Une semaine après la grave agression de 2 éducateurs du club de foot de Colomiers (31) le district de Haute-Garonne a décidé de suspendre tous les matchs ce week-end. "C'est la première fois que de tels actes criminels arrivent en France envers 2 éducateurs. Là on vient de passer un nouveau stade de violence."
Pas de matchs ce week-end mais des moments de rencontre entre les parents, les joueurs et les éducateurs. Le district de la Haute-Garonne, soutenu par la ligue de football d'Occitanie, a décidé de frapper fort après les agressions dont deux éducateurs de Colomiers ont été victimes.
La violence autour des terrains
La Haute-Garonne compte 40 000 licenciés au foot qui laisseront les crampons au repos samedi et dimanche. En soutien aux deux éducateurs agressés, toutes les rencontres masculines ou féminines, des plus jeunes jusqu'aux seniors seront suspendues.
Patrice Maurel est un ancien joueur pro, aujourd'hui manager général du club de Colomiers en périphérie de Toulouse. "Depuis l’après covid, on assiste à une montée des violences au bord des terrains et pas SUR les terrains. Allez voir les U10 ou les U14 où l’arbitre a le même âge que les footballeurs. Vous allez être choqués de la violence à son égard. Écoutez ce que disent les parents des plus jeunes. La violence est trop présente et on la banalise. Mais là, on ne peut pas banaliser."
Très sensible aux tragiques évènements qui ont touché les éducateurs de l'@USColomiers, le Club soutient pleinement l'initiative du @districtfoot31 et de la @LigueFootLFO.
— Toulouse FC (@ToulouseFC) November 5, 2024
Et relaie ce message : sans éducateurs, pas de football ! https://t.co/w2wCeWkUCX
Chez les séniors, des sanctions existent contrent les débordements sur et en dehors des terrains avec, par exemple, des retraits de points. Chez les jeunes, ce levier d'action n'existe pas.
Jean-Marc Sentein le président du district haut-garonnais ne peut que constater cette montée des violences. "Pour tout le comité, ça a été un vrai choc. Malheureusement depuis 4-5 ans, les éducateurs sont agressés verbalement au bord du terrain, par SMS ou même physiquement comme à Colomiers. Là on a dépassé l’entendement. Des agressions à domicile avec des actes criminels, c’est intolérable et on l'a très mal vécu."
Le club de Colomiers (800 licenciés) qui compte quasiment toutes les équipes au plus haut niveau a pris également le problème par les cornes. Tous les terrains sont vides depuis l'agression des deux éducateurs et la reprise est seulement prévue pour le 12 novembre. "Ce sont des événements tragiques et heureusement très rares, reconnaît le manager général Patrice Maurel. Deux des nôtres ont vu leur véhicule incendié dans la même nuit (NDR ; du 28 au 29 octobre) en une heure et sur deux villes différentes. À Colomiers, la voiture de Kader a été incendiée et aurait pu mettre le feu à sa maison. Avec son épouse et ses 4 enfants, ils n'ont pas pu sortir. C'est terrible et ça nous a fait très mal. Dès le lendemain, ils ont participé à un très gros tournoi U11 et ils l'ont gagné. Mais depuis, ils ne sont pas bien. Éducateur, c’est un engagement de tous les instants. On ne peut pas mettre notre intégrité physique en danger."
L'un des deux éducateurs n'a pu regagner son domicile. Une cagnotte en ligne a été lancée pour soutenir Kader et sa famille.
Voir cette publication sur Instagram
Le syndrome Mbappé
Des tensions, des violences, souvent causées par les parents qui se projettent et qui voudraient bien que leur progéniture brûle les étapes. Et si en plus ils pouvaient leur ramener de l'argent ! C'est ce que constate Patrice Maurel. "La gestion de la frustration est de plus en plus compliquée. On ne respecte que la victoire. Or, l’échec est plus important que la victoire. La formation d’un enfant, c’est sur le long terme, c’est un chemin."
Malgré l'entêtement, l'acharnement aveugle des parents, il faut garder les pieds sur l'herbe : seulement 1% des licenciés deviennent des joueurs professionnels de foot.
Tout le monde voudrait prendre la place des parents de Kylian et Ethan Mbappé mais jouer au Real de Madrid ou à Lille n'est sûrement pas à la portée de tous les gamins. "Les parents inculquent de la compétition dès le plus jeune âge alors qu’on est dans le foot animation, constate Jean-Marc Sentein. C’est avant tout du plaisir. Tous les territoires disent que depuis 5-6 ans, on assiste à une montée en pression, surtout chez les jeunes. On essaie de combattre ça avec des actions. On aimerait que la Fédération nous aide."
Comme le phénomène n'est pas nouveau, des pancartes se trouvent déjà dans l'enceinte des stades.
Moins de violence, plus de pédagogie
Ce week-end, plusieurs clubs vont organiser des rencontres extra-sportives avec les parents, les enfants et les éducateurs. Des moments d'échanges devenus rares et qui deviennent urgent pour enrayer ce fléau. Il y a 2 ans, le district de foot de la Haute-Garonne avait fait ce clip "Touche pas à mon foot" pour lutter contre les incivilités. Il devrait être diffusé ce week-end.
Plusieurs actions de ce type ont eu lieu pour protéger les arbitres par exemple. Les ligues et les districts ont déjà envoyé des outils. "Tous les clubs, tous les éducateurs auront un fascicule ou des vidéos éducatives pour faire prendre conscience à tout le monde que le foot est un plaisir. L’éducateur est le pilier du foot amateur et il faut le soutenir."
Retour aux fondamentaux pour le foot amateur. Un week-end sans compétition mais dans la discussion. Comme un entraînement aux civilités et un décrassage de toutes les violences.