Portrait. Route d'Occitanie. Daniel Mangeas speaker depuis 1982 : "Un métier, on l'exerce. Une passion, on la vit"

Il restera le speaker du Tour de France : 874 étapes commentées en 41 ans ! Il a posé le micro de la grande boucle en 2014 mais il continue de parcourir la France. A 74 ans, la retraite il ne connaît pas. Depuis 1982, il officie sur la Route d'Occitanie (15 au18 juin en direct sur France 3 Occitanie). Rencontre...

"J'en fais encore beaucoup !" Si Daniel Mangeas a arrêté le Tour de France, Paris-Nice et Paris-Roubaix, il a encore comme il dit "un volet de courses important. Quand on aime, on ne compte pas !

Depuis le début de la saison, il a enchaîné l'Etoile de Bessèges, les 4 jours de Dunkerque, les Boucles de la Mayenne et plusieurs courses en Bretagne avant de se rendre au Tour d'Eure-et-loire la semaine dernière : "j'y ai vu un jeune français s'imposer, 18 ans et demi, Noa Isidore. Retenez bien ce nom-là, c'est un futur grand."

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Vous ne vous arrêtez jamais. Comment faites-vous à 74 ans ?

Un métier, on l'exerce. Une passion, on la vit. Mais je me prépare à ralentir sérieusement. Les championnats de France 2024 auront lieu dans mon village à Saint-Martin-de-Landelles (Manche). Je pense qu'après je continuerais à animer, je me suis fait tellement de copains mais je partirais un peu moins quand même.

Quand j'étais petit, je prenais un tube d'aspirine et je commentais le Tour de France.

Daniel Mangeas

Mais on ne peut pas arrêter d'un seul coup, ça fait partie de mon ADN. Peu de personnes ont la chance de faire toute leur vie ce qu'il rêvait de faire lorsqu'ils avaient 3 ou 4 ans et moi c'était mon cas. Quand j'étais petit, je prenais un tube d'aspirine et je commentais le Tour de France, ce sont mes parents qui me l'ont raconté. Et les premiers mots que j'ai dits après papa et maman, c'est Robic et Bobet (NDLR: grands coureurs cyclistes des années 50) !

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Comment faites-vous pour garder votre voix toute l'année ?

Je fais attention. Le soir, je me couche très tôt sinon les cordes vocales fatiguent. Je suis allé voir mon ORL et il m'a dit qu'il n'avait jamais vu des cordes vocales aussi musclées. C'est qu'elles doivent bien se porter. Mais j'ai horreur de m'écouter !

Même pas un peu de miel ?

Oui, j'ai toujours un pot de miel à la maison et ce que j'adore, c'est le fromage blanc avec du miel. Je trouve que ça lisse les cordes vocales et ça permet de les garder toniques et efficaces.

Un coureur vous a-t-il marqué plus que d'autres ?

Moi, c'est Eddy Merckx. Je suis arrivé avec lui sur le Tour de France en 1974 et je me souviens en partant de Brest, c'était la veille du départ. J'entends un murmure, la foule était là, c'est Eddy Merckx qui passait. On avait l'impression que c'était un Dieu vivant, il y avait un murmure d'admiration dans tout le public. Eddy Merckx avait un charisme exceptionnel.

Et l'autre qui m'a aussi épaté, c'est Bernard Hinault par sa volonté exceptionnelle. Pour lui, il était le plus fort. Je vais vous raconter une anecdote. Un jour je demande à Bernard Thévenet : "mais ça doit être grisant d'entendre le public scander son nom ?" Bernard me répond "oui, ça me donnait la chair de poule, j'avais les poils qui se dressaient quand j'entendais dans les cols tout le public qui scandait mon nom." Bernard Hinault ne m'a pas du tout donné la même réponse : "Non, moi, j'y pensais pas du tout. J'étais en train de penser que le coureur derrière était en train d'en baver."

Que pensez-vous du métier de coureur cycliste ?

Il y a presque 20-30 ans, faire du vélo était ringard, ça revient à la mode. Pour moi, c'est le respect qui vient en premier. Au football, on peut passer la balle au voisin si on n'est pas très bien. Si on fait 2-3 belles passes lumineuses dans le match, même si on n'a pas été brillant, on est admiré alors qu'un coureur cycliste s'il est mal, il est mal et il y a beaucoup d'humilité qui ressort de ce métier parce que les coureurs savent que s'ils ont réalisé une belle étape, le lendemain ne sera peut-être pas du même parfum. 

Donc, pour moi, c'est courage, humilité, ténacité et les risques aussi quand on les voit descendre les cols à 80-90 km/h. Je pense plutôt que d'être décrié, le cycliste doit avant tout être admiré et respecté.

Vous parlez de risques. Je crois que votre pire souvenir sur le Tour de France, c'est la mort de Fabio Casartelli mort dans la descente du Portet-d'Aspet (Haute-Garonne) le 18 juillet 1995 ?

Ce matin-là, à Saint-Girons (arrivée finale cette année de La route d'Occitanie), Fabio est arrivé tout seul au podium parce qu'il n'y avait pas la présentation des équipes comme maintenant, les coureurs venaient comme ils avaient envie. Je l'ai présenté en m'adressant au public " regardez ce jeune homme, c'est le grand champion de demain, il est champion olympique, retenez bien son nom !" On s'est serré la main, tapé sur l'épaule. Nous avons échangé quelques mots et il est parti.

Dans la voiture qui m'amène à l'arrivée, par la radio, Jean-Marie Leblanc, directeur de course nous apprend la mort de Casartelli. Là, je me suis dit: "on est présenté au public et trois heures après, on n'est plus de ce monde". Ca fait prendre conscience du côté éphémère de la vie. Il était dans le bonheur le matin et sa famille était dans le deuil le soir.

Pour moi, c'est l'étape la plus horrible que j'ai vécue. Je l'ai vécu aussi sur Paris-Nice le 12 mars 2003 avec Andreï Kivilev, un garçon attachant. Ce sont des drames que l'on ne veut pas revivre.

Depuis quand venez-vous sur la Route d'Occitanie ? 

Cela fait plus de 40 ans. Depuis 1982 et la victoire de Francesco Moser. Depuis, je n'en ai pas manqué une seule. Moi ici, je rends visite à des amis, à une famille. Les organisateurs ont été précurseurs. Il y a une année, le vainqueur recevait une voiture. C'était la course la plus dotée. Organisé en Bretagne, c'est facile, c'est le pays du vélo alors que là, on est plus dans la région du rugby et ils ont réussi à faire une course qui a une forte identité et qui est le dernier rendez-vous avec la montagne avant le Tour de France.

C'est la dernière occasion pour ceux qui ne sont pas encore sur le Tour de France de se mettre en évidence et d'obtenir leur sélection. Il y a vraiment un enjeu. Souvent, les cols ont d'abord été franchis par la Route d'Occitanie avant de l'être par le Tour de France. C'est une sorte de laboratoire des parcours.

C'est une course qui est devenue grande et elle a conservé la convivialité qu'elle avait au départ. J'ai plaisir à retrouver des bénévoles que je connais pour certains depuis plus de 30 ans. 

Et puis, j'ai fait 41 Tour de France et j'ai toujours préféré les Pyrénées aux Alpes parce que je les trouve plus authentiques. 

Comment vous préparez-vous ?

D'un côté, c'est plus facile. Avant, il fallait suivre tous les résultats, avoir tous les journaux. Maintenant, il y a internet. Mais d'un autre côté, il y a plus de travail parce qu'avant je présentais 300-400 coureurs maximum alors que maintenant il y en a 3000. A chaque course, on a les mêmes équipes mais pas les mêmes coureurs. Avant, sur les 4 jours de Dunkerque, le Midi libre, le Dauphiné et le Tour de France, j'avais les mêmes coureurs.

Quel est votre programme après la Route d'Occitanie ?

Les championnats de France à Cassel, quelques jours en Norvège et je reprends après le Tour de France avec les critériums (Lisieurs, Dijon, Dôle ..), le Tour du Limousin, le Tour de Poitou-Charente, le Grand prix de Plouay.... Une fin d'été bien garnie."

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