Marion Larribe raconte ce que son père a dit de sa détention, mercredi soir, à son retour du Niger, notamment une évasion ratée de 2 jours. De son côté, Françoise Larribe, ex-otage d'Aqmi, et épouse de Daniel Larribe revient sur "son espérance de retour" toujours restée intacte.
Marion Larribe raconte les 48 heures d'évasion de son père
Marion Larribe raconte jeudi, dans un entretien au Midi Libre, comment son père Daniel Larribe, l'un des quatre ex-otages du Niger, a réussi à échapper à ses geôliers pendant 48 heures, au cours de ses trois ans de détention "dans des camps de cailloux, dans le désert".
Une tentative d'évasion qu'il a détaillée "avec beaucoup d'humour", confie la jeune femme, étudiante à Montpellier et dont la mère Françoise Larribe, qui fut elle aussi otage, avec son mari, avant d'être libérée en février 2011, habite à Mialet dans le Gard.
Et de poursuivre: "Avec Thierry (Dol), ils avaient tout préparé à l'avance, en stockant de la nourriture, et en remplissant leurs poches avec ce qui était le plus énergétique. La veille, ils ont fait une fausse piste, en marchant pour laisser leurs empreintes vers un ruisseau à sec, et puis le lendemain, ils ont entouré leurs chaussures avec des chaussettes, pour limiter leurs traces, et ils sont partis dans une autre direction, avec 14 litres d'eau".
"Ils ont marché pendant 48 heures, jusqu'à ce qu'ils croisent un autre groupe de touaregs, qui sont allés dire à ceux du camp qu'ils les avaient vus. Quand ils ont été repris, ils ont été mis au régime sec, les quelques faveurs qu'ils avaient
obtenues leur ont été supprimées", explique Marion Larribe.
Pendant trois ans, souligne-t-elle, "ils ont vécu en extérieur, dans des camps de cailloux, dans le désert, sauf ces derniers temps où ils étaient dans des grottes. Avec d'énormes chaleurs dans la journée, nourris aux pâtes matin, midi et soir. Ils avaient juste le droit de faire leur propre feu et leur propre thé, avec du sucre".
"Ils étaient gardés par plusieurs hommes, mais qui tournaient au bout de quelques jours. C'étaient toujours les mêmes, mais il y avait un roulement", précise l'étudiante.
Selon elle, son père n'a pas subi de violence. "Ils étaient isolés, sans mauvais traitements physiques ou psychologiques", indique-t-elle, estimant que la violence, c'est "la privation de liberté".
"Il a tenu le coup en faisant des recherches botaniques et des observations géologiques", ajoute Marion Larribe, mais ces notes "ont malheureusement été détruites pendant les bombardements".
"Il nous a dit qu'ils ont eu très peur pendant l'intervention française au Mali, que quatre ou cinq fois, ils pensaient que les bombes allaient leur tomber dessus et qu'ils allaient y passer", raconte-t-elle encore.
Inquiète sur l'état de santé de son père âgé de 62 ans, elle a finalement été un peu rassurée en le voyant revenir. "Il a toujours eu une grande force mentale et une grande richesse intérieure, et un sens de l'humour avec plusieurs degrés.
Sur ça, on l'a complètement retrouvé. Il est fatigué, désorienté, avec du mal à se reconnecter à la réalité. François Hollande lui a demandé s'il savait qu'il avait été élu: il a dit qu'il l'avait appris, mais avec neuf mois de retard", relève-t-elle.
Après les retrouvailles mercredi à Villacoublay, un moment de "bonheur à l'état pur", la famille aspire à se retrouver ensemble "petit à petit": "On va se retrouver à partir de ce week-end. Pour l'instant, on est dans l'euphorie, dans un sas de décompression".
Françoise Larribe, ex-otage d'Aqmi : "Daniel a eu l'espérance d'un retour"
La femme de l'ex-otage gardois, Daniel Larribe, a salué la "formidable" "volonté de résister" de son mari, libéré mardi avec trois autres otages après 37 mois de captivité, peu après son retour en France mercredi à l'aéroport de Villacoublay.
"Daniel a eu l'espérance d'un retour, mes filles et moi-même, nous avions aussi cette espérance-là. Daniel avait cette volonté de résister et il l'a fait d'une façon tout à fait formidable", a déclaré Françoise Larribe à des journalistes sur le tarmac de l'aéroport.
Quelques minutes plus tôt, aucun des quatre ex-otages, qui avaient été enlevés le 16 septembre 2010 au Niger par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), n'avait souhaité prendre la parole.
"Vous avez pu voir comme moi cette déferlante émotive. C'était extraordinaire. On attend cela depuis 37 mois", a poursuivi Mme Larribe, interrogée sur ses sentiments après les retrouvailles avec son mari.
"On a l'impression, très curieusement, qu'il reprend une conversation qu'on avait laissée il y a quelques jours", a-t-elle dit, revenant ensuite sur les conditions de captivité des otages.
"Ils ont eu des moments très difficiles", notamment au moment de l'intervention de l'armée française au Mali. "Les combats" ont entraîné "des moments d'angoisse chez les ravisseurs et cela a dû se répercuter sur les otages", a-t-elle ajouté.
Daniel Larribe "a su mettre en avant toutes les ressources possibles et inimaginables pour que chaque jour soit un jour de gagné", a-t-elle dit.
Debriefing des otages
Comme tous les otages après leur libération, Thierry Dol, Daniel Larribe, Pierre Legrand et Marc Féret, vont être débriefés par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), une étape obligée avec celles des examens médicaux et psychologiques.
Ces débriefings (rapports de mission) ou "retex" (retour d'expérience) sont essentiels car ils peuvent aider les analystes des services français à recouper leurs informations sur le groupe d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui les a enlevés il y a trois ans à Arlit (nord du Niger) lors d'une opération audacieuse.
Selon les spécialistes, les débriefings se déroulent généralement en deux étapes, suivant des procédures bien rodées.
- La première a lieu dès la libération des otages en s'appuyant sur la mémoire et les émotions immédiates des ex-otages avant que certains souvenirs ne s'estompent totalement.
- La seconde phase a lieu, quelques jours après le retour des otages en France, dans un lieu calme, après qu'ils ont retrouvé leurs proches et répondu aux sollicitations des médias.
Eric Denécé, directeur du centre français de recherches sur le renseignement (CF2R) a ainsi expliqué à l'AFP que les quatre ex-otages ont déja été interrogés à Niamey, après leur libération, et dans le Falcon 7X de l'armée de l'air française les ramenant à Paris. Ils ont également subi dans la capitale nigérienne un premier examen médical avant une batterie d'examens plus complets en France.
Dans le cas des quatre ex-otages d'Arlit, ajoute Eric Denécé, la DGSE va disposer des témoignages de quatre personnes : conditions et lieux de détention, calendrier de la captivité, comportement des ravisseurs et éventuelles dissensions entre eux, durcissement éventuel de l'attitude des ravisseurs pendant l'opération Serval, armements et véhicules.
Ces informations seront ensuite comparées avec des éléments recueillis par d'autres sources.