Le monde de la culture, en berne depuis un an. Pour marquer le "triste anniversaire" des premières fermetures dues à la crise sanitaire, une nouvelle journée de mobilisation nationale a eu lieu ce jeudi. À l'appel de plusieurs organisations, près de 250 personnes se sont rassemblées à Montpellier.
Devant les marches du Corum de Montpellier, la foule se densifie doucement. Quelques pancartes bricolées, quelques banderoles, quelques drapeaux syndicaux. Les prises de parole des différents collectifs se succèdent, mais le micro fonctionne à peine. "Décidement, on a du mal à se faire entendre", plaisante une voix dans l'assemblée.
Le besoin d'être écoutés, la volonté de travailler. C'est ce qui revient inlassablement aux lèvres des professionnels de la culture. Dans tout le pays, ils se rassemblement ce jeudi pour solliciter davantage de soutien des pouvoirs publics, notamment par la prolongation de l’année blanche pour les intermittents au-delà du 31 août. Mais surtout, ils demandent un calendrier clair de la réouverture des lieux culturels.
Nathalie Garraud, "ultra-fatiguée, mais ultra-combative"
Malgré la musique, l'ambiance légère et le plaisir de se retrouver, la lassitude est flagrante. "Ca fait un an qu'on répète les mêmes choses. Aujourd'hui, c'est la colère qui domine", explique Nathalie Garraud, directrice du Théâtre des 13 vents de Montpellier.
On peut faire des ateliers de théâtre dans des écoles, mais pas dans des théâtres, qui sont des lieux plus adaptés sur tous les plans. C'est ça qui nous pousse à bout, c'est l'absurdité générale.
"On a interpellé, négocié, argumenté... mais les mêmes questions se re-posent à l'identique", soupire à ses côtés Nicolas Dubourg, président du Syndeac et directeur du Théâtre de la Vignette. Une fois monté à la tribune, il s'agace : "Les établissements culturels ont prouvé qu'ils savaient parfaitement accueillir du public en respectant un protocole sanitaire ! Maintenir la fermeture, quand les supermarchés et les écoles sont ouverts, c'est un non-sens !"
Victoria, Aurore et Lucile : "en pleine perte de sens"
Employées au théâtre du Périscope, Victoria Moulin, Aurore Gaglione et Lucile Donivard ont tenu à faire le déplacement depuis Nîmes pour participer au rassemblement. D'abord, par solidarité avec les intermittents. "On voit bien leur état psychologique, et c'est préoccupant", soupire Aurore. Mais aussi parce que leur propre quotidien perd son sens. Aurore travaille dans la médiation avec les publics du théâtre. Elle a le sentiment de ne plus réussir à atteindre les personnes les plus éloignées de la culture. "Toute cette dimension de lien social se perd", abonde Lucile", "alors que c'est ce qui donne du sens à nos métiers."
Dans l'incertitude, on passe notre temps à faire... et défaire. On ne sait jamais si l'énergie qu'on investit dans un projet va aboutir, ou si tout va s'effondrer.
Nelly Lacince : "c'est toute la vie qui est à zéro"
Nelly Lacince est arrivée avant tout le monde, lorsque l'esplanade du Corum était encore clairsemée. En tant que membre du collectif "Etat d'urgence culturel", elle fait partie des organisateurs du rassemblement. Ancienne professeur de danse, elle a "vu grandir toute une génération d'artistes". Elle est aujourd'hui le "témoin de leur détresse."
Pour elle, au-delà des professionnels du secteur, il s'agit maintenant de mobiliser le public.
La vie sans culture, c'est zéro. En tant que public, on s'enfonce. On a la télévision et les livres, mais ça n'a rien à voir avec le spectacle vivant !
Le cortège s'est acheminé en musique jusqu'à la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), où une délégation a été reçue. Les différents collectifs ont appelé à une autre journée de mobilisation le 20 mars, en affichant des banderoles aux fenêtres des théâtres, des cinémas et des musées de la région.