Proxénétisme : "managers", "prestataires de services", comment les légionnaires de Nîmes voyaient leur rôle dans un réseau de prostitution

Cinq légionnaires de Nîmes sont jugés à Marseille pour proxénétisme. De nationalité russe et ouzbek, ils sont accusés d'avoir exploité des dizaines de prostituées.

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"Oui, si les filles le disent, je suis le chef d'un réseau de proxénétisme": jugés à Marseille pour traite d'êtres humains, des légionnaires ont concédé mardi avoir aidé de jeunes Ukrainiennes à se prostituer, n'assumant cependant qu'un rôle de "manager", de "prestataire de services".

Au total ils sont six, cinq légionnaires russes et ouzbek et la compagne ukrainienne de l'un d'eux, sur le banc des prévenus du tribunal correctionnel de Marseille, depuis lundi et jusqu'à vendredi, pour avoir exploité des dizaines de prostituées dans une quarantaine de villes moyennes françaises, entre 2019 et 2021.

Coupe de cheveux militaire, fort accent slave, Timofei Avilov, ex-légionnaire russe aujourd'hui dans le bâtiment, a raconté comment un gradé ukrainien lui avait mis le pied à l'étrier, quelques mois avant de quitter le 2e régiment étranger d'infanterie de la Légion étrangère de Nîmes, en juillet 2019: "Nikolaï m'a expliqué le fonctionnement avec les filles".

"Gagner un peu d'argent"

Face au tribunal, cet homme de 39 ans qui voulait "gagner un peu d'argent" détaille son rôle: réservations des trajets en train ou taxi, gestion des appartements, des annonces sur Internet, contacts clientèle via une ligne téléphonique dédiée à chaque prostituée.  Me Pascal Roubaud, défenseur de sa compagne, résume le rôle du couple: "En somme, vous fournissez (aux prostituées) une plateforme logistique". Un rôle de "manager" donc, comme le revendique un autre prévenu russe, sur une écoute téléphonique.  J'étais "un prestataire de services", renchérit Danil Karpov, alias Mark, 32 ans, autre compatriote d'Avilov, présenté comme l'un des trois chefs de ce réseau, dont le téléphone circulait et s'échangeait dans des night-club à Odessa (Ukraine) et en Arménie :  "J'étais rémunéré pour des locations d'appartements, la gestion des voyages et même des interventions en cas de force majeure comme une fuite d'eau dans un appartement".

Lorsque la présidente lui oppose les déclarations d'une jeune femme qui précise que "Mark fixait les tarifs des prestations sexuelles", il corrige poliment : "Non, je donnais des tarifs, mais à titre informatif". 

Les prévenus se défendent tous de la moindre contrainte sur les prostituées. Une position émoussée par la lecture d'écoutes téléphoniques par la présidente du tribunal, Sheryne Kasse, où on les entend ainsi qualifier une femme de "jument". "Oui, mais on est militaire madame", justifie Timofei Avilov.

Les SMS figurant dans la procédure semblent eux menaçants : "Si tu ouvres ta gueule, tu rentreras au pays, chauve avec la gueule verte, salope mercantile", avait écrit le même prévenu. "C'est une façon de parler", s'est-il défendu mardi, assurant que cette image renverrait à "une expression en cours en Russie au 18e siècle pour parler d'une prostituée".

Evoquant la consultation d'un psychologue durant ses deux années de détention provisoire, Avilov avoue aujourd'hui "avoir compris des choses, même si elles étaient consentantes et nous demandaient des services". Mark, lui, regrette "avoir pris conscience que c'était illégal beaucoup trop tard".

Des "revenus" de 5000 à 12 000 euros

Seul thème sur lequel les prévenus se rebiffent : les gains. La moitié des sommes gagnées par les prostituées étaient collectées par le réseau. Selon les enquêteurs, les prévenus auraient engrangé 200.000 euros par mois. Mais il le contestent: "Pas possible ! Vous imaginez combien de filles il faut pour gagner cette somme ?", lance Timofei Avilov, haussant exceptionnellement le ton. La veille, sa compagne avait évoqué des revenus mensuels allant de 5.000 à 12.000 euros pour le couple.

Derrière les trois têtes de réseau présumées, deux prévenus apparaissent en deuxième ligne, en charge des lignes téléphoniques de prostituées, pour leur acheter des cartes téléphoniques temporaires ou aller collecter les gains. L'un d'eux, toujours militaire, explique avoir seulement "rendu service à son chef à la Légion": "C'est lui qui m'a aidé au début à comprendre les ordres et il ne m'a jamais laissé tomber".

AFP.

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