Mercredi 19 octobre, le laboratoire pharmaceutique Merck a annoncé sa propre mise en examen pour "tromperie aggravée" dans le volet pénal du changement de formule du médicament Levothyrox. Une victoire pour les patients, nombreux en Haute-Garonne.
Le laboratoire Merck revient face à la justice dans l'affaire du Levothyrox. Ce mercredi, la filiale française du laboratoire pharmaceutique allemand a annoncé sa propre mise en examen "pour tromperie aggravée" dans le dossier du changement de formule du médicament.
Dans un communiqué rendu public par l'AFP, le groupe indique que "le président de Merck en France a été entendu" mardi pôle santé du tribunal judiciaire de Marseille. A l'issue de cette audition, "la juge d'instruction a décidé de mettre la société Merck en examen".
Des excipients incriminés
La mise en examen porte sur les "modalités d'information mises en place au moment de la transition de l'ancienne à la nouvelle formule en 2017" pour ce médicament prescrit contre l'hypothyroïdie, indique le labo. C'est sa nouvelle composition qui a été mise en cause. Des excipients qui n'existaient pas dans l'ancienne formule ont été incriminés à partir de mars 2017 par environ 31.000 patients souffrant notamment de maux de tête, insomnies, de vertiges.
"C'est une très bonne nouvelle. On avance ! réagit Sylvie Chéreau, du collectif des victimes du Levothyrox en Occitanie, le premier à avoir vu le jour en France, dès 2017. C'est une excellente nouvelle. Je reçois plein de messages : "enfin ! On y croit !", "On n'a pas été des nocébos*"... parce qu'on nous a reproché de nous faire des idées. On nous a dit que c'était une histoire d'adaptation, de dosage, de temps... Agnès Buzin a même dit que c'était un médicament d'une "excellente qualité"".
Tromperie aggravée
"Or, il a été modifié après avoir été testé sur 200 personnes sur 4 jours, des hommes en bonne santé en Afrique du Sud alors que ce sont principalement des femmes à qui il était prescrit.... Un médicament vital, non substituable, à marché thérapeutique étroit, en 2017, alors qu'à l'époque, il n'y avait aucune alternative !"
Une enquête pénale pour tromperie aggravée, homicide et blessures involontaires a été ouverte en 2018. Elle est toujours en cours. "Cette mise en examen ne concerne en aucun cas la qualité de la nouvelle formule du Levothyrox", assure le laboratoire Merck, soulignant vouloir "apporter toute précision nécessaire afin de faire établir qu'aucune infraction pénale, de quelque nature que ce soit, n'a été commise."
Connaître la vérité
Sylvie Chéreau se félicite, elle, que le volet pénal avance : "jusque-là on attendait et on avait le sentiment que les choses s'enlisaient. On a l'espoir aujourd'hui de connaître la vérité, de savoir quels ont été les manquements des uns et des autres. Merck dit ce qu'il veut mais une mise en examen, cela signifie que nous, victimes, sommes entendues. Et j'ai envie de remercier la juge d'instruction pour le travail qu'elle a accompli pour arriver à ce résultat".
"Ça résume des années de souffrance, ça résume des années de procédure, ça résume des années d'angoisse, a réagi Me Jacques Lévy, son avocat et celui d'autres victimes de cette nouvelles formule. Nous sommes ravis de voir qu'enfin cette instruction va déboucher sur au moins des explications du laboratoire Merck qui jusqu'à présent se défend pied à pied mais n'arrive pas à nous donner d'explications sur les troubles subis par les malades, troubles qui ont eu des conséquences dramatiques".
Nouveau départ
"Pour les avocats des parties civiles que nous sommes, le combat continue, a quant à lui expliqué Me Christophe Leguevaques. On va se battre pour que l'homicide involontaire et la mise en danger de la vie d'autrui soient reconnus. On verra si nous avons suffisamment d'éléments, on verra ce que décide le juge d'instruction. Mais ce n'est pas une fermeture de la procédure avec la mise en examen, c'est un nouveau départ pour permettre à toutes les parties présentes, que ce soit Merck mais aussi toutes les victimes et les associations de s'exprimer et d'échanger devant le juge qui tranchera".
Dans le volet civil du dossier, la Cour de cassation avait rejeté en mars le pourvoi du groupe, condamné en 2020 à indemniser plus de 3.300 utilisateurs ayant souffert d'effets secondaires à la suite du changement de formule. Dans son arrêt, la plus haute juridiction française avait estimé que "lorsque la composition d'un médicament change et que cette évolution de formule n'est pas signalée explicitement dans la notice, le fabriquant et l'exploitant peuvent se voir reprocher un défaut d'information", pouvant "causer un préjudice moral".
*Nocebo : Selon l’Inserm, on parle d’effet nocebo lorsque l’effet psychologique ou physiologique associé à la prise d’une substance inerte engendre des effets délétères pour l’individu. À l’inverse, suite à la prise d’une substance inerte, l’effet placebo est lui associé à des bénéfices.