Toulouse : 6 mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 10.000 euros requis contre l'imam Mohamed Tataiat, jugé en appel

L’imam de la mosquée d’Empalot était jugé en appel ce lundi 30 mai 2022 devant la Cour d’appel de Toulouse. Il est poursuivi pour "provocation à la haine raciale" après un prêche tenu en décembre 2017. A l’issue d’une journée de débats, la Cour a requis 6 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'une amende de 10.000 euros à l'encontre de Mohamed Tataiat.

Mohamed Tataiat porte un costume bleu ciel, de petites lunettes fines et ne se départit jamais d’un grand sourire. Face à lui, les avocats des parties civiles qui sont nombreuses pour ce procès en appel. Une dizaine au total, comme lors du premier procès en juin 2021. Parmi elles, SOS Racisme, la LICRA ou encore le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme.

Le procès en appel s’ouvre sur l’interrogatoire de l’imam de la mosquée d’Empalot. Il va occuper la Cour pendant quatre bonnes heures. En cause ? Un prêche prononcé en arabe par Mohammed Tataiat le 15 décembre 2017 devant plusieurs centaines de fidèles et diffusé ensuite sur les réseaux sociaux. Ce qui a valu à cet homme d'être poursuivi pour "provocation à la haine raciale". Et relaxé en première instance en septembre 2021.

Lors de ce prêche, l’imam fait référence à un hadid (parole du Prophète), sous-titré en anglais dans la vidéo incriminée. Voici ce qu’il dit : « Le prophète Muhammad nous a parlé de la bataille finale et décisive : le jugement dernier ne viendra pas jusqu’à ce que les Musulmans combattent les Juifs  (…) Les Juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres et les arbres et les rochers diront « musulman, serviteur d’Allah, il y a un juif qui se cache derrière moi, viens le tuer ».

L’interrogatoire – interminable - tourne en rond et prend les apparences parfois d'une exégèse du Coran ou d'un débat théologique. Mohamed Tataiat a requis la présence d’un traducteur pour pouvoir répondre en arabe. La tension est palpable, la traduction semble incomplète. Un des avocats de la défense s'agace : "L'interprète... interprète"...

A la barre, l’imam d’Empalot cherche à se justifier. Il rappelle le contexte international pendant lequel ce prêche a été prononcé. "À l’époque, les États-Unis avaient annoncé le transfert de leur ambassade de Tel Aviv vers Jérusalem. Ce qui à l’époque avait suscité de vives tensions dans le monde arabe" explique t'il à la barre. "Ce hadid (cf plus haut) n’est pas un ordre, c’est pour éclairer les gens. Je voulais dissuader mes auditeurs pour qu’ils ne se lancent pas dans des violences. Il ne faut pas contribuer à la dégradation des relations entre humains… Ce hadid n’est pas un appel à la haine, mais un avertissement pour qu’on en vienne pas à la fin du monde… ".

Des propos "mal interprétés" 

"Pourquoi n’avez-vous pas expliqué le sens de ce hadid ? " l’interpelle un avocat des parties civiles, pas franchement convaincu par les explications du prévenu. "Il y a 24 hadid qui évoquent la fin du monde" se justifie difficilement l’imam, qui regrette du bout des lèvres que son prêche "ait été mal interprété". Et de finir sur une phrase peu appréciée par la Cour : "Pour juger un médecin, il faut un médecin, pas un mécanicien… " Une façon de contester la légitimité de la Cour d’appel pour le juger…

Hassen Chalghoumi, le très médiatique imam de la mosquée de Drancy en banlieue parisienne, a tenu à témoigner à ce procès. Sous protection policière, ce religieux est connu pour son combat contre les islamistes radicaux. Visiblement il a été choqué par le prêche de Mohamed Tataiat ."J’ai vu la vidéo du prêche une trentaine de fois. Ce sont des propos graves, très dangereux. Si ce discours n’est pas condamné, cela fait peur. C’est un discours qui amène la haine, la peur dans notre jeunesse. C’est un discours injustifiable qui peut manipuler, tuer. Comme ce fut le cas avec Samuel Paty" conclut Hassen Chalghoumi, visiblement ému.  

"Fixer des limites très claires"

Maître Muriel Ouaknine - Melki, avocate du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme va dans son sens. "On ne peut pas faire comme si ce prêche n'avait pas été tenu à Toulouse. Là où Mohammed Merah, a tué des enfants dans une école juive pour venger le sang des Palestiniens. Dans le contexte sociétal dans lequel nous sommes en France depuis plusieurs années, contexte marqué par les attentats et les crimes antisémites, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une justice qui ne nomme pas les choses et qui ne mette pas les limites très claires à ce qu'on a le droit de dire ou de ne pas dire. Les propos de cet imam sont des propos qui incitent à la haine, qui incitent à la violence. Et c'est pour cela que le législateur a prévu une peine de prison pour ce type de propos".  

Du côté de la défense, on reste ferme. A l'image de Maître William Bourdon, l'un des deux avocats de Mohamed Tataiat. : "On ne doit pas judiciariser ou criminaliser ce type de débats qui sont légitimes. On demande aux juges d'être l'arbitre de l'intensité avec laquelle les imams contextualisent ou interprètent des textes religieux très anciens qu'ils sont supposés respecter. Est-ce leur rôle ? Je ne pense pas. Certains de ces textes portent en eux des germes de violence. Mais comme la Bible, comme la Torah. Aller dans cette direction là, c'est ouvrir une pandore très dangereuse". 

6 mois de prison et 10.000 euros d'amende requis contre l'imam 

Des propos qui n'ont pas fait fléchir Franck Rastoul, le procureur général près la Cour d’appel de Toulouse. "Monsieur Tataiat avait une obligation, rappelée par la Cour de cassation en pareil cas, celle de prendre de la distance avec le texte cité, de l’expliciter, de prévenir l’interprétation qui d’évidence risquait d’en résulter,
Il n’en a strictement rien fait, bien au contraire, tout le prêche répondant à la même stigmatisation des juifs. Cette absence de précaution dans la tenue du propos et surtout dans son explicitation signe l’élément intentionnel". 

Le procureur général a requis une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis, et une amende de 10 000 euros. Comme en première instance.

Le jugement a été mis en délibéré au 31 août 2022. 

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