Le 5 mars 2024, le PDG du groupe Thales Alenia Space a convoqué une réunion extraordinaire du CSE Central pour annoncer le redéploiement de 1 300 postes en Europe dont 1 000 en France. Sont concernés les 2 sites de Toulouse (2 600 employés) et de Cannes. La CGT se mobilise contre ce plan.
Alors que le groupe Thales annonce des bénéfices à la hausse, une partie de ses activités rencontre des difficultés. Il s'agit du secteur des télécommunications commerciales. Le groupe veut donc restructurer Thales Alenia Space (TAS) en redéployant 1 300 postes, dont 1 000 en France.
1 000 postes redéployés, Toulouse et Cannes concernées
Sur les 1 300 postes redéployés, 1 000 se trouvent en France sur les 2 sites de Thales Alenia Space : Toulouse et Cannes. Annoncé en début de mois, on ne sait pas encore dans quelles proportions les sites seront impactés. "Aucun départ contraint ne découlera de ce plan de redimensionnement et d’accompagnement qui est nécessaire pour s’adapter au marché et faire face à une situation de sous charge. Il est mis en place avec le support du groupe Thales pour permettre un redéploiement sans perte des compétences spatiales et s’échelonnera jusqu’à fin 2025", affirme un porte-parole de Thales Alenia Space dans un communiqué envoyé à France 3 Occitanie.
TAS regroupe des activités d’Observation, Exploration et Navigation (OEN) dont les clients sont essentiellement des grandes institutions, du domaine de la défense et une activité télécommunication dont les clients sont essentiellement des clients civils (opérateurs de satellites) mais aussi des clients défense.
Thales Alenia Space a dores et déjà annoncé la suppression et le redéploiement de 1 300 postes, dont 1 000 en France
— Capital (@MagazineCapital) March 6, 2024
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Depuis cette annonce du 5 mars, silence radio. "Le fait que la direction ne communique pas sur un plan stratégique nous inquiète, confie Guilhem Ganivet, secrétaire FO du CSE de Thales. Un droit d’alerte a été enclenché fin 2023, car on sentait que ça allait tourner. On se pose des questions. Nous avons demandé cette expertise extérieure pour élaborer des stratégies, voir s’il y a des marchés possibles."
La filière satellitaire en souffrance
Ces 1 000 postes seront donc supprimés et redéployés. "La principale explication, c'est la réduction du marché des satellites géostationnaires qui en moyenne, était à une vingtaine de satellites par an dans un passé récent et qui se stabilise aujourd'hui à une dizaine de satellites géostationnaires par an (...) donc il faut s'adapter" a expliqué, à l'AFP, Patrice Caine, le président-directeur général du groupe Thales.
Car Elon Musk et la constellation Starlink sont arrivés sur le marché en 2020. Près de 4 700 satellites de Space X sont actuellement en orbite et un autre géant se profile : Amazon avec sa constellation Kuiper. Selon les syndicats, le problème n'est pas exclusivement là. "Certes, il y a une mutation du marché du satellite télécoms, reconnaît Thomas Meynaider, délégué syndical CGT et élu suppléant au CSE et CSEC de TAS. Nous avons alerté la direction à plusieurs reprises sur la nécessité de s’adapter aux changements du marché et pour construire une stratégie industrielle."
La CGT veut se battre contre ce plan
Le syndicat qui est le 3e le plus représentatif de l'entreprise (après FO et la CFDT) ne l'entend pas de cette oreille. Pour lui, il s'agit de suppression et pas simplement de redéploiement. "Le 5 mars, lors du CSE Central extraordinaire, ils ont annoncé à la presse plus de 2 milliards de bénéfices, le chiffre le plus haut jamais enregistré. Thales Alenia Space est la partie qui réalise le moins de bénéfices. Ils ont donc voulu rassurer les actionnaires."
La CGT a donc commencé la mobilisation avec des tracts distribués quelques jours après l'annonce. Plusieurs députés EELV et LFI de la Haute-Garonne ont été rencontrés. Le syndicat veut instaurer un rapport de force. "Nous n'avons pas vu venir l’annonce. On est conscient que le marché du spatial est en pleine mutation. Auparavant, les satellites envoyés dans l'espace étaient à forte composante électronique, maintenant, ils sont essentiellement numériques avec des microprocesseurs qui collectent et diffusent les infos. On est en train de faire un produit. On est un peu en retard et c'est compliqué, mais nous avions proposé des solutions à la Direction. Il y a des start-up qui travaillent sur ce domaine. La Direction considère qu'elles ne sont pas crédibles, mais nous pensons que ce sont des partenaires avec qui nous devrions travailler conjointement", déclare Thomas Meynadier.
Pour l'heure, les autres syndicats sont en retrait "mais les choses pourraient évoluer dans les prochains jours" selon le délégué syndicat CGT.
Des nouvelles pistes à trouver pour éviter les licenciements
Pour Guilhem Ganivet de FO, "il est urgent de trouver des alternatives, des pistes de marché complémentaires ou subsidiaires. On pourrait par exemple se tourner vers des activités de service pour passer ce cap, incuber plus facilement des start-up pour créer des salles blanches, des salles propres pour les assemblages minutieux. La région Occitanie finance des start-up pour faire ces salles blanches. On pourrait louer celles que nous avons chez Thales et qui servent de moins en moins. En plus nous avons le savoir-faire et nous apporterions des garanties. On veut que groupe ramène des activités sur Toulouse."
Ce plan de redéploiement de 1 000 postes prévu sur 2 ans en France représente un peu plus 15 % des effectifs. Selon la CGT, une première vague de 317 postes redéployés a été lancée en décembre dernier. "Ils ont dû accepter des candidatures en dehors des métiers visés. On est très circonspect sur le fait que la base du volontariat soit suffisante. La CGT dénonce la pression mise par la direction sur les salariés pour aller sur des postes en dehors du spatial, sans attendre les négociations des conditions sociales qui accompagneraient ce type de mesure. De plus, avec ces 1 000 emplois en moins, on ne pourra plus faire face à notre charge de travail."
Un plan de redéploiement de moindre ampleur était survenu en 2019. Selon la direction, il avait permis de créer un nouveau centre de compétence en 2020 pour l'aviation civile où les salariés travaillaient pour d’autres projets d’ingénierie, dans le spatial et l'aéronautique, avant de retrouver leur activité une fois la crise passée. C'est donc le même process qui sera mis en place (toujours selon la direction) pour Thales Alenia Space.
Cette crise des télécoms inquiète fortement et touche également le groupe Airbus. Alors que les bruits de fusions se font plus présents entre Thales Alenia Space et Airbus Defense and Space, les semaines qui viennent s'annoncent très importantes.