Licenciement de Kader Belarbi, directeur du ballet de Toulouse : "on ne remet pas en cause le talent mais les méthodes"

Le chorégraphe et ancien danseur étoile de 60 ans qui dirigeait le ballet du théâtre-opéra national du Capitole de Toulouse depuis août 2012, a été licencié pour "défaillances managériales" graves. Comment en est-on arrivé là ? Eléments de réponse.

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Le célèbre chorégraphe Kader Belarbi a été licencié de ses fonctions de directeur du ballet du théâtre-opéra national du Capitole de Toulouse pour "défaillances managériales" graves. Yves Sapir est délégué CGT au sein du Théâtre du Capitole et destinataire de témoignages.

Pour lui, ce licenciement n'est pas une surprise. Il s'en explique au micro de Rémi Surrans.

Yves Sapir : nous n’avons pas vocation à réagir à des questions d’ordre artistique, on n’est pas là pour porter un jugement sur Mr Belarbi, sur ses qualités de danseur ou de chorégraphe. On a réagi en tant qu’organisation syndicale par rapport à des motivations de licenciement qui nous semblent fondées et qui reposent sur des éléments qu’on avait déjà évoqués à de nombreuses reprises avec la métropole de Toulouse.

Plainte, puis enquête interne

Ce n’est pas une surprise, les faits qui sont dénoncés, on les connaissait. Il y a eu un signalement auprès du procureur par un ancien danseur. Si les faits qui sont évoqués dans cette plainte ne sont pas à l’origine de ce licenciement, cela a motivé une enquête interne. C’est au cours des investigations, avec des témoignages de personnes qui attestaient d’un certain nombre de faits graves, qu’ils ont tiré un certain nombre de préconisations. Ces dernières ont été adressées aux responsables de l’établissement public théâtre orchestre, qui ont jugé qu’au regard de ces faits objectifs, il y avait lieu de procéder au licenciement de Mr Belarbi.

Ce n’est pas l’artiste qui est licencié, mais le directeur musical par rapport à ses prérogatives, l’autorité qu’il a sur un certain nombre de danseurs, et certainement des comportements inappropriés et des formes de management qui, aujourd’hui, ne sont plus acceptables à notre époque.

Souffrance au travail des artistes

Sur les deux dernières années, il y a eu 15 départs de danseurs sur 35. Mais je vais même plus loin : dès 2018 nous avions alerté sur ce turn-over. Chaque saison, c’est une dizaine de personnes qui partait sur un effectif de 36 danseurs. Cela participe au constat que l’on a pu faire sur les difficultés managériales et de la souffrance au travail de ces artistes.

Dans l’esprit de beaucoup de gens, le talent et les arts, passent par la souffrance, la précarité, la peur du lendemain. Je pense qu’on est, aujourd’hui, dans une nouvelle période qui fait qu’on prend en compte un certain nombre d’exigences : lutte contre les discriminations, refus des violences verbales ou physiques, atteinte au droit des personnes, des formes d’emprise toxique. Tout ça, on le voit émerger dans tous les secteurs de notre société.

Et ce qu’il se passe avec Mr Belarbi, c’est un signal en direction de toutes les personnes qui ont cette vision complètement archaïque de ce qu’est la pratique des arts, qui montre qu’aujourd’hui, c’est fini. Il faut que ce soit fini et que les artistes eux-mêmes s’en persuadent.

On a eu des témoignages de personne qui revendiquaient d’avoir été battus quand on leur enseignait la danse. Ceci est totalement inacceptable, c’est d’un autre temps.

Yves Sapir, délégué CGT du théâtre du Capitole

La décision de la métropole va dans le sens de l’histoire, dans le sens de dire aux artistes : "nous sommes dans une République, pas dans un lieu où tout est permis parce qu’on a du talent". Le talent n’excuse pas tout. On ne remet pas en cause le talent, mais les méthodes.

Vers un changement des mentalités dans l’univers artistique ?

Je pense qu’il y a des revendications hommes/femmes, il y a des méthodes de pression dans le cadre de l’enseignement. Je pense qu’on est dans un mouvement irréversible et nous artistes, nous souhaitons participer à ce mouvement de déontologie.

On ne remet pas en cause le rapport hiérarchique au sein du travail, on n’est pas là pour faire de l’autogestion. Il y a des directives, des personnes qui ont la responsabilité de mener à bien un projet et il n’est pas question de remettre en cause leurs prérogatives. Par contre, ils doivent être exemplaires.

Le monde de la danse, parce que c’est un petit cercle, est frappé par une forme d’omerta, et il y a des choses qui ne se disent pas. On est à un moment où cette omerta commence à se fissurer et je pense qu’il faut continuer à lutter. Parfois on n’est pas compris, on nous dit "comment vous pouvez vous en prendre à une personne d’une telle notoriété, d’un tel talent", mais je le redis : celui qui est condamné ce n’est pas l’artiste, c’est le directeur.

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