Deux arrêtés préfectoraux autorisant la chasse au Grand tétras en Ariège et dans les Hautes-Pyrénées viennent d'être annulés par la justice. Comme chaque année depuis 10 ans, la protection de cet oiseau emblématique des Pyrénées se joue au tribunal.
Bec un peu rond, dos noir, ailes brunes et poitrail vert-bleu, le Grand tétras est un animal emblématique des Pyrénées. Il y vit dans les forêts d'altitude et se nourrit d'aiguilles de pins ou d'épicéas. Mais ces dernières années, ce coq de bruyère fréquente aussi beaucoup les tribunaux.
48 arrêtés préfectoraux retoqués en 9 ans
Tribunaux administratifs, cours d'appels, Conseil d'Etat... Chaque année, l'autorisation de sa chasse y est contestée. Et pour l'instant, ce sont les associations écologistes qui gagnent. A 48 reprises, depuis 2011, des tribunaux ont donné tort aux préfets de l'Ariège, des Hautes-Pyrénées, de la Haute-Garonne et des Pyrénées-Orientales qui avaient autorisé la chasse.En 2017, ils ont même condamné l'Etat pour chasse illégale, de 2008 à 2013, dans les Hautes-Pyrénées.
Et les 14 et 16 octobre 2020, les tribunaux administratifs de Toulouse et de Pau ont encore une fois interdit par ordonnance la chasse au Grand tétras cette année en Ariège et dans les Hautes-Pyrénées.
L'histoire sans fin
"Quand on veut affirmer son point de vue en matière d'écologie, il faut être extrêmement persévérant" note ce mardi Thierry de Noblens, président de France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées, l'une des associations qui attaquent systématiquement en justice les arrêtés autorisant la chasse au Grand tétras. Il ne veut même pas compter les tout premiers recours engagés dès 2008 en Ariège pour protéger le galliforme des chasseurs et préfère mettre en avant les 48 décisions de justice "qui constituent aujourd'hui une jurisprudence unique en France pour une seule espèce". Car ce dossier, c'est un peu l'histoire sans fin.Chaque année, des préfets, notamment en Ariège et dans les Hautes-Pyrénées, prennent, juste à la veille de l'ouverture de la chasse, des arrêtés qui autorisent celle du Grand tétras. Chaque année, les associations de défense de l'environnement les contestent en justice. Et parfois plusieurs années plus tard, obtiennent l'annulation de ces arrêtés. Ensuite ? " Le ministère de l'écologie fait systématiquement appel" termine Thierry de Noblens.
"Depuis 2011, tous les ministres de l'écologie ont fait systématiquement appel" souligne Thierry de Noblens, "même Nicolas Hulot".Chaque année, ça recommence. Et dans cette histoire, l'Etat a une responsabilité bien plus importante que celle des chasseurs qui veulent sécuriser leur loisir. L'arbitre, c'est l'Etat et l'Etat ne veut pas jouer son rôle d'arbitre.
"Une seule ministre a tenté de faire quelque chose, Elisabeth Borne", concède-t-il. "Elle a demandé en 2019 un gel des prélèvements de Grand tétras et les préfets lui ont tordu le bras. Ils ont finalement obtenu qu'elle change ses directives et opte pour des quotas."
Un animal menacé
En France, le Grand tétras est protégé dans le Jura, les Vosges et les Cévennes où il a été réintroduit il y a quelques années. Il a complètement disparu dans les Alpes. Et dans les Pyrénées, "sa population a diminué de 75 % en 60 ans" souligne Thierry de Noblens, "pourtant, il y est toujours chassable et victime de braconnage".
FNE demande donc une nouvelle fois, après toutes ces années de batailles judiciaires, au Ministère de l'Ecologie d'acter une fois pour toutes la protection de l'espèce. Avec d'autres associations comme la ligue de protection des oiseaux (LPO) ou le comité écologique ariégeois, elle a écrit le 10 août 2020 à la nouvelle ministre de l'écologie, Barbara Pompili.
On demande à Barbara Pompili d'harmoniser la réglementation avec les autres massifs français et que, dans les Pyrénées, le Grand tétras ne soit plus chassable ni naturalisable non plus.
La lettre des associations est restée sans réponse, pour l'instant.