Le projet de loi bioéthique comprenant notamment la PMA pour les couples de femmes est en deuxième lecture à l'Assemblée. A Paris des opposants manifestent. A Toulouse, une avocate et mère de famille homoparentale explique qu'il ne s'agit en rien d'une avancée, mais plutôt d'une nécessité.
Crise du coronavirus oblige, le projet de loi bioéthique avait été (encore) repoussé. Il devrait finalement être adopté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale ce lundi 27 juillet 2020. Et ce qui fait débat, c'est surtout la partie comprenant l'ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de lesbiennes et aux femmes seules. Une loi sans cesse reportée, que le gouvernement promet depuis 2012. Le projet instaure de nouvelles règles encadrant la filiation. Des règles jugées insuffisantes par une avocate toulousaine spécialiste des droits de la communauté LGBTQ+.
Les enfants déjà nés de PMA sont oubliés
A Paris, des opposants au projet de loi bioéthique (appartenant à des associations dont la Manif pour tous) manifestent devant l'Assemblée nationale ce lundi 27 juillet 2020. Pour la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de La Rochère, le projet comprend "des mesures désastreuses sur les plans anthropologique et éthique", privant "volontairement un enfant de père toute sa vie".
Ces manifestants luttent contre ce qui existe déjà explique Sara Khoury Cardoso, avocate et mère d'un enfant issu d'une PMA avec une femme. "Ce qui est dingue c’est qu’on débat de comment on doit procréer et de comment nos familles peuvent exister alors que c’est déjà un état de fait" souligne la toulousaine. A titre d'exemple en 2018, 12 500 enfants ont été adoptés par un conjoint et dans 83% des cas l'adoptant était une personne homosexuelle explique Sara Khoury Cardoso.[ACTION-FLASH] #LesOubliés, interpellent les députés !
— La Manif Pour Tous (@LaManifPourTous) July 27, 2020
Les élus et le @gouvernementFR doivent s’occuper des vraies priorités : la santé, l’emploi, l’économie. ?STOP #PMAsansPere #GPA pic.twitter.com/hqffyrG4Tx
Les manifestants refusent une loi jugée insuffisante pour les premières concernées. Pour Sara Khoury ce projet de loi bioéthique "n'est pas une victoire, c'est un moindre mal". Il oublie surtout tous les enfants déjà nés de PMA dans des familles homoparentales.? "Ce qui compte pour un enfant, c'est d'être choyé, d'être aimé... Il ne s'occupe pas du tout de savoir si c'est avec deux mères ou deux pères" estime Jean-Louis Touraine, rapporteur de la loi #bioéthique.
— Info France 2 (@infofrance2) July 24, 2020
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La loi fait l'impasse sur les enfants nés hors mariage, elle laisse plein de familles sur le carreau et autant d'enfants qui vont rester sans filiation. C'est problématique, et discriminant.
Simplification des démarches
Pour un couple hétérosexuel qui a recourt à la PMA, il suffit au père de déclarer son lien de filiation avec l'enfant dès sa naissance pour que celui-ci soit établi. "On ne peut pas renier la paternité d'un homme au nom du fait que ce ne sont pas ses gamètes" précise l'avocate.
Pour un couple de femmes en revanche, il faut que celle qui n'a pas porté l'enfant l'adopte. C'est une démarche tout à fait différente et discriminante selon Sara Khoury Cardoso, qui "prive l'enfant de la réalité de son vécu et de sa conception, ça le prive de protections efficaces". L'enfant est considéré comme adopté ou né d'une mère célibataire, alors que ce n'est pas le cas souligne l'avocate. Elle souhaite que les mères lesbiennes soient "considérées comme socialement stériles et que la filiation puisse être établie sur simple déclaration", comme pour les pères biologiquement stériles.
Les démarches pour que les deux mères d'un enfant né par PMA soient bien reconnues comme telles ne sont pas toujours réalisées. Résultat, si les deux mères se séparent par exemple, rien ne protège celle qui n'a pu adopter l'enfant mais qui l'a pourtant élevé. En résumé, Sara Khoury Cardoso voit déjà bien plus loin que cette loi qui "ne s'est pas emparée d'un fait social qui existe déjà".
Les tribunaux plus avancés que les législateurs
Au quotidien l'avocate toulousaine défend des femmes qui tentent de faire reconnaitre qu'elles sont les mères d'enfants nés par PMA. Elle s'occupe aussi du "maintien des liens entre un enfant et son parent d'intention pour lequel le lien de filiation n'a pas encore été établi dans le cas où les mères sont séparées". En somme, des questions qui sont loin de faire partie du projet de loi bioéthique mais que les juges traitent d'ores et déjà depuis plusieurs années.
Pour l'avocate, "les législateurs ne veulent pas voir ce que les magistrats retrouvent au quotidien dans leur bureau".Cette loi aborde le futur mais pas du tout le passé. On fait comme si on découvrait tout d'un coup que les familles homoparentales existent. Sur ce fait les tribunaux sont plus en avance que les législateurs, suite à des condamnations qui font avancer les droits.
Les mêmes droits pour tous
Avant 2012 il était impossible pour une femme d'adopter l'enfant de sa compagne. Et aujourd'hui, il faut notamment que les deux femmes soient mariées. Cette condition n'existe pas dans le cas des couples hétérosexuels. Encore une discrimination pour l'avocate, qui demande "simplement les mêmes droits que tout le monde".
Et d'ajouter "on exclue aussi les personnes transgenre" parce qu'elles ne sont pas nées femmes. L'avocate prône une PMA pour toutes, "ouverte de façon gratuite" donc prise en charge par la sécurité sociale. Pour l'avocate et mère, ça permettrait à ceux qui n'ont pas les moyens de se rendre à l'étranger pour réaliser une PMA de le faire en France.Cette loi ne règle pas le problème du rattachement des parents d'intention dans le cadre de droits à la retraite ou de congés enfants malades pour toutes les familles qui existent déjà.
Types de dons
La mère d'une famille homoparentale tient à ajouter que dans la loi bioéthique il n'y aucune réflexion autour du type de don.
Pour l'heure, le débat n'est pas à ces problématiques que soulèvent l'avocate sur une situation réelle. "Aujourd’hui encore l’existence même de nos familles est débattue dans l’hémicycle et en dehors, et c’est problématique" rapporte Sara Khoury Cardoso. Elle conclut que cette loi bioéthique est une nécessité et non un progrès, et qu'elle arrive bien trop tard.La question du don amicale n'a pas été posée. Pourtant, on sait que beaucoup de familles conçoivent de cette manière et beaucoup de pays le permettent déjà comme la Belgique par exemple.