"Désillusion, trahison" : des journalistes de la Dépêche du Midi révoltés contre la révision de leurs statuts sociaux

La direction de La Dépêche du Midi a informé ses journalistes qu'elle est dans l'obligation de revoir et adapter les statuts sociaux de l'entreprise pour des raisons économiques. Cette annonce a provoqué la colère du principal syndicat des journalistes, qui conteste cet argument financier avancé. Il soupçonne aussi le groupe d'une régularisation avant l'issue d'une procédure pénale qui pourrait coûter cher à La Dépêche.

C'est un communiqué du Syndicat national des journalistes (SNJ) tombé mardi 14 novembre qui recrée une zone d'ombre dans les bureaux de La Dépêche du midi. Un mail de la direction du quotidien régional, partagé aux journalistes, impose de revoir l'intégralité des accords collectifs. "La crise que nous traversons nous contraint à générer des économies, notamment en revoyant et adaptant l’ensemble des statuts sociaux de l’entreprise", écrit la direction. 

"Un épisode historique, dans le mauvais sens du terme"

Dans ce mail, elle regrette "ne pas avoir signé d'accord structurel depuis plus de 10 ans, s'abritant derrière des contrats de travail historiques". L'ensemble de l'argumentaire révulse le SNJ. Dans une série de points détaillés dans le communiqué, ce syndicat dénonce "les résultats largement positifs et jamais enregistrés à ces niveaux depuis près de soixante ans" ou encore "un résultat prévisionnel bénéficiaire à hauteur de plusieurs millions d’euros (...) qui ont culminé il y a deux ans à plus de 7 millions d'euros". Le facteur économique et l'évocation "d'une crise" ne tiennent donc pas selon le SNJ. 

"C'est un épisode historique dans le mauvais sens du terme. C'est la première fois qu'une direction générale remet en cause les accords sociaux de manière unilatérale, sans concertations", peste Marc Salvet, délégué syndical SNJ à la Dépêche du Midi. "Tous les journalistes sont stupéfaits et inquiets.

Selon lui, réadapter ces accords sociaux vise directement les journalistes avec plus de 10 ans d'ancienneté. Ces derniers pourraient voir leur statut révisé. "Mais leur salaire ne pourra être diminué grâce à la clause du grand-père", tempère Marc Salvet. Dans un second temps, des journalistes au statut Dépêche News, parties civiles dans une procédure intentée contre La Dépêche, sont également ciblés. 

Une procédure judiciaire contre La Dépêche en attente d'une décision

Car selon le SNJ, cette annonce de la direction a un lien avec la procédure pénale pour "délit de marchandage" contre le quotidien régional. L'agence de presse Dépêche News est dans le collimateur de la justice car les journalistes employés ne bénéficient pas des mêmes accords sociaux que les journalistes La Dépêche comme la grille salariale ou les jours de congés. 

Contacté par France 3 Occitanie, le parquet de Toulouse indique que "cette procédure judiciaire est clôturée" et qu'elle "a été transmise pour étude à un magistrat". Une décision sera prise dans le mois pour déterminer si La Dépêche sera poursuivie ou non. 

Une vingtaine de journalistes Dépêche News est partie civile dans ce dossier. S'ils ont gain de cause, La Dépêche du midi pourrait donc débourser plusieurs milliers d'euros de dommages et intérêts après ces années de travail réalisées dans des conditions inégales par rapport aux autres journalistes du groupe. 

La Dépêche du midi a déjà été condamnée en juillet pour travail dissimulé et co-emploi, après avoir embauché, sous un statut low cost, la journaliste Claire Raynaud à La Dépêche News

"Le SNJ oppose un refus systématique à toute forme de négociation" répond la direction 

Réunie à Toulouse mardi, la délégation du SNJ est très amère. "C'est une désillusion. On a un sentiment de trahison. Les anciens journalistes ont beaucoup donné à la Dépêche. Voilà comment ils sont récompensés", tourne-t-il ironiquement. 

Suite à ce mail, une période de préavis de trois mois va s'ouvrir, suivie de négociations pendant un an. "Mais c'est la direction qui aura la main à la fin, ce qui nous met le couteau sous la gorge. Ce ne sont pas des conditions idéales pour négocier sereinement", conclut Marc Salvet. 

Contactée, la direction de La Dépêche du midi a répondu par la voix de son directeur de l'information Lionel Laparade. "Depuis une dizaine d’années, cette organisation syndicale oppose un refus systématique à toute forme de négociation, et non des moindres", assure-t-il en préambule.

"Le SNJ a bloqué le processus de digitalisation de la rédaction, nous conduisant à rechercher un statut, reconnu par ses propres instances nationales, et permettant aux nouveaux journalistes de travailler indistinctement sur le support imprimé ou numérique."

Lionel Laparade, directeur de l'information de La Dépêche du midi

à France 3 Occitanie

En reprenant quelques exemples, "refus de signer un accord attribuant 21 jours de RTT aux journalistes DNews, ne pas signer l’augmentation générale accordée dans le cadre des NAO (Négociations annuelles obligatoires", Lionel Laparade s'interroge à l'égard du SNJ. "Comment ne comprend-il pas les arguments économiques avancés ?", alors que "des grands titres de la presse quotidienne régionale font face à des difficultés, qu’il nous appartient d’anticiper".

Enfin, ce dirigeant assure que les négociations qui vont s'ouvrir "ont été énoncées clairement à l’ensemble des journalistes" afin de "poser les bases d’un dialogue social sincère et respectueux, constructif et apaisé à la rédaction".

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