Toulouse : des photos inédites de Germaine Chaumel au Musée de la Résistance et de la Déportation

À Toulouse, le Musée départemental de la Résistance et de la Déportation accueille une exposition de la photographe Germaine Chaumel. Pris de la fin des années 1930 jusqu'à la libération de la ville en 44, ses clichés livrent un éclairage inédit sur le quotidien des habitants lors de cette période.

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Sans doute encore trop peu connue du grand public, Germaine Chaumel (1895-1982) fut l'une des premières femmes photo-reporters du 20ème siècle. Cette Toulousaine, artiste touche-à tout, éprise de piano, de chant et de dessin - elle se produira à de multiples reprises sur la scène du Capitole ou sur les ondes de Radio Toulouse pour des opérettes - découvre la photographie dans les années 2O et se forme en autodidacte aux techniques de la prise de vue, inspirée par les travaux de Man Ray ou de Brassaï. Elle fonde en 1937 avec des camarades photographes le cercle des XII, un club réunissant les talents toulousains de la photo. Elle en est la seule femme, et en ouvrira les portes, en 1945, à un certain Jean Dieuzaide.

Elle a commencé la photographie parce que c'était nouveau, elle avait une âme d'artiste et voulait en découvrir les techniques. Elle s'est abonnée à des revues pour se former, en autodidacte. Elle s'amusait à photogaphier Toulouse la nuit, les premiers néons, les premiers éclairages, elle préférait sortir quand il pleuvait pour traquer les reflets sur le pavé...
Pilar Martinez-Chaumel, petite-fille de Germaine Chaumel

Correspondante pour la presse nationale et internationale

Rolleiflex en bandoulière, c'est en photo-reporter que Germaine Chaumel arpente les rues de Toulouse, devenant dès la fin des années 30 correspondante pour la presse nationale (France-Presse, Paris-Soir, La Garonne, La Dépêche) et internationale (le New York Times). Peu avant la guerre, les commandes s'accélèrent. Ses photos sont recherchées, son approche humaniste des reportages devient sa signature. 

Petits métiers et petites gens

L'exposition, riche d'une centaine de photos, met d'abord en lumière le Toulouse d'avant la guerre. Les petits métiers, et les petites gens sont dans le viseur de la reporter. Des bohémiennes au tambourin, dont l'une avec son bébé tirant un ours au bout de sa chaîne, des "pêcheurs de sable" sur la Garonne, des vendeurs de feuilles de tabac sur le trottoir... 

Germaine Chaumel aimait beaucoup aller chez les "petites gens", et elle n'arrivait jamais chez eux les mains vides. Il y avait toujours un échange avec la personne qu'elle voulait photographier. Elle ne "volait" jamais ses photos.
Elerika Leroy, chargée de mission au Musée de la Résistance et de la déportation de Toulouse 

Tout en couvrant l'actualité politique ou sociale de la région, la reporter devient aussi une habituée des terrains de sport : espiègle et toujours enjouée, elle court de stades en stades, reconnaissable à son pantalon ou à son tailleur-jupe, détails bousculant les traditions vestimentaires de l'époque. Chapeau vissé sur la tête, elle photographie au plus près les compétitions de boxe, de cyclisme ou de rugby, déjà très populaires.

 

Les premières photos de Toulouse pendant l'occupation

Germaine Chaumel, photographe de la rue, devient au fil du temps, photographe de la guerre. Elle en montre sans voyeurisme ses drames et ses meurtrissures. Elle est présente au col de Venasque, dans les Pyrénées, pour immortaliser l'arrivée de réfugiés espagnols, en 1938, ou pour capter la détresse d'un enfant exilé sur un quai de la gare Matabiau, un an plus tard. En septembre 1939, la guerre entre l'Allemagne et la France est déclarée. Elle captera sans relâche ses répercussions sur la vie des Toulousains : les tranchées de la défense passive, place Saint-Georges, le cantonnement des réservistes ou ce soldat semblant patienter en attendant le début des hostilités, plongé dans la lecture de son journal.
En mai 40, quand l'invasion allemande met l'armée française en déroute, et la population sur les routes, les réfugiés venus de Belgique, du nord ou de l'est du pays affluent par milliers dans la ville rose, sous l'oeil toujours pudique et à distance de Germaine Chaumel, alors présente sur tous les fronts d'un art qu'elle maîtrise à la perfection. Lumière, cadrage, perspective : ses photos en noir et blanc captent le regard au premier coup d'oeil.
 

Pendant toute la durée de la guerre, Germaine Chaumel poursuivra son travail de portraitiste dans son appartement-studio de la rue Croix-Baragnon, tout en photographiant la vie quotidienne des Toulousains soumis au nouveau régime de Vichy après l'armistice : les défilés d'anciens combattants, la première visite officielle de Pétain, le culte de la personnalité du Maréchal entretenu dans les écoles... 
 
L'exposition témoigne de ces heures sombres, qui s'achèvent avec la libération de la ville, puis "l'épuration". Germaine Chaumel surprend avec son appareil depuis la fenêtre de son appartement un cortège de FFI et de gendarmes escortant des hommes et une femme arrêtés lors de la "chasse aux collabos".

Toulouse libérée, Germaine Chaumel fixera sur la pellicule la place du Capitole remplie d'une foule venue acclamer les nouvelles autorités issues de la Résistance, puis la visite officielle du Général de Gaulle. Elle continue à travailler pour des journaux de la Libération en 1944-45, mais se détache peu à peu de son activité, pour partir vivre à Paris et satisfaire d'autres passions : la fabrication de chapeaux, la cuisine...

Un patrimoine photographique de 20000 photos 

Revenue à Blagnac dans les années 60, Germaine Chaumel s'y est éteinte en 1982, laissant derrière elle plus de 20 000 photos que sa petite-fille Pilar Martinez-Chaumel s'évertue à mettre en valeur, grâce à des livres ou des expositions. Une partie de ce précieux patrimoine de la photographie française est sauvegardée aux Archives Municipales de Toulouse.

L'exposition sur la vie quotidienne à Toulouse de 1938 à 1944 est à découvrir jusqu'au 31 décembre 2020 au Musée Départemental de la Résistance et de la Déportation à Toulouse. L'entrée y est gratuite.
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