Toulouse : pourquoi l'école Littré se bat pour rester dans le réseau d'éducation prioritaire

Le ministère de l'Education nationale a décidé de réformer le réseau d'éducation prioritaire en France. Une centaine d'établissements vont sortir du dispositif à la rentrée 2015, dont 9 en Midi-Pyrénées. Tous se battent pour y rester. Voici l'exemple de l'école Littré à Toulouse.

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Début novembre, l'équipe enseignante de l'école Littré à Toulouse a appris que comme une centaine d'autres établissements de France, elle allait devoir quitter le Réseau d'éducation prioritaire (REP) dont elle fait partie depuis 1982. Depuis, enseignants et parents se battent contre cette circulaire ministérielle. Mais que défendent-ils exactement ? 

Une école atypique

L'école Littré accueille 170 élèves dans le quartier de Saint-Martin du Touch. C'est une école de taille moyenne, comme beaucoup d'autres à Toulouse. Sa particularité, elle la doit surtout au public qu'elle accueille. Des enfants du voyage sédentarisés ou non, des enfants d'ouvriers, de cadres chez Airbus mais aussi de plus en plus d'enfants roms vivant en caravane sur un terrain vague et parlant peu ou mal le français. Une population scolaire très variée, conjuguée à une situation géographique isolée du centre ville toulousain et de son offre culturelle, deux facteurs qui ont contribué à son classement dans le réseau d'éducation prioritaire.

Un réseau synonyme de moyens

Le classement en éducation prioritaire est synonyme de moyens supplémentaires pour l'école. Ceux de l'école Littré :
  • 1 enseignant surnuméraire mais pas à temps plein. Il dispense 18h00 dans l'école et 6 autres à l'école voisine de Fleurance.
  • des effectifs réduits dans les classes : 21 élèves en primaire et 25 en maternelle.
  • 1 ATSEM dans chaque classe en maternelle.
  • la scolarisation des enfants dès l'âge de 2 ans.
  • des moyens financiers alloués par la ville : 1500 € pour la primaire et 1000 €. "C'est conséquent", précise la directrice de l'école, Anne Legrand, " ça nous permet de sortir de l'école et de monter des projets". D'autant plus que la coopérative scolaire "est très pauvre", du fait du peu de revenus des parents.
  • 1/4 de temps de décharge supplémentaire pour les directrices des écoles.
  • Une prime de 96 € par mois et des points de bonification pour les enseignants.
  • une visite médicale obligatoire pour les enfants en grande section de maternelle.

U​n projet d'école innovant​

Les moyens de l'éducation prioritaire, l'école a décidé de les utiliser en mettant en place un nouveau projet d'école à la rentrée 2014 pour gommer l'hétérogénéité des classes. Avant dit Anne Legrand, "on se heurtait à cette très grande hétérogénéité. Les bons élèves s'ennuyaient et les élèves en difficulté n'avaient pas de résultats". A la rentrée de septembre, toute l'équipe pédagogique a décidé de revoir sa façon d'enseigner et de mettre en place un nouveau projet d'école : "on a repensé l'école en individualisant l'apprentissage". A la rentrée, tous les enfants ont été évalués et les cours magistraux abandonnés. Désormais, chaque notion nouvelle est abordée par petits groupes de 5 élèves avec un enseignant pendant que les autres font des ateliers et travaillent en autonomie. "Les enfants ne font pas tous les même travail au même moment. Toutes les trois semaines, on fait un bilan personnalisé avec chaque enfant, ça permet de voir ce qu'ils ont compris ou non, de voir ce qu'ils ont envie de retravailler. Ils deviennent acteurs de leur scolarité".
Un cahier de réussite a également mis en place : "on a abandonné les notes et on regarde ce qu'ils réussissent. C'est une école de la bienveillance".

Une école de la bienveillance

Après quatre mois de pratique, les bénéfices sont déjà là. "On a perdu en autorité mais on a gagné en confiance" explique Anne Legrand. "Il y a une ambiance plus sereine et de l'entraide entre les élèves. Les bons élèves qui avaient un esprit de compétitivité l'ont perdu, on a créé une communauté d'apprentissage. Quant aux élèves en très grande difficulté, ils ne vivent plus l'échec en permanence et ils évoluent à leur rythme".

Une "formidable mixité sociale"

La mixité sociale de l'école, les parents la voient plutôt comme une chance pour leurs enfants. Mathilde Villeneuve, représentante des parents d'élèves en témoigne : "nous venons tous d'horizons différents et c'est très riche. Chacun arrive avec sa culture et ça apporte autre chose." Ils adhèrent également au nouveau projet d'école : "il y a un énorme travail de l'équipe enseignante pour proposer un projet pédagogique innovant, basé sur des méthodes adaptées à chaque enfant". Raison de plus pour se battre pour empêcher la sortie de l'école du réseau prioritaire : "on a un projet d'école original, des enseignants très investis, une population très mélangée. Ce serait l'occasion ou jamais de faire de cette école une école pilote et de la suivre pour voir ce qui s'y passe au lieu de la sortir du dispositif".

Des écoles "orphelines"

La réforme de l'éducation prioritaire voulue par le Ministère de l'éducation nationale prévoit désormais de rattacher chaque école en zone d'éducation prioritaire à un collège "tête de pont". Conséquence, toutes les écoles qui ne dépendent pas aujourd'hui d'un tel collège devrait quitter le réseau. Elles deviennent "orphelines". Dans la région, c'est le cas de Littré, d'Empalot, ou encore de l'école du Garros à Auch. Une erreur pour Mathilde Villeneuve : "ce qui me dérange avec la position du Ministère, c'est qu'on va vers une ghettoïsation des enfants. Après la primaire, ils iront aussi dans un collège classé en ZEP. A aucun moment on ne leur donne la possibilité de sortir du système."

Quelle alternative pour ces écoles ?

Le Ministère de l'Education nationale promet aujourd'hui aux établissements qui quitteront le dispositif de garder leurs moyens pendant 4 ans. A Toulouse, des réunions ont eu lieu au Rectorat pour expliquer les modalités de ces nouvelles conventions qui seraient signées avec la ville. Si elles garantiraient les moyens pendant 4 ans, elles supprimeraient les primes et les bonifications des enseignants. Un point essentiel pour Anne Legrand : "la prime de 96€ par mois représente 3€ par jour, ce n'est pas le plus important. Mais les points de bonification, si. mes collègues sont toutes jeunes dans l'éducation nationale, elles ont besoin de ces points pour la suite de leur carrière. L'école va se vider de ces enseignants alors que la stabilité des équipes est primordiale pour les enfants." Et puis, que se passera-t-il après les 4 ans ? La question est dans toutes les têtes, celles des parents et celles des enseignants qui n'en démordent pas : ils veulent à tout prix garder le réseau d'éducation prioritaire et "ses garanties".

Une journée décisive le 17 décembre

C'est le 17 décembre que le ministère de l'Education Nationale publiera la nouvelle carte de l'éducation prioritaire en France. A charge ensuite pour chaque recteur d'académie de la mettre en oeuvre. A l'école Littré, on espère que la rectrice de Toulouse accordera des dérogations comme c'est le cas dans l'académie d'Orléans-Tours où 15 "écoles orphelines" sont rattachées administrativement à des collèges de ZEP pour ne pas quitter le réseau.



 

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