Plusieurs élus locaux mis en examen pour prise illégale d’intérêts dans un projet de méthaniseur à Frontrailles dans les Hautes-Pyrénées. Une enquête préliminaire a été ouverte par la justice.
Le parquet de Tarbes a ouvert une enquête préliminaire sur un projet de construction d’usine de méthanisation à Frontrailles, un projet initié en 2013. Plusieurs élus de la communauté de communes du Pays de Trie-Magnoac auraient été mis en examen à la suite de gardes à vue le 30 juin et le 1er juillet 2020. Une plainte contre X déposée en mars 2019 par France Nature Environnement 65 pour prise illégale d’intérêts aurait conduit à l’ouverture d’une instruction. Ces élus, à l’origine de l’implantation de ce méthaniseur, seraient également actionnaires d’Agrogaz, l’entreprise en charge de ce projet à plus de 15 millions d’euros.
Retour en quelques dates sur ce dossier
- Mars 2013 : un projet d’usine de méthanisation sur la commune de Frontrailles (65) est initié par la Communauté de Communes du Pays de Trie (CCPT). L’entreprise Agrogaz est désignée pour construire et exploiter cette usine.
- 2014 : l’association « Protection Trie » commence à se mobiliser contre ce projet de méthaniseur.
- Avant 2017 : la CCPT acquiert un terrain à Frontrailles (65) pour une somme avoisinant 220 000 euros pour implanter l’usine. La CCPT reçoit une subvention de la préfecture des Hautes-Pyrénées.
- 2018 : un bénévole de l’association « Protection Trie » constate un « faux en écriture publique et usage de faux » en inspectant les registres administratifs de ce projet de méthaniseur. Ceci aurait eu pour but de « maquiller » la participation de la CCPT, présidée à l’époque par Jean-Claude Duzer (maire de LaLanne-Trie de 2001 à mars 2020 et vice-président de la commission finance lors de son dernier mandat à la nouvelle CC du Pays de Trie et Magnoac) au capital de la société Agrogaz. Cette dernière est présidée par Michel Dubosc (élu à l’ancienne CCPT, vice-président de la commission Développement économique, Agriculture de la nouvelle CC du Pays de Trie et Magnoac et élu à Frontrailles).
- 2018 : alertée par « Protection Trie », l’association France Nature Environnement 65 (FNE 65) se mobilise contre le projet.
- 12 mars 2019 : représentée par Me Vincent Poudampa, FNE 65 porte plainte contre X pour prise illégale d’intérêts et complicité de prise illégale d’intérêts.
- Courant 2019 : la CCPT aurait cédé le terrain à Agrogaz pour le montant d’achat. Elle aurait ainsi réalisé une « opération blanche ».
- Début 2020 : le parquet de Tarbes déclenche une enquête préliminaire menée par la brigade financière de la gendarmerie de Tarbes.
- Mars 2020 : l’Etat demande à la CCPT la restitution de la subvention de la préfecture.
- 30 juin et 1er juillet 2020 : à la suite de perquisitions menées le 3 juin 2020, plusieurs élus de la CC du Pays de Trie et Magnoac sont placés en garde à vue.
- Juillet 2020 : instruction ouverte par le Tribunal administratif de Tarbes et plusieurs élus de la CC du Pays de Trie et Magnoac mis en examen pour prise illégale d’intérêts et complicité de prise illégale d’intérêts.
L'initiateur du projet se défend
Contacté le principal initiateur du projet Michel Dubosc confirme sa récente mise en examen pour « prise illégale d’intérêt ». La justice lui reproche d’avoir voté une délibération en sa qualité d’élu de la communauté de communes du canton de Trie alors qu’il est aussi actionnaire du projet de méthaniseur. Pas de confusion des genres estime l’agriculteur : « Le conflit d’intérêt n’existe pas. Lorsque nous avons voté cette délibération pour l’achat du terrain en 2016, le projet du méthaniseur n’était qu’une possibilité parmi d’autres d’aménagements. Du reste, l’autorisation de construire n’est arrivé que beaucoup plus tard au début de l’année 2019. »Et Michel Dubosc d’insister : « Il n’y a pas un sous d’argent public dans l’achat de ce terrain. Et il n’y a aucun arrangement. D’ailleurs, nous avons acheté ce terrain pour Agrogaz un peu plus cher que l’acquisition réalisée par la communauté de communes. Il n’y a pas de volonté de « maquiller » , taire ou dissimuler ces transactions. Toutes les délibérations sont consultables. »
Pourtant, il suffit de consulter les statuts de la société, créée en avril 2013, pour constater que la communauté des communes des Pays de Trie fait partie des 48 "associés fondateurs" ayant versés 2000 euros chacun, pour un total de 84 000 euros.
La CCPT actionnaire d'Agrogaz ?
Dans un tableau, récapitulant l’ "Etat des souscriptions et des versements" , le nom de communauté de communes et de son président Jean-Claude Duzer apparaissent. Sur cette ligne, signée, sont mentionnés l’apport versé et le nombre d’actions obtenus, soit 200. Avec une particularité, la mention "non déposé" a été inscrite à la main au dessus de la somme de 2000 euros.Michel Dubosc le reconnait : "la CCPT faisait bien partie au départ des associés d’Agrogaz" mais souligne qu’en effet "elle n’a jamais versé sa participation" et ne peut donc pas être considéré comme tel.
Quant à savoir pourquoi la CCPT était partie prenante dans cette société, Michel Dubosc avance une explication : "En 2013, nous avions comme projet de réaliser un réseau de chaleur sur la zone d’activité cantonale. Il ne pouvait pas se faire sans le projet de méthanisation dont dépendrait le coût de la fourniture de KWH de chaleur. Inclure la communauté de communes dans l’actionnariat permettait à la collectivité d’avoir ainsi un droit de véto sur le prix de a chaleur. "
Ce qui n’empêche pas l’éleveur de canards de pester contre les mille et une embûches à l’encontre de cet aménagement. « Les opposants au méthaniseur n’ont pas réussi à empêcher le projet d’un point de vue environnemental désormais ils essaient la voie juridique ».
Et l’éleveur de canards de pester contre les mille et une embûches à l’encontre de cet aménagement. « Les opposants au méthaniseur n’ont pas réussi à empêcher le projet d’un point de vue environnemental désormais ils essaient la voie juridique ».
Le projet de l’usine de méthanisation à Frontrailles en quelques chiffres
5,2 millions d’euros de subventions accordées par le Fonds européen de développement régional pour ce projet. Un emprunt bancaire de 10 millions d’euros aurait été contracté par SAS Agrogaz. S’ajoute à cela un auto-financement qui oscillerait entre 200 000 et 1 million d’euros. Ce qui en ferait un projet à plus de 15 millions d’euros.Pour le moment, au vu des procédures judiciaires en cours, le financement du fonds européen de développement régional est suspendu.