A Roquebrun dans l'Hérault, une productrice de safran d'origine camerounaise a été victime d’actes racistes pendant plusieurs années. Aujourd’hui, elle doit quitter son épicerie pour loyers impayés. Elle accuse la municipalité de lui avoir compliqué la tâche.
Nadine Amagne cultivait du safran depuis 2007 dans les champs du village de Roquebrun dans l'Hérault. Aujourd’hui, il n’en reste que des bulbes et des feuilles. Il y a deux ans, le propriétaire des terres a tout rasé sans la prévenir. "Il va vous dire que ce n'’était pas entretenu. Mais lui il est propriétaire, ça, ça m'appartient, la terre est à lui, mais ça c’est mon fond de commerce", estime Nadine Amagne, productrice de safran.
Endettée
Contacté, le propriétaire explique avoir prêté gratuitement ses parcelles puis avoir voulu les récupérer puisqu’elles étaient, selon lui, à l’abandon. Sans safran, Nadine Amagne l’affirme, son commerce n’est plus assez rentable. " On a tout stoppé, les confitures, les sirops, les herbes aromatiques que je produisais… ". Nadine Amagne se retrouve sans revenus. Entraînée dans une spirale de dettes, elle doit se séparer de son magasin, dans ce village où elle ne s’est jamais sentie la bienvenue.
Racisme
Pendant des années, elle dit avoir avoir été la cible d’actes racistes.
J’ai trouvé régulièrement des bananes à l’entrée de mon magasin, parfois c’était une, parfois deux, parfois même un tas.
Nadine AmagneProductrice de safran
Fruits de mer pourris et vitrine tartinée de chocolat
En plus des bananes, elle raconte les fruits de mer pourris déposés au pied de son épicerie, ou encore sa vitrine tartinée de chocolat.
Les bananes ça rappelle la guenon, je le dis clairement, les fruits de mer c’est la pourriture, le chocolat, sa peau, sa race.
SergeCompagnon de Nadine Amagne
"Je ne suis pas faite de marbre, j’ai eu de fortes périodes de dépression où je ne pouvais même pas aller travailler parce que j’avais pas le moral", reconnaît Nadine Amagne, productrice de safran.
Plainte classée sans suite
Face à ces actes de racisme, Nadine Amagne a déposé une plainte. Elle a été classée sans suite. Dans les rues de Roquebrun, les habitants se font discrets. Les témoignages sur ce conflit dans le village sont rares.
"C’est lamentable, on ne devrait plus voir de choses comme ça mais apparemment ça existe encore. Je suis pas trop au courant de ces histoires de racisme, malheureusement ça existe partout quoi" regrette ce villageois croisé par notre équipe sur place.
En conflit avec la mairie
Au delà du racisme, Nadine Amagne est en conflit avec la municipalité. Elle lui reproche d’avoir compliqué son installation dans le village. La Maire de Roquebrun réfute ces accusations. Selon elle, le problème aujourd’hui ce sont les loyers impayés de Nadine. Elle doit des milliers d’euros à la commune.
Ici on est un petit village, on est bien contents que des commerçant s’installent, on fait pas des loyers mirobolants, elle paye 248 euros c’est pas excessif.
Catherine ListerMaire de Roquebrun
Pour obtenir le règlement des loyers et libérer le local, la mairie a porté plainte contre Nadine Amagne. Le contentieux se réglera devant le tribunal administratif de Béziers, le 31 janvier prochain.
Ecrit avec Lou-Ann Le Roux