Voici une dizaine d’années, l’alerte avait été lancée par des médecins généralistes du secteur. Une étude épidémiologique lancée en 2012 a mis en évidence un taux de cancers du cerveau supérieur à la moyenne nationale sur les communes de Salindres et Rousson autour du Pôle chimique.
En octobre et novembre 2012, une étude épidémiologique sur la santé et la qualité de vie auprès des habitants de Salindres et de ses environs (Gard) avait été lancée par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Agence régionale de santé (ARS) du Languedoc Roussillon. Il s’agissait d’évaluer l’état de santé de 1.500 personnes âgées de plus de 18 ans, tirées au sort parmi les habitants des sept communes environnantes, et la corrélation avec la qualité de l’environnement.
Les résultats devaient être rendus publics dans le courant de l’année suivante. Il faut croire que ces premiers résultats, jamais publiés, avaient de quoi inquiéter, puisque l'étude s'est poursuivie jusqu'en 2015. Et le rapport publié aujourd'hui par Santé Publique France a de quoi inquiéter.
Huit décès des suites de tumeur du cerveau central
Neuf cas de cancer du cerveau central avaient été identifiés : 5 femmes et quatre hommes, habitants de Salindres et Rousson. Ce cancer rare, le glioblastome, est l'une des 140 tumeurs cérébrales existantes, frappant le cervelet et la moëlle épinière. Ces chiffres sont trois fois supérieurs à la moyenne nationale, alors qu'avec 170 cas de glioblastome enregistrés sur l'ensemble du Gard entre 2011 et 2015, le département était dans la norme en quelque sorte.Les personnes atteintes de ce type de cancer ont une espérance de vie d'un an. Aujourd'hui, huit des neuf cas recensés sont décédés, trois d'entre eux avaient travaillé sur la plate-forme chimique de Salindres.
Des causes peut-être multiples
Dans 95% des cas, les causes restent mal identifiées. Les chercheurs savent que l'exposition à des rayons ionisants importants (type radiations nucléaires) peuvent causer ce type de tumeur. Y aurait-il eu impact de certaines sources utilisées par le passé? Du côté de Aubert Le Brozek, chef de la division Autorité de Sûreté Nucléaire Marseille en charge du secteur, on ne voit qu'une utilisation passée :Concernant les possibles impacts de rayonnements non ionisants (comme la wifi ou les ondes électromagnétiques), rien n'a pour l'instant été mis en évidence. Sans compter d'autres pistes comme l'explique le docteur Luc Bauchet au CHU de Montpellier :Des sources scellées qui contenaient de la radioactivité ont été utilisées jusqu'en 2017 sur ce site. Depuis, on a trouvé des alternatives pour les remplacer.
Sont discutés aujourd'hui les impacts de certains produits chimiques, des ondes électro-magnétiques, de pesticides...mais sans preuve formelle.
Toujours est-il que la DREAL (Direction Régionale Environnement Aménagement Logement) annonce des expertises et mesures environnemntales complémentaires sur les trois sites industriels de ce pôle chimique de Salindres.
L’ADISL, association lanceuse d'alerte dès 2010
Voici une dizaine d'années, l’Association de Défense des Intérêts Salindrois et Limitrophes (ADISL) avait saisi la justice pour mise en danger de la vie d’autrui, se souvient sa secrétaire Annie Chareyre :Car autour du site, les actes de pollution et les ressentis quotidiens des riverains étaient nombreux comme en témoigne ce reportage du 13 avril 2010 de France 2 :Nous avions des témoignages de médecins faisant état de nombreux cancers, et une usine de traitement de déchets devait se construire sur un terrain au taux d’arsenic important. Apparemment, le terrain n'avait pas été dépollué par Péchiney.
Le président de l’époque de l'ADISL et lanceur d'alerte, Henri ALLARD, chirurgien-dentiste, avait réclamé le lancement d’une étude épidémiologique.
Son fils Emmanuel, trésorier aujourd'hui de l'association, a eu son beau-père parmi les victimes décédées de glioblastome en 2011. Il avait 69 ans et avait travaillé sur le site chimique d' Axens, ancien usine Rhône Poulenc. Tout en saluant la transparence de communication, il attend des réponses. En rappelant que :
Sur ce secteur, il y a bien sûr de l'industrie chimique depuis 150 ans, mais aussi toute une activité agricole. Il y a donc plusieurs pistes possibles. C'est le travail de la DREAL et de l'Agence Régionale de Santé. Je ne voudrais pas que nos enfants se retrouvent à subir certaines choses.
Jugeant la situation péoccupante, les autorités sanitaires vont prolonger les enquêtes et suivis auprès des familles. Un comité de liaison a aussi été créé et tiendra sa première réunion à la fin du mois de février.