui s’occupe de moi ?", a confié une soignante à Loïc Solvignon.

Pour améliorer la prise en charge de ces soignants en souffrance, un diplôme inter-universitaire, intitulé "soigner les soignants" a été lancé en 2016. 

Une unité de soins dédiée aux soignants a également été créée en 2016 à la clinique Belle Rive de Villeneuve-lès-Avignon. Régulièrement, Loïc Solvignon oriente des patients vers cette unité afin de mettre en place un parcours de soin. "On a des médecins qui nous appellent en nous disant : je veux quitter la médecine. Pour éviter cette situation d’impasse, on essaye de travailler en amont avec des unités spécifiques".

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