Commentaires haineux sur Facebook: Julien Sanchez, maire de Beaucaire, débouté par la cour européenne

Il n'y a pas eu de violation de la liberté d’expression selon la Convention européenne des droits de l'homme dans l'affaire Sanchez. La cour européenne a tranché ce jeudi 2 septembre. Cette affaire de commentaires haineux sur la page Facebook du maire RN de Beaucaire, dans le Gard, remonte à 2011.

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Dans son arrêt de chambre, rendu ce 2 septembre 2021 dans l’affaire portée par le maire de Beaucaire suite à plusieurs décisions de justice, la Cour européenne des droits de l’homme a donc décidé qu'il n'y avait pas eu de violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’affaire concerne la condamnation pénale de Julien Sanchez, à l’époque élu local du Front National et candidat aux élections législatives, pour provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes ou une personne à raison d’une religion déterminée : la justice lui reprochait de ne pas "avoir promptement supprimé la publication par des tiers de commentaires litigieux sur le mur de son compte Facebook."

Une injustice qui perdure selon J.Sanchez

Contacté par téléphone ce jeudi, l'actuel maire RN de Beaucaire estime que tout cela ne tient pas debout: "Sur le fond de l’affaire, je trouve ça injuste depuis le début; dès que j’ai été convoqué par les gendarmes à l’époque, j’ai supprimé les commentaires. J’étais en pleine campagne électorale, je ne pouvais pas lire tous les commentaires, surtout quand on en reçoit des centaines par jour sur Facebook...".

On me condamne pour des propos que je n’ai pas tenus ! A ce compte là, aujourd’hui, je pourrais faire condamner n’importe quel ministre en postant des saloperies dans les commentaires sur leur page Facebook ou en allant en retrouver qui datent d'un an et leur faire un procès pour ne pas les avoir supprimés! 

Julien Sanchez, maire RN de Beaucaire

L'actuel porte-parole du RN et élu de la région Occitanie a également salué le courage de la juge monégasque qui a été la seule des 6 juges de la Cour européenne à exprimer une opinion différente sur la responsabilité pénale d'un titulaire de compte Facebook pour des messages écrits par des tiers.

10 ans de procédures 

À l’époque des faits, en octobre 2011, Julien Sanchez – aujourd'hui maire de la ville de Beaucaire et président du groupe Rassemblement national au Conseil régional d’Occitanie – était candidat du Front national aux élections législatives dans la circonscription de Nîmes.

Franck Proust, député européen et premier adjoint au maire de Nîmes, était l’un de ses adversaires politiques.

Julien Sanchez avait écrit sur le mur de son compte Facebook, qu’il gérait personnellement et dont l’accès était ouvert au public, une remarque ironique concernant le site de campagne de son adversaire. Deux personnes avait alors écrit des commentaires à connotations racistes visant les musulmans.

Le 25 octobre 2011, la compagne de Franck Proust, se sentant insultée directement et personnellement, se rendit chez le premier "auteur" qu’elle connaissait personnellement. Ce dernier supprima aussitôt son commentaire. Le lendemain, une plainte était déposée devant le tribunal de Nîmes contre Julien Sanchez et les deux gardois auteurs des commentaires.

Le 27 octobre 2011, le futur maire de Beaucaire invitait sur le mur de son compte Facebook les intervenants à « surveiller le contenu de [leurs] commentaires », mais n’intervint pas sur les commentaires publiés.

Julien Sanchez et les deux auteurs des commentaires furent cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour la mise en ligne des propos litigieux sur le mur du compte Facebook, constitutifs des faits de provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes, à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée.

Condamné en première instance, en appel et en cassation

Le 28 février 2013, le tribunal correctionnel de Nîmes déclara les trois hommes coupables des faits reprochés et condamna chacun d’entre eux à 4 000 euros d'amende. 

Le tribunal de Nîmes avait conclu qu’"ayant pris l’initiative de créer un service de communication au public par voie électronique en vue d’échanger des opinions et ayant laissé les commentaires litigieux encore visibles à la date du 6 décembre 2011, M. Sanchez n’avait pas promptement mis fin à cette diffusion et était dès lors coupable en qualité de « producteur » d’un site en ligne de communication au public, et, partant, d’auteur principal des faits."

Julien Sanchez fut le seul à faire appel de cette décision. En octobre 2013, accompagné par plusieurs dizaines de militants du Front National venus le soutenir, il comparaissait à sa demande devant la cour d'appel de Nîmes pour incitation à la haine raciale.  

Considérant que les propos définissaient clairement les personnes de confession musulmane et que l’assimilation de la communauté musulmane avec la délinquance et l’insécurité dans la ville de Nîmes tendait à susciter un fort sentiment de rejet ou d’hostilité envers ce groupe, la cour d’appel de Nîmes confirma sa culpabilité, mais réduit l’amende à 3 000 euros.

De plus, elle considéra qu’en rendant sciemment public son mur Facebook, M. Sanchez était devenu "responsable de la teneur des propos publiés qui, selon ses déclarations pour légitimer sa position, lui paraissaient compatibles avec la liberté d'expression".

Julien Sanchez décida alors d'aller en cassation. Nouvel échec : la cour de cassation rejette son pourvoi en mars 2015.

Soutenant que sa condamnation pénale, en raison de propos publiés par des tiers sur le mur de son compte Facebook, était contraire à l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, le maire de Beaucaire ne lâche pas le morceau et dépose une requête en septembre 2015 devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Six ans plus tard, à nouveau, c'est l'échec : la CEDH (Cour européenne des droits de l'Homme) estimant aujourd'hui qu'il n'y a pas eu violation de la liberté d’expression et que "le requérant ne s'est pas vu reprocher l'usagede son droit à la liberté d'expression, en particulier dans le débat politique, mais s'est vu reprocher son manque de vigilance et de réaction concernant les commentaires publiés sur le mur de son compte Facebook".

Julien Sanchez fera encore appel 

Dans son arrêt rendu ce 2 septembre, la Cour européenne rappelle également que "la tolérance et le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains constituent le fondement d’une société démocratique et pluraliste. Il en résulte qu’en principe, on peut juger nécessaire de sanctionner, voire de prévenir, toutes les formes d’expression qui propagent, encouragent, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance."

Néanmoins, cet arrêt de chambre n’est pas définitif.  Le maire de Beaucaire a encore un délai de trois mois pour demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour.

"Je vais consulter mon avocat et si il y a moyen de faire appel de cet arrêt de la Cour, je ferai appel" affirme Julien Sanchez.

Si tel était le cas, un collège de cinq juges européens devra se réunir pour déterminer si l’affaire mérite encore plus ample examen.

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