Témoignage. Père de famille mais aussi parieur sportif avec ses succès et ses dérives : "J'étais addict mais je misais seulement ce que je gagnais"

Publié le Mis à jour le Écrit par Rémi Surrans

Dans l'univers nébuleux des paris sportifs, il y en a quelques uns qui tirent leur épingle du jeu et qui construisent un joli pécule pour se faire plaisir. C'est le cas de Pascal, parieur depuis 2008, qui a accumulé plusieurs milliers d'euros de gains. Aujourd'hui, il a réduit la voilure, et alerte sur l'addiction engendrée par une pratique trop importante du jeu d'argent.

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Son parcours pourrait faire saliver des milliers de parieurs de l'Hexagone à la recherche de la bonne formule pour être rentable en pariant sur le sport. Pascal* (pseudonyme), âgé de 48 ans et Toulousain, est bibliothécaire. En 2008, il se lance dans les paris sportifs. 

À lire aussi : Paris sportifs. "Un sportif professionnel a quatre fois plus de chances d'être addict", plusieurs joueurs de foot sanctionnés

Une passion pour le football née lors de l'Euro 82

Pas forcément disposé à baigner dans le milieu du sport, car "personne dans ma famille n'aime ça", il devient fan de football à partir de 1982 au moment de la défaite de la France face à la RFA lors de l'Euro. "Depuis, c'est à vie" lâche-t-il dans un sourire. 

Pascal est tellement passionné qu'il consulte les notes des joueurs dans les journaux et les statistiques. "J'avais un petit cahier dans lequel je notais plein de trucs" rembobine-t-il. Il consomme du football très régulièrement.

À l'époque, les paris sportifs sont exclusivement l'affaire de PMU en France. La naissance de bookmakers étrangers démocratisent la pratique dans les années 2000. "Je prends connaissance des paris sportifs et ça m'attire tout de suite, même si je n'avais pas un salaire élevé" se souvient Pascal. "Dans un premier temps, je n'avais pas l’idée d’avoir un revenu secondaire." Il se lance "pour s'amuser" sur une plateforme étrangère, en s'appuyant sur ses notes et les statistiques des rencontres ciblées. 

Il s'informe aussi sur Internet et découvre l'existence de forums. "Je me familiarise avec les codes comme la bankroll (l'argent mise de côté pour parier), le U (somme de base propre à chaque parieur)" détaille le parieur. Comme beaucoup, il apprend, fait "des petites erreurs" en misant trop au début. "J'y passais beaucoup de temps comme j'avais le temps. Je testais des choses, je notais tout sur des fichiers Excel."

Une mise jamais supérieure à 1% de ses économies dédiées aux paris

Et il parvient à être rapidement "efficace". Petit à petit, il construit sa fortune, et en est lui-même "surpris" confie-t-il modestement. Il décrit sa technique, appliquée sur les matchs de football et de rugby.

"Je ne misais pas plus de 1% de ma bankroll, qui était de 2 000 euros, pour chaque pari. Souvent je combinais plusieurs matchs de rugby en ciblant les écarts de points (entre 1 et 12) en faveur d'une équipe. Ces rencontres étaient très serrées il y a quelques années et les bookmakers étrangers n'en tenaient pas forcément compte" développe-t-il. Il fait pareil en misant sur les handicaps des matchs de football (dans ce type de pari, une équipe part avec une avance ou un retard en amont du match). Tout ça sans excéder 100 euros de mise. 

Les trois premières années, Pascal accumule près de 30 000 euros. Une somme inespérée. "Je restais raisonnable et j'ai réussi grâce à une gestion rigoureuse de ma bankroll. J'ai toujours fonctionné comme cela" savoure-t-il sans fanfaronner. Ce gain lui permet de payer l'intégralité de son mariage et une partie de sa maison. Un luxe. 

La suite ne sera pas aussi flamboyante. Avec la délivrance de plusieurs agréments en faveur de nouvelles plateformes en France, les cotes diminuent de manière générale. "Entre 20 et 30 centimes" décompte Pascal, en particulier certaines options qu'il ciblait spécifiquement. Très vite, il constate qu'il ne peut plus atteindre les sommets. 

Avec l'arrivée des enfants, j'y consacrais moins de temps et c'était compliqué de tout suivre au quotidien. Le rendement était moindre et je me suis tourné vers d'autres centres d'intérêts.

Pascal, parieur

à France 3 Occitanie

"Je repars de zéro avec une plus petite bankroll. Et je constate que les algorithmes sont bien plus puissants et qu'il est beaucoup plus difficile de gagner. Les cotes proposées reflètent la réalité. Je ne suis donc plus en mesure de gagner sur le long terme" analyse-t-il. Il se diversifie et s'intéresse au tennis mais "ça ne marche pas autant qu'avant". Jusqu'à être globalement à l'équilibre lors des trois dernières années. 

"J'étais en contrôle car je n'étais pas prêt à m'endetter"

Ce parcours vers le succès ne s'est pas déroulé sans accrocs pour Pascal, qui avoue sans honte quelques abus. "Au début, quand je voyais que ça fonctionnait, je comptais beaucoup dessus. Je gagnais le SMIC donc je me mettais pas mal de pression. Parfois, j'avais des coups de colère quand ça ne se passait pas comme prévu" admet-il. 

Un excès d'émotion qui s'est parfois mélangé à de l'addiction. "Oui, j'étais addict mais je ne misais que de l'argent que j'avais gagné" promet-il. "J'étais en contrôle car je n'étais pas prêt à m'endetter. Mais les paris m'ont parfois pourri la vie : pendant un restaurant entre amis, je regardais le résultat d'un match qui se disputait. Je pouvais couper des conversations pour consulter des cotes. Ce sont des pensées parasites, j'étais tout le temps en train de réfléchir." Des dérives aujourd'hui derrière lui. 

Peu enclin à évoquer sa pratique des paris au sein de sa famille, il a pu compter sur la discrétion de ses proches. "Je n'en ai pas parlé à grand monde, car ce n'est pas un milieu valorisant, il y a de la méfiance. Ma femme était un peu septique mais elle m'a laissé faire comme je gagnais. Aujourd'hui, elle est plus réticente car elle voit que ça marche moins" narre-t-il. 

"95% des parieurs sont perdants"

Il est toujours connecté à certains forums à la recherche d'un bon coup. Mais ses paris n'excèdent plus "5 ou 10 euros, entre trois et cinq fois par semaine" assure-t-il. Une limite fixée depuis juillet, même s'il ne s'interdit pas de reprendre un peu plus dès janvier "tranquillement, sans pression". 

À travers son riche parcours, Pascal met en alerte les jeunes générations, cibles prioritaires des plateformes sur les réseaux sociaux ou dans les spots publicitaires. "95% des parieurs sont perdantsIl ne faut pas compter sur l'argent gagné pour s'enrichir durablement, ne pas mettre sa vie sociale de côté" sait-il. "Surtout, ne pas s'isoler, et faire attention sur X (anciennement Twitter) car beaucoup de comptes proposent des abonnements en promettant des gains sans avoir des vrais bilans."

Un regard à la fois critique et lucide de celui qui a vu évoluer toutes ces plateformes depuis 2010. Comme beaucoup de fans de sport, Pascal voit graviter ces sites de paris partout. Il trouve "malsain" qu'ils puissent sponsoriser des compétitions. Et pointe le "danger" dans lequel se mettent certains joueurs, qui ne savent plus s'ils gagnent de l'argent ou s'ils sont simplement en train de rembourser leurs dettes. 

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