Au CHU de Toulouse, quelques soignants hésitent à se faire vacciner contre la Covid-19. Ils ont les mêmes interrogations qu'une partie des Français. Pour les rassurer, une infectiologue répond à toutes les interrogations concernant le Pfizer ou encore l'AstraZeneca.
"La médecine n'est pas une science exacte, certains l'apprennent avec cette crise". Ces mots sont ceux de Muriel Alvarez, infectiologue au CHU de Toulouse. "On ne peut pas être spécialiste de tout, il faut aussi être dans la confiance. Je ne comprends pas comment fait mon plombier, l'institutrice de mes enfants ou encore mon boucher. Mais je leur fais confiance". Le contexte est inédit, les réactions aussi. Tout le monde veut comprendre, à commencer par les soignants. Certains sont méfiants. Il y en a même qui pensent qu'un vaccin (celui qu'on imagine meilleur) est réservé aux médecins, et un autre (le moins bon?) aux infirmiers. Une hypothèse qui agace l'infectiologue. A Toulouse, aucun des soignants que nous avons contactés ne parle d'une différence de traitement entre médecins et infirmiers. Une partie a en revanche des inquiétudes, à l'image des Français.
Préoccupations d'une soignante
Une infirmière en poste depuis seize ans au CHU de Toulouse, syndiquée, s'interroge. "Il y a un gros doute sur l'efficacité du vaccin AstraZeneca notamment sur les variants et sur ses effets secondaires" explique celle qui rapporte que moins de la moitié des soignants sont réticents à se faire vacciner.
Il arrive que nous devions nous arrêter parce que l'AstraZeneca engendre parfois des fièvres, des courbatures, des maux de tête. Rien d'étonnant pour un vaccin mais nous demandons à la direction de ne pas appliquer le jour de carence.
"Quand on prend un arrêt maladie en France, détaille-t-elle, le premier jour n'est pas payé. Or, quand on se fait vacciner c'est pour nous protéger et protéger nos patients. On se sent pénalisé par ce jour de carence parce que pour se faire vacciner, il faut que nous soyons prêt à perdre un jour de salaire."
Ce a quoi la directrice des ressources humaine par intérim répond que le CHU applique pour l'instant les directives nationales. "Il n'y a aujourd'hui pas de dérogations de jour de carence liée aux effets secondaires, on s'adaptera aux éventuelles évolutions dans le cadre juridique" précise-t-elle. "C'est difficile de le savoir, mais il semble que peu de cas soient concernés par ces arrêts maladies" précise-t-elle.
Disponibilité des vaccins
Au CHU de Toulouse, pas de problème de stock. Les soignants s'inscrivent, puis reçoivent leur vaccin. Du côté de la direction des ressources humaines et de la coordination des soins, c'est clair : "43% des soignants sont inscrits pour se faire vacciner ou sont vaccinés. Il n'y a pas beaucoup de réticence mais plutôt une forte adhésion. Tous nos soignants sont responsables, ils ont vécu avec la maladie et sont fatigués. Tout le monde a envie de passer à autre chose".
A l'hôpital Joseph Ducuing en revanche, on attend encore l'arrivée du vaccin AstraZeneca, explique la directrice des soins. "Les réticences ne sont pas plus importantes que parmi la population française" remarque-t-elle, et les inscrits seraient nombreux : 140 professionnels de la santé.
Je mentirais si je disais qu'il n'y a pas d’interrogations. Il y a des questions qui se posent et c'est légitime. Les médecins y répondent. Il y a toujours eu des réticents à la vaccination en France.
Au CHU de Toulouse aussi, les médecins semblent se rendre disponibles pour répondre aux doutes concernant les vaccins.
Méfiance envers le Pfizer, puis envers AstraZeneca
L'infectiologue Muriel Alvarez tient à rappeler que certains ont d'abord été méfiants envers le vaccin Pfizer parce qu'il utilise une technique non pas nouvelle, mais peu connue : l'ARN messager. Puis envers l'AstraZeneca pour sa supposée faible efficacité et ses effets secondaires.
Avec le Pfizer, on injecte un vaccin composé d’un ARN messager fait à partir du coronavirus. Il va pénétrer dans nos cellules mais jamais dans nos génomes et permettre la fabrication de la protéine S qui constitue la couronne du fameux coronavirus. (...) Avec l'AstraZeneca, qui est passé par les mêmes autorisations que pour le Pfizer, cette fois, c'est une autre technique bien connue : on utilise un virus autre que le corona, complètement inactif pour l'homme. On injecte un petit bout d'ADN du coronavirus qui fabrique de l'ARN Messager, qui lui-même fait la protéine S. Dans les deux vaccins c'est le même principe : l'organisme se croit attaqué par un virus et sécrète des anti-corps. Il est alors prêt à se défendre quand le coronavirus se présentera.
Si vous n'avez pas tout compris, dites vous qu'il existe également différents vaccins pour la grippe par exemple. Et dans ce cas, il est très rare que les patients aient des préférences, rapporte l'infectiologue.
Une partie des Français a donc d'abord été méfiante envers le Pfizer puis envers l'AstraZeneca (bien que les deux vaccins aient été validés par les autorités, comme tous les médicaments qui entrent sur le territoire).
AstraZeneca moins efficace ?
L'infectiologue rappelle que le Pfizer a directement été considéré comme fiable à 94% alors que pour l'AstraZeneca ce chiffre s'élevait à 70% (comme pour le vaccin de la grippe par exemple). Or, si le taux de réussite était plus faible pour l'AstraZeneca c'est parce que le vaccin avait été testé sur une petite partie de la population.
Une étude écossaise supplémentaire a été publiée sur l’efficacité de l'AstraZeneca. Elle montre deux choses : son taux d’efficacité réel s'élève à 90%, toute population confondue, quelque soit l’âge. Et des effets secondaires sont rapportés mais ils sont minimes.
La stratégie vaccinale a alors changé, explique Muriel Alvarez. "En ce moment tous les vaccins peuvent se faire à toutes les personnes en fonction de leur disponibilité".
Effets secondaires
Oui, comme dans tous les vaccins, il y a des effets secondaires. Fièvre, courbatures, maux de tête. "Ces effets secondaires témoignent juste du fait que notre organisme répond à la vaccination. Ca veut dire que notre organisme se fait bien avoir puisqu’il enclenche la première réaction quand on se croit malade : une hausse de la température et les conséquences qui vont avec" détaille Muriel Alvarez. En d'autres termes, cela signifie que le vaccin fonctionne. "Mais quand il n'y a pas d'effets secondaires cela ne veut pas pour autant dire que cela ne fonctionne pas" tient à rassurer l'infectiologue.
Efficacité sur les variants
Muriel Alvarez rapporte que les deux vaccins sont efficaces sur les variants anglais "pré-dominants en France où nous avons peu de cas de variants sud-africains et peu de cas de variants brésiliens". Donc pour l'instant, elle estime que la question ne se pose pas encore sur les variants sud-africains et brésiliens.
Le plus important, c'est de rappeler que le virus ne disparait pas, il circule. On va arriver à un malheureux anniversaire : celui du 16 mars, date du premier confinement en France. Il y a toujours des formes asymptomatiques mais il y a aussi des malades très graves et des décès. A ce jour, il n'y a aucune thérapie active contre ce virus. Si on veut se sortir de tout ça sur le plan sanitaire mais aussi social et économique, il n'y a que le vaccin.
Si certains soignants sont réticents, il en va de même pour une partie de la population. Tous ont le choix de se faire vacciner ou non. Et bientôt, selon les disponibilités, il sera possible de choisir son vaccin.