ENTRETIEN EXCLUSIF. Des policiers de la PJ de Montpellier dénoncent une réforme "dangereuse pour la police et les citoyens"

Le projet de réforme de la police judiciaire ne plait pas aux enquêteurs et fonctionnaires de la PJ de Montpellier. Pour manifester leur colère, ils ont réalisé une vidéo de 3 minutes, postée le 4 octobre sur YouTube. Mots d'ordre : "sauvons la PJ" et "non à la DDPN". Plusieurs d'entre eux témoignent.

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Le projet du gouvernement prévu pour 2023 veut placer tous les services de police d'un département : renseignements, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire (PJ), sous l'autorité d'un seul directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

Cette «départementalisation de la police nationale» est déjà expérimentée depuis le début de l'année dans 5 départements en France, dont l'Hérault. Un commandement unique est également testé depuis janvier 2021 à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales.

Les policiers redoutent un problème d'indépendance pour les affaires judiciaires. Des craintes mises également en avant par certains avocats et magistrats.

Des policiers de la DZPJ Sud témoignent

Soumis au devoir de réserve, ils ont créé l'Association nationale de la police judiciaire (ANPJ), le 17 août dernier, pour faire entendre leurs voix et leurs revendications.

Plusieurs policiers de la Direction Zonale de la Police Judiciaire Sud (DZPJ Sud), membres de l'ANPJ, ont tenu à témoigner anonymement.

France 3 Occitanie : C'est une mobilisation inédite ?

"C'est historique. Car le travail de la PJ, c'est avant tout la discrétion. En fait, nous sommes désespérés. On lutte contre le projet baptisé "réforme de la police nationale", dans lequel la police judiciaire est une toute petite partie. Nous ne sommes que 4.000 en France. L'idée est de prendre nos effectifs de PJ pour les saupoudrer dans les services de sécurité publique afin de pallier les carences de personnels. Si on ne nous laisse pas travailler à 100% sur notre cœur de métier, c'est-à-dire, les trafics en tout genre, armes, êtres humains, stupéfiants, mais aussi le terrorisme, les attentats, la criminalité financière, cette criminalité va exploser et ce sera un cataclysme pour la société".

Pourquoi craignez-vous une dilution des moyens et des compétences ?

Nous avons besoin d'un temps long pour traiter nos affaires, pour traiter les causes de la criminalité organisée, pas seulement les conséquences. Nos enquêteurs sont devenus des experts dans leur domaine, après des formations et des années d'expérience, car enquêter, c'est devenu très compliqué entre les procédures et les moyens que l'on utilise. Nous, spécialistes de la PJ, on va devenir des généralistes. Dans la police, il y a 100 métiers différents, cela demande des compétences diverses".

Quels dangers feraient courir cette réforme ?

Le danger, c'est que demain nous serons sous l'autorité hiérarchique d'un directeur départementale qui lui même recevra ses ordres du préfet. Il aura donc à cœur de défendre les intérêts de son propre département. Aujourd'hui, on travaille sur des enquêtes interdépartementales et interrégionales, voire internationales. Comment voulez-vous lutter efficacement contre les réseaux criminels complexes au niveau d'un département ? Par exemple, pour la drogue, on aura les petits dealers, les petits revendeurs mais contre les gros trafiquants, les "personnes invisibles" à la tête des réseaux, on ne pourra plus rien".

"Aujourd'hui, on est plus sur un ministère des statistiques que sur une volonté de résultats efficaces. 5 interpellations de 5 dealers en bas d'une tour en 30 minutes feront autant que 5 têtes d'un réseau international de drogue démantelé après 12 mois d'investigation par des enquêteurs spécialisés. 1=1, c'est justement ce que nous ne voulons pas".

Pourquoi faire cette réforme ?

"C'est une politique d'économies. On ne voit pas le bénéfice de cette réforme pour la police, pour la sécurité et les citoyens. Avec la réforme, on va perdre en autonomie. La police judiciaire peut décider de la façon dont elle va travailler et avec quels moyens. Demain, nous agirons sur instructions d'un directeur départemental, donc du préfet, en fonction de son actualité et de ses besoins, il pourra prendre des effectifs de la PJ pour les mettre où il veut, sur la petite délinquance par exemple. Faute de moyens, on ne pourra plus enquêter sur les "gros dossiers". C'est le danger majeur, perte d'autonomie et perte d'indépendance".

Devant cette levée de boucliers, deux missions d'information vont être lancées à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elles auront pour objectif d’examiner l’opportunité de cette réorganisation de la police qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023.

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