Au lendemain de son prix Nobel, le Toulousain Jean Tirole est également la cible de pas mal de critiques, notamment à gauche : il est notamment qualifié de néolibéral dogmatique par certains.
L'état de grâce aura été de courte durée pour Jean Tirole. Au concert de louanges et de félicitations jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, a succédé une pluie de critiques, émanant de confrères économistes ou de politiques essentiellement de gauche. C'est le néolibéralisme supposé du directeur de la Toulouse School of Economics (TSE) qui irrite.
"J'aurais préféré que ce soit (Thomas) Piketty" : ce cri du coeur de l'économiste Florence Jany-Catrice, professeur à Lille, lors d'un colloque mardi au ministère des Finances, résume assez bien la méfiance de certains chercheurs et commentateurs de gauche.
C'est "l'un des plus brillants représentants de l'économie néolibérale, un des plus fervents défenseurs de la logique du marché concurrentiel contre les insupportables interventions étatiques, contre le droit du travail" estime à son tour l'économiste Jean Gadrey. Il estime sur son blog que Jean Tirole a favorisé des "liaisons dangereuses entre la recherche et le capitalisme financier" en faisant la part belle aux deniers des entreprises pour faire fonctionner son école basée à Toulouse.
Laurent Mauduit, le cofondateur du site d'information Médiapart le décrit lui comme "l'un des principaux promoteurs en France de l'OPA du monde de la finance sur l'enseignement et la recherche économique de pointe à l'université" dans un billet intitulé "Jean Tirole, le prix Nobel des imposteurs de l'économie".
Le collectif Attac épingle de son côté "le caractère inadapté et dangereux des analyses de Jean Tirole et du courant de pensée qu'il représente : un néolibéralisme dogmatique pour lequel la fonction économique essentielle de l'État est d'étendre la logique des marchés à l'ensemble des domaines de la vie sociale".
Ce qui est reproché à Jean Tirole ce sont surtout ses prises de positions datant de 2003 sur le marché du travail et ses prescriptions qui consistaient à supprimer le CDI pour inciter les entreprises à embaucher.
Ce spécialiste de la microéconomie ne fait donc pas l'unanimité. Sa spécialité est de décortiquer les mécanismes de concurrence, en recourant si besoin à la psychologie : comment les entreprises fixent-elles les prix ? De quelles informations disposent les autorités de régulation ? Comment et dans quelle mesure surveiller les banques ? Que se passe-t-il en cas de privatisation ?. Des sujets qui peuvent paraître bien éloignés de la préoccupation sociale du moment : le chômage.
Mais la presse étrangère trouve tout de même des qualités à l'intéressé : le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung a ainsi écrit qu'il avait "fait baisser les prix de l'avion et du téléphone". Pour le magazine The Economist, ses recherches "aident à produire des stratégies empêchant Google d'agir comme un monopole".