"On est en France ici, vous savez la France ! ", une kiné porte plainte contre ses pairs pour propos racistes, sexistes, blessants et humiliants

Une kinésithérapeute toulousaine porte plainte contre ses pairs avec constitution de partie civile pour propos "racistes, sexistes, blessants et humiliants". Des propos qui auraient été tenus lors d'un entretien où elle était convoquée par le conseil de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes de Haute-Garonne.

"Je suis sortie de là, je n'ai pas pu travailler, c'était humiliant. J'en ai pleuré".  Le 13 octobre 2023, Keyidi Myaro, ostéopathe kinésithérapeute, installée à Toulouse en Haute-Garonne est convoquée par le Conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes au sujet d'une publication sur les réseaux sociaux. C'est suite à cet entretien de plus d'une heure qu'elle a décidé de porter plainte contre l'ordre pour "propos racistes, sexistes, blessants et humiliants"  auprès du procureur de la République, le vendredi 9 février 2024. 

À l'origine de sa convocation, une publication qu'elle a sponsorisée sur les réseaux sociaux. Keyidi qui a suivi ses études de kinésithérapie en Belgique, déclare qu'elle veut travailler "pour le bien de l'humanité" pour valoriser ses techniques de travail. Elle y a déroulé son curriculum vitae où il est fait mention qu'elle a notamment reçu un prix du conseil scientifique en ostéopathie. "Une concurrence déloyale envers les confrères", aurait estimé l'ordre représenté par quatre hommes, dont son président Fabrice Hennion, s'appuyant sur un décret. La professionnelle de santé aurait acquiescé et proposé de la supprimer en précisant que de nombreux collègues en font de même. 

Dans cette publication, elle y mentionne sa nouvelle méthode "innovante" pour la prise en charge globale du patient dans laquelle elle expérimente les chorégraphies thérapeutiques et la thérapie du mouvement. 

Une pratique évoquée par France 3 Occitanie dans un article en mars 2021 et qui fait débat au sein du conseil de l'ordre. Elle a en effet ouvert un centre pluridisciplinaire pour l'exercer au sein du quartier des Minimes. 

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Selon la kiné, l'entretien aurait pris une drôle de tournure quand l'un des plus jeunes de ses pairs lui aurait lancé : "Ça va les chevilles ?  Mais vous vous êtes pris pour qui ?  Pourquoi vous avez pris la grosse tête comme ça ?" Ça a été comme ça pendant plus d'une heure", affirme la professionnelle de santé qui a eu le sentiment d'un acharnement. Ce rendez-vous se déroule aussi dans des conditions personnelles particulières, reconnaît-elle. Il intervient un mois après le décès d'un membre de sa famille. "Je les ai prévenus que j'étais très fatiguée et éprouvée par la mort de ma sœur décédée à peine un mois plus tôt, c'est pourquoi j'ai demandé à une amie de m'accompagner. Même elle est intervenue au cours de la réunion pour leur demander d'arrêter ! Elle est prête à témoigner en ma faveur", annonce-t-elle. 

Sa mention remise en cause

Autre " grief" que lui aurait signifié le conseil de l'ordre : l'affichage sur les réseaux sociaux de la notion "haute distinction" en évoquant son diplôme obtenu en Belgique, l'équivalent de la mention "très bien" en France. " Ils me disent, c'est quoi cette haute distinction, qu'est-ce cela veut dire ? Vous n'avez pas à mettre ça sur les réseaux. Et puis, l'un d'eux a ajouté : "Mais vous vous croyez où ?"  Keyidi Myaro affirme que le conseil de l'ordre lui aurait aussi reproché d'afficher le fait d'enseigner sa méthode à l'école de kiné : " vous n'êtes pas professeur" , lui aurait asséné le président du conseil de l'ordre avant d'ajouter : "Vous croyez que vous êtes où ? Ici, vous êtes en France ! Vous savez la France tout en faisant le dessin de la France alors que c'est mon pays ! ", s'indigne Keyidi Myaro, outrée. 

Mise en garde

D'origine tchadienne, cette ancienne handballeuse de haut niveau a été naturalisée à 18 ans. Elle les met alors en garde sur de tels propos. "Oh, ça va, vous avez n'allez pas nous faire le coup de la femme noire !" se serait-elle vu répondre. On lui aurait aussi demandé ensuite "d'où lui vient cette confiance en elle" poursuivant une conversation qui n'a rien à voir avec les motifs pour lesquels elle a été convoquée. Keyidi se serait sentie obligée d'évoquer son histoire personnelle, ce qui l'a poussé à se diriger vers le soin. "Pendant que je parlais, certains rigolaient ! " décrit-elle avec le sentiment d'avoir passé un très mauvais moment. A la fin du rendez-vous, alors que son amie qui l'accompagnait s'offusque de sa teneur, Keyidi se serait vu attribuer une petite tape sur l'épaule : " Ça va, vous avez l'habitude, vous, Mme Myaro."

À la sortie, son amie lui propose de tout consigner par écrit pour ne rien oublier de cet échange hors norme. Après avoir consulté autour d'elle, la professionnelle demande à son tour à être de nouveau convoquée devant ses pairs. Elle y va cette fois avec un avocat, le 24 novembre 2023. "Cette fois, ils étaient 3 hommes et une femme." Le président aurait pris la parole et émit ce qui ressemblerait à des excuses. "Il a dit que j'étais HPI, que lui aussi, que c'est pour ça que cela a basculé dans l'émotion...  Ils ont même essayé de justifier leurs propos en déclarant que "c'était confraternel que de dire à une consœur qu'elle avait la grosse tête et les chevilles qui gonflent !"  De nouvelles déclarations que son avocat juge "graves", "inadmissibles" et "irrespectueux."

Elle décide de porter plainte

Après ce second rendez-vous, Keyidi Myaro prend le temps de la réflexion et décide finalement de porter plainte. 

"Comme je le dis à mes patients quand quelque chose ne passe pas cela devient pathologique. Et moi, je n'ai pas envie de me déclencher un cancer. J'ai 46 ans, je n'ai pas à me justifier sur mon parcours, ni sur ma confiance en moi !" D'autant qu'elle se rappelle d'autres propos qu'auraient tenu des membres du même conseil de l'ordre lors de son tout premier entretien, il y a plusieurs années. "On m'a dit : Si cela se passait si bien en Belgique, il fallait y rester. La personne s'est excusée à la fin, cette fois-là."  Mais pour la professionnelle de santé, la coupe est désormais pleine.

Joint par France 3 Occitanie, le Conseil de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes de Haute-Garonne n'était pas encore informé du dépôt de la plainte et de son contenu, selon son président Fabrice Hennion. Il attend d'en prendre connaissance et de décider s'il réserve sa réponse à la justice. 

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