La douane avait intercepté deux hommes convoyant un fourgon dans lequel étaient entassés une trentaine de clandestins indiens et pakistanais. Ils étaient jugés à Nîmes en comparution immédiate. "je pensais transporter des meubles", a tenté de se défendre un prévenu. Récit d'audience.
Deux chauffeurs routiers, un Roumain et un Italien de 19 et 31 ans comparaissent devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour avoir transporté des clandestins arrêtés sur l’aire de repos de Marguerittes le 22 août.
L’un des deux est vraiment jeune (19 ans) dans le box des prévenus. Il garde la tête baissée. Le plus âgé, Vincenzo C. qui assume les faits, le protège disant qu’il n’était au courant de rien. Il pleure: "j'ai fait ce travail pour sortir de la rue." Sans domicile fixe pendant deux ans, il explique avoir rencontré un Pakistanais qui lui a acheté des vêtements et lui a proposé de transporter des clandestins. Cela a commencé à Bergame, en Italie. Un certain "Sultan" lui a dit que c’était pour aider 10 familles.
1500 euros pour convoyer les clandestins
Il a perçu 1500 euros pour le voyage. "Je pensais ne transporter que 10 personnes. Il y avait du bruit dans le camion. Je me suis arrêté et j'ai vu qu’il y en avait beaucoup plus. J'ai pris peur que les passagers n’aient pas assez d’air pour respirer," raconte-t-il à l'audience.
Le second prévenu, Lorenzo S. explique: "je pensais que je transportais des meubles. J'ai compris qu'il y avait des hommes que lorsque l'on s'est fait arrêter." "Avez-vous entendu des bruits à l'arrière ?" lui demande le président de la séance Jérôme Reynes. "A un moment, le chauffeur a crié "taisez-vous!", je croyais qu'il parlait aux meubles."
Mais les clandestins, lors de leurs auditions, ont affirmé qu’il ne pouvait pas ignorer leur présence dans le camion. Ils se sont manifestés pour aller aux toilettes. Le plus jeune prévenu a une explication: "j'écoutais de la musique et puis je me suis endormi."
Vous avez transporté ces êtres humains dans des conditions indignes, comme du bétail
La procureure Véronique Campion est effarée par les photos de la procédure: "un fourgon dans lequel 30 personnes ont été parquées pendant 11 heures. Toutes ont payé entre 400 et 500 euros chacune en croyant avoir une vie meilleure en Espagne mais leur voyage s’est arrêté sur une aire d’autoroute. Vous avez transporté ces êtres humains dans des conditions indignes, comme du bétail. C'est une circonstance aggravante," assène-t-elle.
Les clandestins ont payé entre 400 et 500 euros chacun
Pour elle, les deux prévenus sont coupables. "Le passager faisait ses armes comme futur chauffeur lors de ce voyage." Contre le conducteur, elle requiert 4 ans de prison ferme avec maintien en détention et dix ans d’interdiction du territoire français avec confiscation des sommes détenues. Pour le second, le plus jeune, elle demande deux ans de prison ferme et interdiction du territoire français.
4 ans pour donner un signal dans la lutte contre l’immigration clandestine, on marche sur la tête
Maître Adil Abdellaoui, avocat du plus jeune prévenu, plaide la relaxe. Me Carmelo Vialette défend le chauffeur et s'insurge contre les réquisitions: "Je n'ai pas d’empathie pour ces Pakistanais. Ce ne sont pas des victimes. 4 ans pour donner un signal dans la lutte contre l’immigration clandestine, on marche sur la tête. Les Pakistanais sont dans la nature. Pour aller en Espagne, ils auraient du prendre un billet de train, pas donner 400 euros à un passeur !!"
Le tribunal a finalement condamné les deux hommes à trois et deux ans de prison ferme avec interdiction définitive de territoire.