De Montpellier à Agde : pourquoi toutes ces tensions dans les centres des impôts ?

Fermeture de trésoreries, suppression des accueils au public, la vaste réorganisation de l'administration des impôts a mis les syndicats en colère. Et inquiète aussi bien les contribuables que les élus. Tous craignent une inévitable perte du service public.

Une heure avant l'ouverture du centre des finances publiques situé quartier du Millénaire à Montpellier, une vingtaine de personnes attend déjà. Et la file ne cesse de s'allonger. A l'ouverture des guichets, les usagers sont près de 80 à patienter.

Dans la queue, on partage ses (mauvaises) expériences : impossible d'avoir un agent au téléphone, trop de délais pour les rendez-vous sur internet...

J'ai essayé une journée entière d'avoir quelqu'un au téléphone, je ne comprends pas, auparavant j'habitais en Ardèche, c'était facile, raconte une dame.

J'ai pris rendez-vous sur internet, j'en ai un pour le 4 novembre, mais la date limite de paiement, c'est le 15 octobre, rigole un homme, son avis de taxe foncière à la main.

Internet c'est pas trop mon truc, le téléphone ne répond jamais alors je suis venue, explique une retraitée.

Cette fois, je suis arrivée bien avant l'ouverture parce que je suis déjà venue à 9h la semaine dernière, puisque l'accueil est ouvert entre 8h30 et 12h, mais après une heure et demie de queue, un agent est venu nous dire que c'était complet, ils fermaient le centre.

 
Près de 80 personnes attendent l'ouverture du centre des finances publiques de Montpellier Millénaire ©F3 LR / FTV


Ces doléances, Frédéric Mason, syndicaliste de Solidaires finances publiques dans l'Hérault, les entend tous les jours. Il travaille dans ce centre des impôts montpelliérain.

Avec ses collègues de l'intersyndicale CGT Solidaires FO, il distribue des tracts, fait signer des pétitions et surtout explique inlassablement la situation des fonctionnaires des finances publiques.

"Ce qu'on voit là, ce n'est qu'une façade. Les gens qui ne seront pas reçus ce matin, vont réessayer d'appeler, d'envoyer des mails à répétition, c'est autant de choses à traiter pour les agents des impôts, qui ne font pas les vérifications, les taxations qu'ils doivent faire, les retards s'accumulent", raconte Frédéric Mason.

Nous ce qu'on demande, c'est la possibilité de faire notre travail, les moyens de répondre aux questions des contribuables. C'est ce pourquoi nous avons été formés, nous sommes des professionnels de la fiscalité, laissez-nous faire notre travail.

Une réforme qui ne passe pas

Le plan Darmanin, annoncé en juin 2019, prévoit la suppression de 5 775 postes dans l'administration du ministère des finances d'ici à 2023.

Ce qui induit une réorganisation des services des finances publiques dans tous les départements.

Les syndicats des finances publiques, réunis en intersyndicale, ont mené une première journée de grève dans toute la France le 16 septembre 2019 pour demander le retrait de cette réforme.
 

L'intersyndicale CGT Solidaires FO demande le maintien d'une trésorerie par communauté de communes ou d'agglomération et des accueils de proximité en plus dans les zones plus éloignées. Interview à Agde le 10/10/2019 ©F3LR / FTV


Dans cette "géographie revisitée", ou "nouveaux réseaux de proximité" selon les termes du ministère des finances, le centre des finances publiques du Millénaire à Montpellier pourrait fermer, et l'accueil du public et des entreprises se regrouper dans l'autre centre montpelliérain, celui de la Mosson.

Ce qui est sûr, c'est que son vaste parking sera réservé à partir du 1er janvier 2020 aux personnes à mobilité réduite, les autres contribuables devront prendre les transports en commun. 

Une façon de décourager les usagers de venir à l'accueil, et donc de justifier la fermeture du centre par la baisse de son activité, selon les syndicats. 

Samuel Barreault, directeur des finances publiques de l'Hérault, assure que les deux centres montpelliérains resteront en place à l'issue de la phase de concertation en cours avec les élus.

Pour lui, "cette phase de concertation peut durer jusqu'à la fin de l'année, voire au début de l'année prochaine" pour certains endroits.

Il n'y aura aucune fermeture de trésorerie en 2020.


Le directeur des finances publiques de l'Hérault estime que la réorganisation est possible grâce au prélèvement à la source, à la suppression annoncée de la taxe d'habitation, à la dématérialisation des tâches. 

Il explique que la réforme va permettre un meilleur maillage du territoire grâce à des maisons de services publics, des lieux dans lesquels les contribuables pourront aussi entrer en contact avec les autres services de l'Etat.

On a prévu d'être davantage présent sur le territoire. En 2018, les services fiscaux étaient présents sur 20 communes, en 2020 nous serons présents sur 38 communes.


Pour les syndicats, "il ne faut pas se leurrer, ces maisons de services publics ne seront pour la plupart que des points d'accueil internet, pour aider l'usager sur un ordinateur mis à disposition, comme c'est déjà le cas dans d'autres administrations comme Pôle emploi ou la CAF."
 

Pour l'intersyndicale CGT Solidaires FO, les futures "maisons des services publics" ne seront le plus souvent que des points d'accueil internet, avec parfois une permanence d'un fonctionnaire des impôts. Montpellier le 10/10/2019 ©F3LR / FTV

 

L'intersyndicale veut mobiliser les maires de l'Hérault

Un simple accès internet, sans fonctionnaire des impôts dédié : une option que refuse catégoriquement le maire Les Républicains d'Agde et président de la communauté d'agglomération Hérault-Méditerranée.

Gilles D'Etorre veut des fonctionnaires de l'administration fiscale à Agde tous les jours, c'est ce qu'il a déjà dit à la direction des finances de l'Hérault. Et répété aux syndicats quand il les a reçus jeudi 10 octobre.

La trésorerie d'Agde n'accueille plus le public depuis janvier 2019, elle n'est aujourd'hui qu'une trésorerie communale, c'est-à-dire qu'elle s'occupe de la gestion des finances des communes, pour assurer par exemple le paiement des fournisseurs des cantines ou des entreprises employées sur les chantiers.

Pour Gilles D'Etorre, "envoyer les habitants d'Agde à Béziers, c'est déjà une contrainte" et pour la commune, les délais de paiement des entreprises sont déjà trop longs, alors si la trésorerie communale ferme aussi pour un regroupement des services à Sète, comme prévu dans le projet de réorganisation, cela ne va pas améliorer les choses.

Que ce soit dans le cadre d'une maison des services publics, comme il en existe déjà une à Agde, ou dans un accueil dédié, peu lui importe : il faut des fonctionnaires des impôts accessibles aux 77 000 habitants de la communauté d'agglomération Hérault-Méditerrannée tous les jours de la semaine.
 

Pour le maire d'Agde et président de la communauté d'agglomération Hérault Méditerrannée, les agents des services fiscaux doivent rester à Agde. 10/10/2019 ©F3LR/FTV

La direction des finances publiques de l'Hérault fera un point d'étape sur la réorganisation territoriale le 21 octobre auprès des syndicats.

Elle continue à rencontrer les maires pour expliquer ses projets.

L'intersyndicale poursuit elle aussi sa mobilisation pour donner aux élus sa version de la réforme en cours et ses conséquences.

Jeudi 10 octobre, sur le marché d'Agde, les syndicalistes n'ont eu aucune difficulté à recueillir des signatures pour leur pétition sur le retrait du plan Darmanin.

Le maintien des services publics est plus que jamais un sujet sensible, en zone rurale comme sur le littoral de l'Hérault.

A quelques mois des municipales, il peut même devenir explosif dans certaines communes.


 

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