Il y avait eu Maurice, sur l'île d'Oléron. Il y a désormais Pitikok, un coq matinal et mélomane du village d'Oursbelille (65), dont les prestations dérangent un voisin, lequel assigne la propriétaire en justice pour "trouble anormal de voisinage". Audience prévue le 7 juin devant le tribunal de Tarbes.
Quels sons de la ruralité relèvent de la normalité et lesquels sont "exagérés" ? La justice va devoir se pencher sur cette épineuse question.
A l'origine de l'affaire : Pitikok, un gallinacée et chanteur généreux, du village d'Oursbelille, dans le département des Hautes-Pyrénées. Le chant de Pitikok insupporte l'un des voisins de sa propriétaire. "Tout a commencé en 2019. Le propriétaire de la maison voisine qui vient deux fois par an en vacances à Oursbelille, est venu me trouver (...) pour me sommer de me débarrasser de mon coq. Il est venu avec deux témoins, ce qui montrait bien une volonté procédurière", explique la propriétaire de Pitikok. Qui refuse évidemment.
"Une véritable souffrance"
Une conciliation a lieu mais elle vire à l'échec puisque la seule solution proposée est la mort de l'animal. "Nous avons été mandatés pour une conciliation", explique la propriétaire de Pitikok. "Forcément, elle a échoué puisqu'elle était dans un seul sens, le seul but étant de supprimer Pitikok. Ce n'était pas une conciliation pour moi, donc ça a été formellement un échec", confie-t-elle à France 3 Occitanie.
Le voisin a donc assigné la propriétaire du coq devant le tribunal de Tarbes pour "trouble anormal de voisinage". Il demande 6 000 euros de dommages et intérêts et 100 euros par jour de retard à compter de la date d'une éventuelle condamnation.
"Pour mon client, c'est une véritable souffrance", fait valoir de son côté l'avocate de ce retraité, maître Anne Bacarat. "Il souffre d'un cancer, de problèmes cardiaques,
d'acouphènes et il porte un système d'aide auditif", ajoute-t-elle.
Une loi protège les sons des espaces naturels
"Une fois de plus, nous avons des néoruraux qui viennent à la campagne, et qui ne supportent pas, ou peu, des sons qui sont naturels", déplore l'avocat de la propriétaire de Pitikok, maître Stéphane Jaffrain.
"C'est un coq, il n'est pas plus bruyant qu'un autre, il fait simplement son job", ajoute sa propriétaire.
Nous sommes à la campagne, je ne vois pas en quoi le coq crée une nuisance quelconque.
Dans une affaire similaire en 2019 sur l'île d'Oléron, en Charente-Maritime, le coq Maurice avait été autorisé par la justice à continuer de chanter.
Une loi votée en janvier 2021 protège les sons et odeurs caractérisant les espaces naturels. Sonnerie des cloches, chant du coq ou des cigales, coassement des grenouilles, cancanement des canards, mais aussi effluves de crottin de cheval ou d'étable sont alors entrés dans le code de l'environnement.
Malgré cela, la propriétaire de Pitikok comparaîtra bien devant le tribunal de Tarbes, pour une audience civile, le 7 juin prochain. "La démarche me surprend. Le chant du coq n'a pas sa place dans un tribunal. J'estime qu'il y a quand même beaucoup de choses plus importantes à traiter que le chant d'un coq. Aujourd'hui, tout a l'air de déranger tout le monde..."