L'extrême-droite attaque un colloque féministe en ligne, l'université Toulouse Jean Jaurès dépose plainte

Vendredi 6 novembre, le colloque sur le féminisme organisé en ligne par l'université Jean Jaurès de Toulouse a du être annulé. Des trolls d'extrême-droite ont empêché la tenue de l'évènement. Une "alerte à ne pas prendre à la légère" pour le monde universitaire.

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Mein Führer. Heil Hitler. Faurisson. Alain Soral. Soudainement, vendredi 6 novembre dans l’après-midi, ces pseudoymes apparaissent sur le tchat du colloque "nos luttes changent la vie entière : 50 ans de MLF (Mouvement de libération des femmes)" organisé en visioconférence (confinement oblige) par plusieurs enseignantes-chercheuses de sciences sociales de l’Université Toulouse Jean-Jaurès.

"Il y avait environ 70 personnes connectées afin de suivre cette 3e session. D’un seul coup, il y a eu une montée de gens connectés, raconte l’une des co-organisatrice de l’évènement, l’historienne Sylvie Chaperon. De 70, nous sommes passés à 110. Sur le coup, cela ne nous a pas semblé être un problème". Jusqu’à ce qu’apparaissent les premiers messages sur le tchat, "mal orthographiés, incohérents, sans queue ni tête".
 

Croix gammées, Donald Trump

Au même moment sur la mosaïque vidéo des participants, le visage de nouvelles personnes s’affiche dont l’un masqué. "Un type s’est montré avec la moustache d’Hitler et une croix gammée dessinée sur le torse et sur le front" explique l’historienne spécialiste d’histoire des femmes, du genre, et des origines de la sexologie. Certains participants aperçoivent également derrière l’individu "une affiche de Donald Trump". 

Les organisateurs essayent d’éliminer tous ces pseudos. Sans succès. Ils sont trop nombreux. "A un certain moment sur l’écran sont apparus des gribouillis, rajoute Christine Bard historienne spécialiste de l'histoire des femmes, du genre, du féminisme et de l’antiféminisme de l’université d’Angers et co-organisatrice de l’évènement. Un sexe masculin et le mot féminazi". C’est à ce moment qu’est décidé d’interrompre ce colloque.

Dans le milieu scientifique c’est la stupéfaction et la sidération. "C’est la première fois que cela nous arrive lorsque nous tenons un colloque" souligne Jacqueline Martin, retraitée de l'Université Toulouse Jean Jaurès et spécialiste de la division sexuelle du travail et des inégalités femmes-hommes. "Il y avait vraiment une volonté de nous faire taire" estime Christine Bard.

Trolls masculinistes et d’extrême-droite

Pour Sylvie Chaperon, le fait que des "trolls masculinistes et d’extrême-droite", comme le qualifie le comité d’organisation du colloque dans un communiqué, attaquent de la sorte n’est pas anodin : "ils se sentent de plus en plus dans l’impunité".

Selon plusieurs participants, l’action aurait été préparée plusieurs jours à l’avance sur le site jeuxvideos.com dont le forum Blabla 18-25 ans est connu depuis plusieurs années pour s’en prendre aux féministes. "Sur l'un des topics de ce forum, il y avait une affiche du colloque avec un petit commentaire du style "on fait comme d'habitude" explique Sylvie Chaperon.

"Cela en dit long sur le climat actuel, estime Christine Bard. Cet incident montre l’intersectionnalité des haines : celle du masculinisme, celle du sexisme, celle de l’antisémitisme. Autant d’éléments traditionnels de l’extrême droite". 

Une alerte à ne pas prendre à la légère

Depuis plusieurs semaines les féministes sont la cibles de nombreuses attaques, comme celles à l’encontre de l’élue EELV de Paris Alice Coffin. Le monde universitaire n’est pas épargné. Fin octobre, le ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports Jean-Michel Blanquer avait dénoncé "l'islamo-gauchisme" qui fait selon lui "des ravages à l'université".
 
"Les universités sont un peu dans la ligne de mire. Ce qui s’est passé vendredi est peut-être une alerte. Il ne faut pas la prendre à la légère" avertit Jacqueline Martin. 

De son côté la présidence de l’université Toulouse Jean-Jaurès dénonce des faits "inacceptables". Une plainte doit être déposée auprès du procureur de la République de Toulouse et des mesures seront prises prochainement pour renforcer la sécurité des outils de visioconférence "à plus forte raison dans une période où les activités se déroulent pour la plupart en distanciel" ajoute l’université. 
 
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