"Le bruit et l'odeur" : quand Zebda dénonçait les propos racistes de Jacques Chirac

A l'heure où la France rend un hommage appuyé à Jacques Chirac, décédé ce jeudi, certains se souviennent de ses discours controversés. "Le bruit et l'odeur", ces propos prononcés lors d'une intervention sur l'immigration ont tellement choqué que les Toulousains de Zebda en ont fait une chanson. 

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C'était le 19 juin 1991. Jacques Chirac, président du RPR et maire de Paris, prend la parole lors d’un dîner-débat à Orléans devant 1 300 militants. Sa cible : les immigrés. Jacques Chirac est candidat pour la prochaine présidentielle.

Il évoque une visite qu’il vient d’effectuer avec Alain Juppé dans le quartier de la Goutte-d’Or, à Paris et prononce ces mots : "Le travailleur qui habite à la Goutte-d’Or et travaille avec sa femme pour gagner environ 15 000 francs. […] Sur son palier d’HLM, ledit travailleur voit une famille entassée avec le père, trois ou quatre épouses et une vingtaine de gosses, qui touche 50 000 francs de prestations sociales sans, naturellement, travailler. […] Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, le travailleur français, sur le palier, il devient fou. Ce n’est pas être raciste que de dire cela". 

Un discours choc qui donne le ton de la prochaine campagne, alors que le Front National grignotte de plus en plus de voix. 

Le groupe Zebda mobilisé contre le racisme

En 1991, un groupe vient d'émerger dans la banlieue Toulousaine. Zebda représente le quartier des Izards et il est composé de jeunes issus de l'immigration mais aussi de Français de souche. Leur crédo, c'est défendre le vivre ensemble malgré les différences. 

Choqués, les jeunes Toulousains écrivent une chanson intitulée "le bruit et l'odeur". L'expression sera même le titre de leur deuxième album, sorti en 1996. Entretemps, Jacques Chirac est devenu Président de la République.

Joël Saurin, bassiste du groupe Zebda se souvient :

"Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. C'était l'avant "Black, Blanc, Beur" de 1998. Nous, on avait un espoir fou de voir enfin les peuples de France se rapprocher. Alors forcément, entendre réduire l'immigration à ces quelques mots, ça a cassé tous nos espoirs. Et ce n'était vraiment pas ce que l'on pouvait attendre d'un homme politique. On a parlé de maladresse, mais peut-être etait-ce plus de la stratégie..."

 

La chanson fait le buzz à l'époque. Le chanteur Moustapha Amokrane assume cet engagement :

C'était notre rôle de réagir. On a combattu politiquement Jacques Chirac parce que pour nous, "le bruit et l'odeur", n'aurait jamais du servir un propos raciste. C'était quelque chose de bien. Ca nous rappelait notre enfance et notre seconde culture. Et c'est pour cela qu'on a rajouté dans la chanson "et celui du marteau-piqueur". Un autre bruit qui semble-t-il dérangeait moins.

 

Et si c'était à refaire ? 

Les membres du groupe, désormais séparés, ne regrettent rien de cette prise de position. D'autant que le climat leur semble encore plus violent aujourd'hui :

Aujourd'hui, des propos racistes, il y en a beaucoup plus. Et si on devait faire une chanson pour chacun d'entre eux, il faudrait faire des doubles ou des triples albums. Et tout cela semble s'être banalisé avec la révolution numérique, affirme Mouss l'un des deux chanteurs.

Et de rajouter : "En 1991, on trouvait que la parole de Jacques Chirac était grave. En fait, elle a peut-être ouvert la porte aux autres."

Pour Joël Saurin : "Jacques Chirac en a prononcé bien d'autres des propos tendancieux. Mais aujourd'hui je garde de lui l'image d'un bon vivant, finalement obligé de se ranger dans son costume d'homme politique pour faire carrière". 

Ce qui rassure les Zebda aujourd'hui, c'est que leur engagement n'a pas été vain. Il a fait écho auprès des jeunes générations. D'autres artistes ont pris le relais pour dénoncer à leur tour le racisme au quotidien.

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