A la découverte du tardigrade, cet animal aux super-pouvoirs étudié à Montpellier

Il est tout petit et peut être mis en bouillie, desséché, irradié, écrasé voire même empoisonné. Le tardigrade est un animal extraordinaire. Les chercheurs de Montpellier, Simon Galas et Miryam Richaud, tentent de percer les secrets sur ses capacités à survivre et à se réparer.

Indestructible, il ressemble à un extaterrestre. Il se pourrait même qu'il se trouve au fin fond de l'espace dans un interstice d'une planète du système solaire. Son nom ? Le tardigrade. Vous ne le connaissez pas ? Invisible, il est pourtant présent partout sur Terre. Et pourquoi pas être le sauveur de l'espèce humaine ?

Aujourd'hui, cet animal est même au coeur de la recherche scientifique, notamment à Montpellier, où deux chercheurs en biologie du CNRS et de la faculté de pharmacie étudient et élèvent ces petites bêtes extraordinaires (recherches financées par le CNRS dans le cadre du Défi Origines CNRS). Et voilà à quoi il ressemble et comment il bouge.
 

Le tardigrade, un animal indestructible

Il accumule les noms : macrobiotus shonaicus, pokémon, "ourson d'eau" et il faut l'avouer : il n'est pas particulièrement beau. Une trompe. Des pattes crochues. Un corps boudiné. De par son apparence et sa petite taille (0,1 mm à 1,5 mm de longueur selon les espèces), soit l'équivalent de l'épaisseur d'un cheveu, le tardigrade n'a rien d'extraordinaire. En réalité, il est le "Clark Kent" des animaux. Indestructible, il survit aux conditions les plus extrêmes : des températures pouvant aller de -272°C à 150°C, à un environnement sans oxygène, radioactif, aux hautes pressions.   

Comment les tardigrades réussissent cette prouesse ? Grâce à l'état anhydrobiotique, une période de vie suspendue, un peu comme l'hibernation. L'organisme du tardigrade perd toute son eau, remplacée par un sucre (le thréalose), et se transforme en un véritable "cristal vivant", stoppant l'ensemble de son métabolisme.  
Cette protéine agit comme un "parapluie moléculaire" et protège l'ADN du tardigrade contre les agressions les plus violentes. Il suffit d'une goutte d'eau pour qu'il se réhydrate et qu'il "ressuscite". Il peut même le moment venu, à l'aide d'enzymes, réparer les dommages qu'il aura subi. 

A Montpellier, il est scruté à la loupe

Les prouesses du tardigrade, Miryam Richaud les scrute à la loupe, au microscope, au quotidien depuis 2013. C'est à cette date que la Montpelleraine a consacré sa thèse au "Pokémon microscopique" à la demande du généticien Simon Galas. Depuis, les deux chercheurs étudient la "petite bête" dans leur laboratoire situé au deuxième étage d'un bâtiment de la faculté de pharmacie de Montpellier.

Italie, Japon, Allemagne, Etats-Unis, France. Aujourd'hui, à travers le monde, à peine 25 chercheurs travaillent sur ce sujet dans 5 laboratoires.

Le tardigrade cela n'intéressait personne et moi tout ce qui n'intéresse pas, m'intéresse...

 explique avec un grand sourire Simon Galas. 

Dans trois frigos sont élevés dans des boîtes de pétri une colonie de Caenorhabditis elegans, un petit ver d'un millimètre environ, transparent et non-parasitaire auquel s'est consacré longtemps Simon Galas, et celle des tardigrades (comme le montre la photo ci-dessous). Le but est d'étudier le modèle de résistance de l'animal et ses éventuels débouchés. 

Pourquoi cette résistance existe et comment fonctionne-t-elle ?
Le docteur Miryam Richaud s'intéresse autant au tardigrade pour plusieurs raisons :" Son originalité. Très peu de laboratoires travaillent sur le tardigrade donc c'est un modèle émergent. Sa résistance extrême. J'aimerai bien savoir comment cela fonctionne et décortiquer les mécanismes." Pour y arriver, "l'ourson d'eau" est exposé à de forts rayonnements d'UV comme à de très fortes pressions.

c'est une recherche importante car elle peut avoir des répercussions et des effets potentiels. Cela pourrait déboucher sur de nouvelles molécules, de nouveaux mécanismes novateurs.

Des super-pouvoirs utiles à la médecine du futur

En 2016, une équipe de l'université de Kyoto a identifié une protéine du tardigrade qui protège son ADN lorsqu'il est détérioré. Les scientifiques ont également constaté, en laboratoire, que cette protéine pouvait protéger les cellules humaines des rayons X. "
En l'injectant dans des cellules humaines, détaille Simon Galas, ils ont montré que ce "parapluie moléculaire" avait permis à 40 % de cellules en plus de survivre".

Un autre laboratoire installé en Caroline du Nord, aux Etats-Unis, travaillerait également sur l'utilisation d'une protéine du tardigrade pour protéger des tissus humains lors de transports.

A Montpellier, Simon Galas a récemment démontré pour la première fois une technique permettant de connaître si un tardigrade est vivant ou mort, ce qui est très important dans des expériences visant à tester leurs capacités de résistances. Il espère trouver d'autres applications à travers de nouvelles techniques d'étude et la compréhension des mécanismes de résilience moléculaire.

"Le tardigrade a des gènes identiques à l'Homme. (...) Puisque ces gènes sont présents chez l'Homme à chaque fois que nous allons découvrir un mécanisme moléculaire de résistance, nous allons regarder immédiatement chez l'homme à quel endroit se situent ces nouvelles régulations, ces nouveaux mécanismes moléculaires qui restent à découvrir qui permettent aux tardigrades de se regénérer, de se réparer."
Est-ce que cet animal aux super-pouvoirs sera un super héros pour l'avenir de l'Homme ? Les chercheurs commencent juste à explorer ce trésor génétique qu'est le génome du tardigrade. Ce que l'on sait aujourd'hui, c'est que le champ des posibles est infini et trés prometteur. Tout cela ressemble peut-être à de la science-fiction mais pas tant que cela. D'ailleurs, le petit animal est apparu en guest star dans la série Star Trek Discovery. Pour connaître la suite, rendez-vous au prochain épisode.
 
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