Le projet de loi anti-jihadistes est présenté mercredi 9 juillet en Conseil des ministres. Le texte prévoit notamment une nouvelle incrimination : l'entreprise individuelle à caractère terroriste, un nouvel outil contre ceux qui se radicalisent individuellement, sur internet le plus souvent.
C'est une nouvelle loi qui vient s'ajouter à un arsenal législatif national déjà lourd...
Le texte, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, comporte quatre volets et vise à décourager les jeunes Français tentés par le jihad. Confrontés au départ en nombre de jeunes volontaires ou résidents français pour la Syrie, et au retour de certains, les services de lutte antiterroriste et les
magistrats spécialisés demandaient depuis des mois le renforcement de l'arsenal juridique français.
Interdiction de sortie du territoire
Ce projet de loi prévoit notamment la création d'une interdiction administrative de sortie du territoire français, qui concernera certains ressortissants, majeurs et mineurs, afin d'éviter qu'ils n'aillent se radicaliser sur des théâtres d'opérations extérieurs, pour représenter une menace à leur retour.Cette interdiction, d'une durée maximale de six mois, sera décidée par le ministre de l'Intérieur et pourra être renouvelée "aussi longtemps que les conditions sont réunies".
Le passeport de la personne concernée sera momentanément invalidé ou confisqué, mais il lui sera toujours possible de voyager à l'intérieur de l'espace Schengen et vers des destinations hors Schengen avec une carte d'identité. La soeur de Mohamed Merah, le tueur toulousain, a par exemple rejoint la Syrie, via l'Espagne et la Turquie.
Désormais, les compagnies de transport auront interdiction de prendre à leur bord les personnes ciblées et devront avertir les autorités dès la réservation.
Si, malgré cela, ces personnes parviennent à quitter le territoire français, elles pourront alors faire l'objet d'un mandat d'arrêt international.
L'entreprise individuelle à caractère terroriste
C'est le volet du plan qui vise particulièrement ceux que l'on a coutume d'appeler les "loups solitaires", qui se radicalisent seuls, le plus souvent sur internet, et décident de passer à l'action sans consulter quiconque, ce qui les rend d'autant plus difficiles à repérer. Il faudra que des éléments matériels et concrets aient été rassemblés par les enquêteurs prouvant qu'un passage à l'action était proche pour que cette incrimination puisse être appliquée.Un autre volet de la loi justement prévoit le renforcement des outils de répression de l'apologie d'action terroriste et d'incitation, essentiellement sur internet.
Elle encadre également les "techniques spéciales d'enquête", afin de permettre notamment aux enquêteurs d'infiltrer des réseaux et d'avoir recours à des écoutes et des sonorisations.
Les dangers d'internet
Pour internet, le texte renforce l'obligation faite aux opérateurs de retirer promptement tous les contenus faisant l'apologie du terrorisme, sur une base similaire à ce qui existe en matière de pédo-pornographie. Il prévoit aussi le blocage administratif de sites glorifiant le terrorisme."Le but de ce texte est de resserrer au maximum les mailles du filet, de serrer tous les boulons possibles pour limiter le plus possible la menace, tout en sachant que le risque zéro n'existe pas", a confié une source proche du dossier.
Le départ pour l'étranger d'un apprenti-jihadiste, même signalé, restera toujours possible, notamment s'il évite les transports en commun et voyage par la route, mais le but de la loi est de rendre ces départs les plus difficiles possible, ajoute la même source.
Selon les estimations officielles, environ 800 Français ou résidents français (dont quelques dizaines de femmes) seraient partis en Syrie, en seraient revenus ou s'apprêteraient à le faire, ce qui pose aux services spécialisés un problème de surveillance.
Au niveau européen, ils seraient environ 2.000, selon les estimations de services spécialisés. Mardi à Milan, les ministres de l'Intérieur de neuf pays (Belgique, France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Danemark, Suède et Pays-Bas) ont adopté un plan d'action, dont le détail n'a pas été révélé, afin de mieux identifier et contrôler les jihadistes européens de retour de Syrie et d'Irak.
La dangerosité présumée des vétérans du jihad a été illustrée à la fin mai quand un Franco-algérien de 29 ans, Mehdi Nemmouche, a tiré sur des visiteurs et des employés du Musée juif de Bruxelles, tuant quatre personnes.
Avant de commettre en mars 2012 sa tuerie (sept morts, dont trois enfants), le Franco-algérien Mohamed Merah avait été formé pendant une dizaine de jours au maniement des armes dans la zone pakistano-afghane.