"Je cours pour déposer mes lettres" : Nathalie, factrice à Miélan, en grève pour de meilleures conditions de travail

Depuis 44 jours, 5 factrices du bureau de poste de Miélan (Gers) sont en grève pour dénoncer la déterioration de leurs conditions de travail. L'une d'elle, Nathalie, raconte les cadences intenables et la perte de contact avec les usagers

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Nathalie ne veut plus courir. Compter les secondes, toujours avoir l'oeil sur sa montre. Calculer le temps que prend chaque geste, même manger, même aller aux toilettes. Alors Nathalie s'est mise en grève. Depuis 45 jours, elle et ses quatre collègues factrices de La Poste de Miélan (Gers) ont arrêté de travailler. Leur revendication : de meilleures conditions de travail. 

Pour Nathalie, Patricia, Anne-Marie, Agnès et Fabienne, ce ras-le-bol est la conséquence de réorganisations successives, communes à de nombreux bureaux de poste en France. Départs à la retraite non remplacés, renforts supprimés... Au bureau de poste de Miélan, les tournées, et le temps de travail des cinq factrices se rallongent. 

Sacrifier son déjeuner

Selon Nathalie, elles effectuent entre 15 et 20km supplémentaires par jour, pour pallier le manque d'effectifs. Une distance qui pèse dans leur tournée. "On ne fait pas que déposer le courrier, détaille Nahalie. On récupère aussi celui qui est déposé par les usagers dans les boîtes aux lettres de chaque village". Objectif : être de retour au centre avant 15h45 pour que ce courrier soit trié, et parte avec le dernier camion. 

Pour tenir cette contrainte horaire, le déjeuner passe à la trappe presque systématiquement. "On nous impose une pause méridenne de 45 minutes. Mais si on veut finir la tournée avant 15h45, c'est impossible", dénonce Nathalie. Au menu de ses repas de midi : une pomme ou un pain au chocolat. 

Parfois j'en oublie de boire, confie Nathalie. Et si j'y pense, je me souviens que cela va me donner envie d'aller aux toilettes, et ce sera encore du temps de perdu.

C'est la course, en permanence. "C'est simple, dès que je pose un pied hors de ma voiture pour déposer du courrier, je cours", résume la factrice. 

Deux arrêts maladie 

Du côté de la direction de La Poste, on argue que le trafic de courrier a largement diminué ces dernières années, d'où les réductions d'effectifs. Les factrices de Miélan en grève approuvent, à moitié. Selon elles, s'il y a moins de courrier, il n'y a cependant pas moins de foyers à distribuer. La distance à parcourir, et le nombre d'arrêts à faire reste donc quasi identique. 

Ces derniers mois, Nathalie est partie deux mois en arrêt maladie ; trois semaines puis 10 jours. Hyper tension due au stress, a diagnostiqué son médecin. A 44 ans, elle est pourtant la plus jeune des factrices en grève, dont la moyenne d'âge est de 52 ans. 

Et cette fatigue ne pèse pas que sur leurs épaules. Mère de trois enfants, dont le plus jeune a 12 ans, Nathalie n'arrive plus à leur proposer des sorties et des activités le week-end. Les repas en famille ou entre amis sont, eux aussi, moins nombreux. Trop fatiguant. 

J'aime mon métier, mais je ne suis pas prête à y consacrer ma vie entière

Perte de lien social

Ce métier, Nathalie l'avait choisi. Ancienne secrétaire, elle a rejoint La Poste il y a 6 ans, parce que la notion de service public lui est chère. "Dans les milieux ruraux, le facteur a un rôle important. Pour certains usagers, en particulier les personnes âgées, il est leur seule visite", raconte la factrice. Dire bonjour, prendre des nouvelles fait autant partie de son métier que distribuer le courrier, estime-t-elle. 

Mais récemment, la direction lui a fait comprendre qu'elle n'était pas payée pour discuter. Désormais, il lui est interdit de rentrer dans les propriétés. "Avant il arrivait qu'on m'offre un verre d'eau fraîche, en plein été, et cela faisait plaisir aux gens". Aujourd'hui elle n'est plus censée l'accepter.

30 secondes pour distribuer une lettre

De toute façon, avec les cadences imposées, elle n'aurait guère le temps : 30 secondes pour déposer une lettre, 1 minute 30 pour un colis ou un recommandé. "C'est absurde, peste Nathalie. Une personne âgée, vous vous doutez bien qu'elle va mettre plus d'1 minute 30 pour venir chercher un colis !". 

Depuis 45 jours, Nathalie et ses quatre collègues tiennent bon. Mais la direction n'a fait aucun pas dans leur sens. "On a revu nos exigences à la baisse", admet la gréviste. Exit donc la demande de poste supplémentaire, aujourd'hui les factrices de Miélan réclament un renfort, trois jours par semaine. 

Elles ont entamé leur mouvement le 21 mai 2019. En jours travaillés, cela fait un peu plus d'un mois. Un mois sans salaire, donc. "C'est la première fois de ma vie que je fais grève, confie Nathalie. Heureusement que ma famille est là pour me soutenir". 

Parmis les cinq de Miélan, certaines envisagent une grève de la faim, si elle ne sont pas entendues. Nathalie, elle, s'est fixé une limite : si rien ne change d'ici décembre 2019, elle démissionera. 
 
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