L’Occitanie est la 2ème région forestière de France. À Chambon, dans les Cévennes, 90% du territoire est couvert de forêt. De par leur histoire et leur environnement, les habitants sont particulièrement sensibles à la gestion des forêts.
Le Chambon, un écrin de verdure entre Gard et Lozère. Ce paisible coin des Cévennes a failli disparaître il y a près de 40 ans.
"Le feu est arrivé avec une puissance terrible, tout ce flanc de montagne était totalement détruit et le feu a continué jusqu'au rocher là-bas. Nous l'avons éteint dans le lit de la rivière," se rappelle, Daniel, villageois de Chambon.
Avec 5 000 hectares détruits, c'est, à l'époque, le plus grand incendie d'Europe."Sept kilomètres de front de feu, des dizaines de hameaux évacués. Peu ou pas de chemins forestiers, il faut descendre attaquer les flammes à flanc de montagne", relate alors le journal télévisé d'Antenne 2 le 10 septembre 1985.
Presque 40 ans après, Francis, Daniel et Serge, alors maire du village, n'ont rien oublié.
On a eu peur des flammes et ensuite il y avait une odeur insupportable, un paysage noir...la misère !
Un villageois
"J'ai encore l'émotion aujourd'hui de ces journées-là. Cela a été vraiment dramatique ! Sans compter qu'au-delà des flammes et des turbulences, cela a été l'odeur du bois brûlé pendant des jours et des jours. C'est prégnant et ça ne donne pas le moral", confie Daniel Dematéïs, président de l'association syndicale libre de gestion forestière du Chambon.
La forêt n'est pas qu'un paysage
Après l'incendie, le Chambon a perdu ses couleurs, tout n'était que terres brûlées. C'est dans ce contexte tendu que Francis Mathieu, jeune ingénieur forestier, vient coordonner une réunion.
"J'ai débarqué dans la mairie du Chambon où une petite salle était pleine comme un œuf, avec des propriétaires forestiers très désemparés, très demandeurs de solutions pour transformer le paysage qui en quelques heures étaient devenu totalement noir", relate Francis Mathieu, ingénieur forestier retraité - président du syndicat des propriétaires forestiers privés du Gard.
De ce traumatisme naît une conscience : la forêt n'est pas qu'un paysage. Il faut l'entretenir pour se protéger de l'incendie. Et travailler ensemble pour financer cet entretien. Une association de propriétaires forestiers est créée. Le bois brûlé est vendu, le reboisement commence.
"On a introduit principalement le cèdre qui est une essence bien adaptée au terrain et au climat. On a mis aussi pas mal de feuillus, parce qu'il fallait mettre de la diversité, mais on était un peu des pionniers", poursuit Daniel Dematéïs. "Aujourd'hui, on est plus dans un équilibre, en prenant en compte les enjeux écologiques et environnementaux."
Gestion durable
Au fil des ans, une gestion durable de la forêt s'est mise en place : débroussaillage, coupes ciblées, création de chemins. Les arbres sont des biens précieux aux besoins précis.
La dynamique, née du choc de l'incendie n'a pas faibli. Les nouveaux propriétaires suivent les pas des plus anciens.
"J'étais très étonnée d'avoir la responsabilité d'une forêt. Quand je suis venue ici, j'ai pris une maison, mais une forêt, c'était très loin de mes connaissances. Il se trouve que ma parcelle est très enclavée, donc les travaux n'étaient pas possibles. Personne ne pouvait intervenir parce qu'il fallait créer une piste sur les parcelles des autres. Donc, avec mes voisins, nous avons fait un regroupement et cela a favorisé l'arrivée d'entreprises qui ont bien voulu se déplacer sur un plus grand territoire", raconte Hélène Lamy, propriétaire forestier au Chambon.
"L'association libre de gestion forestière du Chambon", regroupe aujourd'hui 300 hectares et 50 propriétaires. C'est la plus grande du Gard.
"Avoir dans ce territoire des gens exemplaires qui s'engagent et s'investissent, qui y croient et mettent la main à la pâte, c'était inespéré pour nous et l'on a pu, grâce à eux, faire boule de neige dans notre région cévenole", conclut Francis Mathieu, ingénieur forestier retraité - président du syndicat des propriétaires forestiers privés du Gard.
Presque 40 ans après l'incendie, les habitants du Chambon ont retrouvé une forêt plus accessible, plus diversifiée et parée de toutes les nuances de vert.
Écrit avec Carine Alazet.