La Commission Européenne propose de déclasser le statut du loup, en le faisant passer d'espèce "strictement protégée" à simplement "protégée". Avec pour conséquences, un assouplissement des règles concernant les prélèvements sur l'espèce. Autrement dit la possibilité pour les éleveurs d'en abattre un plus grand nombre. Forcément, la proposition divise.
C'est un adjectif qui change beaucoup de choses. Une protection "stricte" des loups, sur laquelle propose de revenir la Commission Européenne. Sa présidente Ursula von der Leyen l'avait déjà avancée au mois de septembre dernier. Après que son poney a été tué par un loup en 2022, l'Allemande a fait de la lutte contre le prédateur son cheval de bataille.
Ainsi, il y a quelques jours, la Commission européenne a présenté sa proposition aux pays membres de l'UE. Déclasser le loup, en le faisant passer "d'espèce strictement protégée" à "espèce protégée". Si la chose doit être débattue par les pays membres, la France pourrait ne pas s'y opposer. De quoi changer beaucoup de choses dans un pays dont la population dépasse le millier d'individus, répartis dans une vingtaine de départements.
Les meutes, un "véritable danger" ?
L'objectif ? Apporter plus de flexibilité dans la gestion des meutes, et des dangers que représentent ces prédateurs pour les troupeaux. Sur le site internet de la commission, Ursula von der Leyen se justifie : "la concentration de meutes de loups dans certaines régions d'Europe est devenue un véritable danger, en particulier pour le bétail. Pour gérer plus activement les meutes de loups, les autorités locales ont demandé davantage de flexibilité. [...] Le processus engagé aujourd'hui par la Commission constitue une étape importante."
Ce statut d'espèce "strictement protégée" inscrit dans la convention de Berne donne un cadre très stricte à la gestion du loup par l'Homme. En France, des dérogations permettent, pour la protection des troupeaux, d'abattre chaque année jusqu'à 21% de la population des loups. Un déclassement de statut ouvrirait la porte à bien plus de prélèvements.
Pour Bertrand Sicard, président de l'association FERUS pour la protection de l'ours, du loup et du lynx, déclasser le loup ouvrirait la porte "à ce que l'espèce devienne chassable. Et là on ferait face à des conséquences graves. Pas seulement pour les loups, mais aussi pour les éleveurs, ce serait la fin des subventions pour se protéger de ces animaux."
Se protéger, pas si facile
En France, en 2021, on a recensé 3.359 attaques de loups. La population étant passée de 142 individus en 2010, à plus de 1.000 de nos jours, et ce grâce (ou à cause, diront certains) au "Plan loup", mis en place ces dernières années, avec deux vocations : développer la population de l'espèce, et protéger les élevages. "Sur ce deuxième point, ça a raté, commente Sophie Alzieu, secrétaire générale de la FDSEA de l'Ariège, et membre du conseil d'administration de la FNSEA.
L'éleveuse de poursuivre : "On nous dit depuis une trentaine d'années de combiner des clôtures, des chiens de protection, et la vigilance du berger, mais ça ne fonctionne pas. Je trouve que c'est une aberration de considérer le berger comme une protection. Quand vous êtes en estive, avec vos bêtes et un bâton, qu'est-ce que vous voulez faire face à des loups ?"
Le président de l'association FORUS de répondre : "Dès que vous mettez un humain auprès du troupeau, les attaques diminuent drastiquement. Ce qu'il faut, ce sont des gens volontaires. Dans le Jura par exemple, on a formé des bénévoles, et ça marche."
Un choix politique
Avec cette proposition de la Commission Européenne, Sophie Alzieu se sent "entendue" : "Pour nous, éleveurs, c'est une lueur d'espoir. On a tellement l'habitude que nos préoccupations locales ne soient pas remontées. Là ça vient directement de l'Union Européenne, c'est clairement un pas en avant."
Bertrand Sicard voit en cette proposition "un gage donné au monde de l'élevage par les institutions. C'est un choix politique, pour calmer la colère sociale dans un milieu qui va mal. Mais faire du loup un bouc émissaire, ce n'est pas la solution." Il poursuit : "Quand on voit que c'est madame Von Der Leyen qui porte cette proposition, alors qu'elle a perdu son poney à cause d'un loup... On se demande quelle est la frontière avec ses intérêts personnels."
La secrétaire départementale de la FDSEA de l'Ariège, favorable à la proposition, a bien conscience que son avis n'est pas partagé par tout le monde. "On a souvent l'impression d'avoir tout le monde contre nous. Mais je crois qu'il y a de plus en plus une prise de conscience de l'impact de ces prédateurs, le loup comme l'ours, sur l'agriculture."
L'Ariégeoise de poursuivre : "La montagne, ça a beau être un paysage naturel, c'est un territoire entretenu par l'agriculture, le pastoralisme. Introduire plus de bêtes sauvages, ça ne peut que casser cet équilibre."
Le président de FERUS de rétorquer, et conclut : "Cette proposition, je n'y crois pas. L'opinion publique est favorable à la faune sauvage. Le loup reste un animal emblématique, ne l'oublions pas."