Les soignants de la maternité Paule de Viguier du CHU de Toulouse dénoncent des violences obstétricales. Des violences engendrées par un manque de moyen et une surcharge de travail. Ils lancent une pétition en ligne.
“Ce jour-là, la salle d’accouchement était saturée. Nous avons dû faire accoucher deux dames en salle de césarienne”, témoigne Aline, une sage-femme. “C’est une salle où il fait 19°C, le lit est dur, étroit, c’est difficile pour une femme de faire son travail dans ces conditions et pour un bébé de naître dans un tel froid ”.
Une journée comme celle-ci n’est pas exceptionnelle à l’hôpital Paule de Viguier du CHU de Toulouse. Ce jour-là, 12 femmes étaient en train d’accoucher dans un service capable d’en accueillir que 8. Conséquence : des soignants submergés et des patientes négligées. “J’ai aidé une première femme à accoucher à 9h00, la suivante à 9h18 et je n’ai pu revenir les voir que 2h30 plus tard”, s’alarme la sage-femme qui dans ces moments-là, devrait être au chevet de sa patiente pour la première tété ou le premier biberon, et pour vérifier que ces jeunes mères ne font pas d’hémorragie.
Un secteur naissance sous-dimensionné
Une situation qui se reproduit régulièrement et que les soignants refusent désormais d'accepter. Inauguré en mars 2003, le secteur naissance de l’hôpital Paule de Viguier a été conçu pour accueillir 3 500 accouchements par an. Mais désormais, ce chiffre monte à 5 200 naissances annuelles, avec une liste d’attente de 1 500 patientes. “Ce service fonctionne dans l’urgence et dans l’insécurité”, dénonce le secrétaire adjoint du syndicat Sud Santé Sociaux de la Haute-Garonne. “Il faut impérativement ajouter une sage-femme présente en permanence, c’est à dire 5 postes supplémentaires dans le secteur naissance qui en compte 38 actuellement.” Il demande aussi l’ouverture d’un poste supplémentaire d’anesthésiste.
Des violences obstétricales dénoncées
Du fait de cette surcharge de travail, sages-femmes et aides-soignantes sont contraintes de se concentrer sur les urgences et de négliger leurs autres patientes. “Nous courrons dans les couloirs de patiente en patiente”, raconte une autre sage-femme de cette maternité venue manifester ce mardi 7 juin avec les autres soignants. “Nous sommes devenues des exécutantes de soin, nous ne sommes plus des accompagnantes de la périnatalité. La conséquence est pour les patientes qui se retrouvent avec des retards de prise en charge.”
Des retards de prise en charge notamment dans les poses de péridurales lorsque la salle de naissance est saturée. Certaines accouchent même sans qu’elle ait pu être posée. “Je fais subir des violences obstétricales contre mon gré. Ca me fait mal, ça me dégoûte et je le vis très mal”, témoigne Lisa*, une autre sage-femme de cette maternité. “Ne pas soulager correctement la douleur alors que c’est possible, c’est de la violence. Reporter des césariennes programmées ou des déclenchements de plusieurs heures ou jours, c’est de la violence et c’est dangereux. Ce sont des violences obstétricales dues à la suractivité. Je n’en peux plus de devoir faire subir ça aux patientes et à leur famille.”
Un bâtiment vieux de 19 ans "délabré"
Autre problème dénoncé, le délabrement de la maternité vieille de 19 ans. “Certaines salles n’ont jamais bénéficié de travaux, elles sont vétustes”, déplore Victor Alava. “Il y a des murs éventrés, les jambières tombent, les fauteuils se cassent, on ne parvient que difficilement à régler la température de la salle de naissance.” Le délégué syndical précise que des travaux ne sont pourtant pas planifiés.
Les soignants lancent une pétition
Pour dénoncer cette situation, les soignants de la maternité lancent une pétition en ligne intitulée “Pour que cessent les violences obstétricales au CHU de Toulouse”.
Ils accusent les politiques d’austérité et les restrictions budgétaires responsables de ces maltraitances et réclament des moyens afin de pouvoir travailler sereinement.
Sages-femmes et aides-soignantes appellent donc la population à écrire au directeur général du CHU de Toulouse ou à signer en ligne leur pétition. Le 7 juin, elle avait récolté 636 signatures.
Le terme “violences obstétricales” réfuté par le CHU de Toulouse
Le CHU de Toulouse s’oppose au terme “violences obstétricales” utilisé par les sages-femmes de la maternité Paul de Viguier. “Les violences obstétricales n’ont pas lieu dans notre maternité”, affirme le docteur Paul Guerby, le responsable du département d’obstétrique au CHU de Toulouse. “Il n’y a pas de violences volontaires comme le sous-entend de tels termes. Nous avons des soignants en difficulté mais pas de soignants malveillants. Notre équipe de soignants fait tout son possible pour s’occuper aux mieux des patientes.”
Le gynécologue partage en revanche le constat des difficultés rencontrées par ces sages-femmes, surmenées. Des difficultés dues à une forte diminution du nombre de maternité ces dernières années. “Les accouchements se concentrent désormais dans de grandes maternités comme Paule de Viguier” analyse-t-il. “Mais, les effectifs nécessaires dans une maternité sont régis par le décret natalité qui date de 1998. Depuis, la population a augmenté et évolué.” L'hôpital travaille depuis plusieurs années à de nombreux projets pour faciliter la prise en charge de ses futures mères, notamment en respectant le plus possible le rythme naturel des accouchements malgré un important déficit de personnel.
*Leurs prénoms a été modifié afin de préserver leur anonymat.