Après la foule de la semaine dernière dans ce supermarché oriental du nord toulousain, le calme est revenu ce mercredi matin, les clients ont anticipé leurs achats et font leurs courses avec modération pour cette deuxième journée du ramadan.
Depuis 15 ans, le supermarché Marjaane à Fenouillet, près de Toulouse est une institution. Avec 500 m2 de surface de vente, il est le plus important du secteur nord.
Au lendemain du début du ramadan, les rayons sont bien garnis des denrées pour les préparations traditionnelles et toutes les pâtisseries sont en place sur les étals.
"Et encore on a été dévalisé hier et les jours d'avant, il devrait y en avoir encore plus !"
Aziz Elafia est le gérant de cette entreprise familiale de 8 salariés. A l'ouverture du magasin ce mercredi matin, il y avait déjà une dizaine de personnes qui attendait devant la grille. Mais ce n'est rien par rapport aux deux semaines précédantes, où il y a avait foule dès le matin.
Les gens consomment sans compter
"On avait ouvert à 9 heures au lieu de 10 heures habituellement." La crise sanitaire n'a pas eu d'impact sur son activité, au contraire, confie t-il, "je n'ai pas réduit mes commandes, les gens consomment sans compter, encore plus qu'en 2020. Comme les restaurants sont fermés, les gens achètent plus et cuisinent d'avantage encore".
Et même si son activité marche bien, "parfois ça me contrarie parce que le principe du ramadan consiste à réfléchir aux autres et laisser son corps se reposer" (...) 3 dattes pour rompre le jeûne, une Harira, (soupe épaisse à base de légumes et de viande) et de l'eau, il ne faudrait pas trop manger le soir, explique t-il, notre corps n'a pas eu de répit depuis 11 mois".
La folie...
A la boucherie, ce mercredi matin, la file des clients s'étoffe petit à petit. Ce rayon représente à lui seul la moitié du chiffre d'affaires du magasin. "La semaine dernière à 11 heures du matin, c'était la folie, il y avait plus de 80 personnes dans la file d'attente, au moins une heure de queue ! Les gens ont acheté plus que d'habitude confirme Nouredine, le chef boucher, dont le téléphone ne cesse de sonner pour de nouvelles commandes. "Des agneaux entiers, des côtelettes, des marinades... ils ont stocké par peur d'un autre confinement et des restrictions plus fermes".
... et la mesure
Zara et son fils Amin ont pris un chariot pour transporter leurs maigres achats.
"On est triste cette année dit Zara, c'est comme l'année dernière, on va le fêter avec mon mari et mes deux enfants. C'est encore chacun chez soi et quatre personnes autour de la table. On fréquente déjà beaucoup de monde dans les transports et les commerces. On est fragile et pas encore vacciné alors on ne se rapproche pas".
"Hier j'ai cuisiné un peu, mais mes enfants m'ont dit de ne pas en faire trop pour ne pas jeter la nourriture. D'habitude on partage avec les voisins, on va marcher le soir, maintenant tout est fermé. Cette année, on n'a même pas fait les gâteaux, se désole Zara. L'année dernière, on a fêté avec le téléphone pour rester en contact avec la famille".
Une situation qui affecte aussi son fils Amin. "Le ramadan c'est la fête du partage, là il n'y a plus la magie. On ne sort plus, on ne va plus à la mosquée, c'est un ramadan sacrifié mais il a l'avantage de resserrer les liens avec ma famille".
Pendant ce mois de ramadan, la vie sociale est traditionnellement active. Les gens reçoivent les convives, les invitations chez les voisins et la famille se succèdent pendant cette période centrée sur des repas festifs et généreux.
La convivialité manque
Entre restrictions sanitaires et craintes de la contamination, les traditionnels repas de rupture du jeûne ne sont pas aussi festifs qu'en temps normal. Pour la deuxième année consécutive, les musulmans se sont adaptés aux restrictions imposées par la pandémie. En raison du couvre-feu, pas de prières nocturnes, pas d'autorisation de se regrouper au-delà du cercle familial au moment de la conviviale et festive rupture du jeûne.
Ozcan Cokyilmaz est commercial pour une entreprise agro-alimentaire. Il passe 3 jours par semaine en déplacement sur les routes du sud de la France, loin de sa femme et sa petite fille restées à Clermont-Ferrand. En ce début de ramadan, il mange tout seul le soir dans sa chambre d'hôtel. Un moment difficile et frustrant pour ce jeune homme de 31 ans, en manque de convivialité.
"Je ne peux même pas aller au restaurant, alors je me fais livrer mon repas dans ma chambre. Mais sorti du fast-food il n 'y a pas beaucoup de choix. La solution serait peut-être un appart-hôtel pour que je puisse me faire à manger, mais je n'aime pas cuisiner".
Il a acheté ici quelques pâtisseries et des fruits pour patienter ce soir en attendant le livreur.
Le ramadan, mois saint de la religion musulmane a débuté en soirée ce mardi 13 avril et se déroulera jusqu'au 12 mai prochain.