Depuis le 7 mars, plusieurs ouvriers de l’usine Yeo Frais de Toulouse (Haute-Garonne) sont en grève à l’appel de la CGT. Précarité salariale, dégradation des conditions de travail et même “risque sanitaire” pour les consommateurs, les grévistes assurent avoir alerté la direction plusieurs fois. En vain.
Les discussions annuelles obligatoires entre la direction et les représentants du personnel ont tourné court, la semaine dernière. Après un énième refus de la part de la direction d'augmenter significativement les salaires des quelque 230 employés de cette usine toulousaine, l’idée de faire grève s’est concrétisée. Elle a débuté ce lundi 7 mars, et depuis le début de la mobilisation au sein de l’entreprise, “on n’a ressenti que du mépris de la part de la direction”, explique le référent CGT à Yeo Frais, Arnaud Caraben.
Une revalorisation salariale sous tensions
Lorsqu’ils ont été reçus par la direction la semaine dernière, la flambée des prix des carburants n’avait pas encore eu lieu. Et pourtant, les salariés avaient déjà alerté sur la baisse de leur pouvoir d’achat en raison de l’inflation et de leurs salaires qui n’augmentent pas. “Chaque mois on a des collègues qui sont à des centaines d’euros de découvert, -200, -300 euros. Le coût de la vie augmente, le SMIC augmente, tout augmente, mais pas nos salaires”, lance Arnaud Caraben.
C’est bien la première fois que la CGT était prête à accepter de signer un accord bien en dessous de ses revendications
Arnaud Caraben, délégué CGT de Yeo Frais à Toulouse
Alors, bien décidés à demander une revalorisation salariale, les représentants du personnel tentent une amorce. ”On tablait sur une augmentation de 4%, la direction n’a pas voulu aller au-dessus de 2,6%, alors qu’on est plutôt autour de 2,8% au niveau national. C’est bien la première fois que la CGT était prête à accepter de signer un accord bien en dessous de ses revendications”, concède Arnaud Caraben. ”Cette hausse représente à peine une cinquantaine d’euros en plus pour les plus bas salaires. Mais, on nous a bien dit qu’on n’allait pas nous donner plus et que c’était à prendre ou à laisser”.
Des conditions de travail fortement dégradées
L’accord pour une revalorisation salariale partielle n’est pas le seul motif de la grève. Selon Arnaud Caraben, les conditions de travail au sein de Yeo Frais se sont sensiblement dégradées.
Rachetée il y a près de quatre ans par les Maîtres Laitiers du Cotentin, un groupe agroalimentaire coopératif basé en Normandie, l’entreprise toulousaine poursuit son implantation dans le département de Haute-Garonne entamée il y a plus de 90 ans.
“Il y a deux ans, une enquête interne a révélé que nos conditions de travail étaient déplorables”, poursuit l’ouvrier. Les investigations menées par un cabinet indépendant sous l’égide de la direction ont fait état d’une “souffrance au travail” sans appel, assure Arnaud Caraben. Quelques solutions avaient été envisagées par la direction pour tenter d’y remédier mais le gréviste assure que “la direction nous a répondu que mettre des moyens, ça prend du temps”.
Un risque sanitaire ?
Revendiquant une augmentation de 16% de son chiffre d'affaires entre 2020 et 2021, l’entreprise peinerait à investir dans le renouvellement de ses machines. “Elles sont toutes vieillissantes et elles ne sont pas entretenues”, explique Arnaud Caraben, assurant qu’il a alerté ses supérieurs à ce sujet plusieurs fois.
Nous avons la responsabilité de la santé des consommateurs de nos yahourts. Nos métiers doivent être mieux reconnus et rémunérés
Arnaud Caraben, délégué CGT de Yeo Frais à Toulouse
La vétusté de certaines machines pourrait-elle compromettre la production de l’entreprise ? C’est en tout cas ce qu’affirme le syndicaliste. “Quand on travaille avec ce rythme-là sur des machines comme celles-là, forcément on prend des risques”. Dans le détail, la production de certains produits en petite quantité implique une modification conséquente de la charge de travail des ouvriers. “On est en décalé, on cumule les heures, on doit tout vérifier toutes les trente minutes. Et dans ces moments-là, l’attention peut diminuer, et là oui, il y a un risque sanitaire pour la santé des salariés et la qualité des productions. Nous avons la responsabilité de la santé des consommateurs de nos yahourts. Nos métiers doivent être mieux reconnus et rémunérés”, déclare Arnaud Caraben.
Contactée, la direction de Yeo Frais assure "respecte[r] les règlementations auxquelles elle est soumise, les exigences spécifiques de ses clients". "Tous les lots de produits font l’objet de contrôles et d’analyses très stricts menés par nos laboratoires et des laboratoires indépendants, avant d’être mis sur le marché", se défend Yeo Frais.