Retour d'Antoine Dupont : "Je crains qu'un retour précipité soit conditionné par des intérêts autres que sportifs" selon Lucien Mias, légende du rugby

La décision concernant le retour d'Antoine Dupont sur le terrain de rugby fait débat, suscitant des inquiétudes quant à sa santé et des questions sur les motivations sous-jacentes. Lucien Mias, figure emblématique du rugby français, exprime ses préoccupations et ses arguments dans cette analyse approfondie.

Et si c'était trop tôt ? Et si un retour anticipé finalement n'était pas une bonne chose pour l'équipe ? Est-ce véritablement dans l'intérêt du joueur ? Est-ce finalement le système qui pèse davantage que l'homme ? Dans le monde du rugby, ces questions ne sont peut-être pas sur toutes les lèvres, mais elles trottent dans la tête de nombreux amoureux du ballon ovale. Toutes concernent une seule personne : Antoine Dupont, blessé à la mâchoire après un choc et opéré afin de pouvoir revenir pour les quarts de finale de la Coupe du monde de rugby. Lucien Mias, légende du rugby français, originaire de Mazamet (Tarn), a un avis bien tranché sur le sujet. Des inquiétudes et un point de vue qu'il a partagé avec le journaliste de France Télévisions Marc Tamon.

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Lucien Mias est une figure emblématique du rugby français, largement reconnu comme l'un des plus grands joueurs de l'histoire du rugby français. • ©Marc Tamon - FTV

Quand l'indispensable devient dangereux

"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé", ce vers du poème "L'Isolement" d'Alphonse de Lamartine, souvent utilisé pour exprimer le vide laissé par l'absence d'une personne chère, ne s'applique pas au rugby selon Lucien Mias. Selon l'ancienne figure du XV de France, aucun joueur ne devrait être considéré comme irremplaçable.

"Je crains que les quelques perspectives optimistes pour un retour précipité de Dupont soient plus conditionnées par des intérêts autres que sportifs (contrats de partenariats, soutien de la mobilisation des publics, publicités médiatisées…) sans tenir compte de la santé du joueur"

L'ancien joueur, mais également médecin, met en garde contre les conséquences potentielles pour la santé du joueur si un retour trop précoce était envisagé.

Le risque d'une qualité de jeu en déclin

"Habituellement, lors d’une fracture, la consolidation est réalisée au bout de quelques mois. S’il joue, un adversaire va cibler volontairement la zone fracturée lors de son plaquage (objectif : massacre de Dupont). On a connu celui de Betsen. Joueur du B O, opéré avec pose d'une plaque au même endroit que Dupont. Il a repris le rugby trop tôt et un deuxième choc au même endroit a aggravé la situation. Dès lors, la médecine sportive française a refusé de lui délivrer le "feu vert" pour la pratique du rugby."

Mais Lucien Mias évoque également les conséquences de cette blessure sur Dupont et son jeu : "s’il rejoue, tant qu’il a des plaques sur la fracture, il va avoir peur de se faire plaquer et ne sera plus qu'un demi de transmission exclusif.(Conséquence : Baisse de la qualité de son jeu). Déjà verrouillé et ligoté par l’adversaire depuis son titre de meilleur joueur mondial. Il ne peut plus s’échapper autour de la mêlée, comme on l’a vu faire il y a quelques années quand il jouait à Castres. Il mettra moins en œuvre ses fonctions annexes (défense, soutien offensif, impact psychologique)."

En tant que médecin, Lucien Mias évoque la responsabilité morale du corps médical dans cette décision de reprise précoce.

La responsabilité médicale

"En tant que médecin, j’aurais honte qu’on ne respecte pas un blessé qui risque de subir lors d’un deuxième choc une explosion de sa fracture avec un retentissement visuel ou cérébral. Celui qui aura donné l’autorisation risque de se voir accusé de « non assistance à personne en danger »."

Enfin, Mias plaide en faveur de la logique sportive en soulignant que sacrifier un joueur blessé au lieu de le remplacer par l'un des remplaçants désignés, comme Maxime Lucu et Antoine Couillou, est illogique. Il rappelle également que le capitaine actuel, Charles Ollivon, a déjà assumé ce rôle avec succès.

Lucien Mias conclut sa réflexion par cette conclusion : "Lors des matchs de rugby, à quinze, ce sont les avants qui gagnent le match, le buteur et les trois quarts peaufinant le score. Les avants blessés sont revenus en temps opportun. Ramos est présent. C’est pourquoi je pense que le XV de France sera Champion du Monde." En espérant que ces paroles de sagesse soient entendues et se réalisent.